Législatives : le Rassemblement national gagne 5 millions de voix par rapport à 2022
Par Franck Lemarc
Emmanuel Macron a joué, et il a perdu. La dissolution surprise de l’Assemblée nationale, annoncée par le chef de l’État au soir des élections européennes, a abouti, au terme d’une campagne express, à une large victoire du Rassemblement national, qui obtient 5 millions de voix de plus qu’aux élections législatives de 2022. Le parti présidentiel, à l’inverse, perd près d’un million de voix.
Selon les résultats définitifs publiés cette nuit par le ministère de l’Intérieur, le Rassemblement national et ses alliés obtiennent 33,15 % des suffrages, le Nouveau Front populaire 27,99 %, la coalition Ensemble (majorité présidentielle) 20,04 % et Les Républicains 6,57 %.
Le RN, historiquement haut
Le premier fait marquant de ce scrutin est la très forte hausse de la participation. Alors qu’aux élections législatives de 2022, celle-ci n’avait été que de 47,5 %, elle a bondi à 66,7 % hier. Près de 33 millions d’électeurs se sont déplacés aux urnes, soit 10 millions de plus qu’il y a deux ans.
Mais alors que beaucoup pensaient que cette hausse de la participation allait bénéficier au Nouveau Front populaire (NFP), il apparaît qu’un grand nombre de ces ex-abstentionnistes se sont mobilisés pour voter Rassemblement national. En effet, la nouvelle union de la gauche ne gagne « que » 3 millions de voix par rapport à la Nupes de 2022, quand le Rassemblement national, à lui seul, en gagne plus de 5 millions et obtient 9,37 millions de voix (contre 4,25 millions en 2022).
En considérant l’ensemble des formations d’extrême droite (RN, Reconquête et souverainistes) et en ajoutant les partisans d’Éric Ciotti, ralliés au RN, on aboutit à un score de presque 11 millions de voix – score qui n’avait jamais été atteint par ce courant dans l’histoire de la république française.
À lui seul, le RN réalise le meilleur score de son histoire à un premier tour, toutes élections confondues : au premier tour de la présidentielle de 2022, Marine Le Pen avait recueilli 8,13 millions de voix – soit 1,2 million de moins qu’hier.
L’un des marqueurs de cette poussée du RN est le nombre de députés de ce parti élus dès le premier tour, c’est-à-dire ayant recueilli plus de 50 % des votants et plus de 25 % des inscrits (deux conditions cumulatives pour être élu dès le premier tour) : ils sont 38, avec parfois des scores frisant, voire dépassant les 60 %. Dans l’Aisne, le RN remporte 4 des 5 circonscriptions dès le premier tour, dans le Var 5 sur 8, dans le Pas-de-Calais 6 sur 12. Les 50 % sont également largement dépassés dans plusieurs circonscriptions de l’Oise, du Nord, de la Gironde, de l’Yonne, de la Moselle…
En dehors de ces territoires depuis longtemps acquis au RN, même si c’était jusqu’à présent dans une moindre mesure, le parti de Jordan Bardella confirme son ancrage dans la ruralité : à titre d’exemple, il arrive en tête dans la 1ère circonscription de la Creuse, la 2e de l’Indre, la 6e de la Loire, la 1e du Jura, la 1ère de l’Ardèche, la 2e de l’Orne… Des régions qui jusqu’à présent ne votaient que peu pour le RN ne sont plus épargnées : le parti d’extrême droite arrive par exemple en tête dans cinq circonscriptions de Bretagne.
Les seules régions à ne pas être touchées par cette vague bardelliste sont l’Île-de-France, dans laquelle le RN n’est en tête dans aucune circonscription, tout comme aux Antilles. Le RN l’emporte en revanche dans une circonscription de La Réunion et une de Mayotte.
La gauche ne réussit pas son pari
Avec presque 9 millions de voix (27 ,99 % des votants), le Nouveau Front populaire gagne 3 millions de voix par rapport à la Nupes de 2022, mais ne gagne que deux points, eu égard à la forte hausse de la participation. Elle échoue dans son pari, qui consistait à jouer l’union pour vaincre le Rassemblement national.
La coalition de gauche réalise ses meilleurs scores dans le centre du pays (Corrèze, Haute-Vienne…), le Sud-Ouest (Lot, Dordogne, Pyrénées-Atlantiques…), la Bretagne et une partie de l’Île-de-France (est parisien, Val-de-Marne et Seine-Saint-Denis en particulier).
La gauche voit 32 de ses candidats élus dès le premier tour, avec des scores parfois considérables, comme le communiste Stéphane Peu (71,8 %) ou l’Insoumis Éric Coquerel (65,28 %), en Seine-Saint-Denis, ou Mathilde Panot dans le Val-de-Marne (59,27 %). Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, a également été élu dès le premier tour en Seine-et-Marne (53,42 % des voix). Dans le sud, la ville de Marseille apparaît comme une absolue exception : alors que la totalité des circonscriptions des Bouches-du-Rhône, du Var, du Vaucluse et des Alpes-Maritimes voient le RN arriver en tête, les Insoumis Sébastien Delogu et Manuel Bompard sont élus au premier tour à Marseille, avec respectivement 59,67 % et 67,49 %.
Plusieurs figures de la gauche, en revanche, chutent lourdement, comme le secrétaire national du Parti communiste, Fabien Roussel, sèchement éliminé dès le premier tour par le RN dans la 20e circonscription du Nord, qui était tenue par le PCF depuis 1962.
François Ruffin, dans la Somme, est en ballottage défavorable, arrivé deuxième avec six points de retard sur le RN. Dans l’Aude, le porte-parole du NPA Philippe Poutou, sous la bannière NFP, n’a recueilli que 18 % face au RN, qui est passé à deux doigts d’être élu dès le premier tour, avec 49,33 %.
La majorité présidentielle perd 5 points en pourcentage
Avec 6,4 millions de voix, la majorité présidentielle (Ensemble) progresse en voix par rapport à 2022 (+ 600 000 voix), mais diminue nettement en pourcentage du fait de la très forte participation, passant de 25,7 % à 20 % des voix. Elle conserve quelques bastions notamment dans l’ouest du pays (Mayenne, Ille-et-Vilaine, Manche), en Haute-Savoie et région parisienne, notamment dans les Yvelines. Seul un député Ensemble a été élu dès le premier tour, en métropole (Pierre Cazeneuve dans les Hauts-de-Seine).
Parmi les grandes figures de la majorité, on retiendra que 23 des 24 ministres qui se présentaient à ces élections sont qualifiés pour le second tour, mais dans des situations plus ou moins favorables. Si le premier d’entre eux, Gabriel Attal, dans les Hauts-de-Seine, est bien placé à 43,8 % des voix, tout comme Stéphane Séjourné (46 %), la situation est plus compliquée pour Marc Fesneau ou Stanislas Guerini, tous deux en ballotage défavorable. Cinq ministres (Gérald Darmanin, Aurore Bergé, Marie Lebec, Jean-Noël Barrot et Hervé Berville) se retrouvent en tête dans des triangulaires : le ministre de l’Intérieur est arrivé de justesse en tête dans sa circonscription du Nord, avec 36 % des suffrages contre 34 % pour le RN.
Neuf autres ministres, dont Frédéric Valletoux ou Franck Riester, se retrouvent en revanche deuxième dans des triangulaires, voire troisièmes, comme la ministre chargée des Collectivités territoriales, Dominique Faure. Deux autres ministres arrivées troisièmes dans des triangulaires, Marie Guévenoux (Essonne) et Sabrina Agresti-Roubache (Bouches-du-Rhône), ont d’ores et déjà annoncé qu’elles se désistaient.
Les Républicains
Notons enfin que Les Républicains, déjà mal en point en 2022, perdent encore 200 000 voix et 3 points de pourcentage, à 6,57 %. Le parti de droite a semble-t-il payé les pots cassés de la défection de son président, Éric Ciotti, bien que certaines figures nationales, comme Annie Genevard, Laurent Wauquiez ou Jean-Pierre Vigier, arrivent en tête dans leur circonscription. Un seul député sortant LR est réélu dès le premier tour : Philippe Juvin, dans la 3e circonscription des Hauts-de-Seine.
À noter enfin qu'à Mayotte, la députée divers droite Estelle Youssouffa a été élue au premier tour avec un score de 79,48 %, ce qui fait d'elle la députée la mieux élue du pays.
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