Le manque d'enseignants reste criant, malgré les promesses gouvernementales
Par Franck Lemarc
C’était le 31 août dernier, sur France inter : le nouveau ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, affirmait qu’il « y aura un enseignant devant chaque élève » dès la rentrée. Ce qui apparaissait comme une promesse quelque peu hasardeuse, à quatre jours de la rentrée, est clairement démenti par les faits, quinze jours plus tard.
Des manques dans la moitié des établissements ou plus
Deux études parallèles ont été menées depuis la rentrée, la première par le syndicat enseignant Snes-FSU, la seconde par le syndicat des personnels de direction SNPDEN-Unsa. Si les chiffres diffèrent un peu, les deux enquêtes vont dans le même sens.
Selon le Snes-FSU, qui a mené une enquête dans « 508 établissements représentatifs, mélangeant collèges, lycées et respectant une diversité géographique », il manquait à la fin de la semaine dernière au moins un enseignant « dans 48 % des collèges et lycées généraux et technologiques ». Un chiffre qui monterait à 60 % dans l’académie de Créteil, et 57 % dans l’académie d’Orléans-Tours.
Selon le SNPDEN, qui est en train de terminer une enquête auprès de 2 700 chefs d’établissement, la situation est encore pire, puisqu’il manquait à la rentrée, selon le syndicat, au moins un enseignant dans « 58 % des établissements » – une situation jugée « identique » à celle de l’an dernier.
Contractuels
Pourtant, c’est le président de la République lui-même qui avait pris l’engagement, d’abord pendant sa campagne de 2022 puis, encore, au printemps dernier, de résoudre le problème des enseignants manquants dès la rentrée 2023, affirmant même en mars que les enseignants absents « seront remplacés du jour au lendemain ».
Sauf que pour y parvenir, il faudrait procéder à un recrutement massif d’enseignants, ce qui suppose, de surcroît, de s’attaquer à la question de l’attractivité de ce métier. Pour pallier les absences et les trous dans les emplois du temps, le gouvernement fait, aujourd’hui, la même chose que ce qui est fait depuis des années à chaque rentrée : chercher en catastrophe des contractuels, recrutés parfois à Pôle emploi après avoir constaté des carences dans tel ou tel établissement. Le site de Pôle emploi propose à ce jour pas moins de 7 610 offres d’emploi d’enseignants ! Une bonne partie, il est vrai, concerne l’enseignement privé ou des organismes de cours particulier, mais on y trouve des centaines d’annonces émanant des rectorats, du type : le rectorat de Montpellier recherche « un professeur de lettres modernes » pour exercer 9 heures par semaine au collège de Bourg-Madame, 7 heures au collège de Font-Romeu et une heure au lycée de la même commune, pour un salaire brut de 1825 euros par mois pour un débutant. L’académie de Nancy-Metz propose une offre pour un professeur de SVT à Longlaville, 8 h 30 par semaine, 955 euros brut par mois.
Dans la seule académie de Créteil, le rectorat avouait fin août chercher à recruter ainsi quelque 200 contractuels.
Les professeurs recrutés de cette manière, s’ils doivent être titulaires d’un bac +3 dans leur matière, ne reçoivent en revanche aucune formation pédagogique, contrairement aux titulaires d’un concours, et sont jetés du jour au lendemain devant des élèves sans que le métier d’enseignant leur ait été appris.
Échec du Pacte
L’autre recette miracle censée régler la pénurie d’enseignants est le fameux « Pacte » lancé par l’ancien ministre Pap Ndiaye. Objectif : demander aux enseignants titulaires de remplacer leurs collègues absents sous forme d’heures supplémentaires. Ce qui, à l’époque, avait été présenté comme une revalorisation de salaire des enseignants, et avait été peu apprécié par ceux-ci : il y a tout de même une différence notable entre augmenter les salaires et proposer aux enseignants de « travailler plus pour gagner plus », selon une formule célèbre.
Résultat : le Pacte semble très largement boudé par les enseignants, soit par rejet de principe, soit, tout simplement, parce que ceux-ci n’ont pas le temps de faire des heures supplémentaires. Alors que le ministère tablait sur 30 % d’enseignants signant le Pacte, les chiffres tourneraient plutôt, en cette rentrée, autour de 10 %, selon le SNPDEN. Dans certains lycées, comme le relate la presse régionale, les chiffres sont encore bien inférieurs, avec par exemple 2 enseignants sur 70 ayant accepté le Pacte dans un lycée du Val-de-Marne.
Ce dispositif pose enfin un autre problème, soulevé par les syndicats : celui de creuser les inégalités salariales entre les hommes et les femmes. Il apparaissait déjà, avant le Pacte, que les hommes font plus d’heures supplémentaires que les femmes dans l’Éducation nationale, parce qu’elles restent davantage contraintes par les tâches domestiques. D’après les premières remontées des syndicats, les choses se passent de la même façon pour le Pacte, signé par nettement plus d’hommes que de femmes. Avec à la clé, donc, un nouveau creusement de l’écart de rémunération entre les unes et les autres.
La politique du gouvernement, dans ce dossier, ne semble donc pas une réussite. Reste à savoir ce qui ressortira du plan de « reconnaissance du métier d’enseignant » que veut élaborer Gabriel Attal, et à propos duquel un cycle de concertation avec les organisations syndicales va s’ouvrir demain. Sauf que pour l’instant, la question des salaires n’est pas à l’ordre du jour des discussions.
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