Ce que le gouvernement propose pour revaloriser le métier d'enseignant
Par Franck Lemarc
Dans son allocution de lundi dernier, Emmanuel Macron a promis que « dès la rentrée, notre école va changer à vue d’œil ». Annonçant notamment le « remplacement systématique des enseignants absents », ce qui, forcément, interroge si cela ne s’accompagne pas d’un plan massif de recrutement d’enseignements, le chef de l’État a également déclaré que les professeurs seront « mieux rémunérés ».
Hier, en visite dans l’Hérault, il a précisé les choses : « Il n’y aura plus d’enseignants en dessous de 2 000 euros par mois », a détaillé le chef de l’État, qui a expliqué que la réforme se ferait en deux volets : une augmentation générale pour tous les enseignants de « 100 à 230 euros net par mois » ; et la possibilité donnée à ceux-ci de « s’engager plus », c’est-à-dire de faire des heures supplémentaires, ce qui pourrait amener les « volontaires » à toucher « jusqu’à 500 euros par mois ».
Revalorisation des primes
Dans un dossier très détaillé publié hier soir sur le site du ministère de l’Éducation nationale, celui-ci détaille ces engagements.
Premier étage du dispositif : l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves (Isae) et la part fixe de l’indemnité de suivi et d’orientation des élèves (Isoe), que perçoivent respectivement les professeurs du 1er et du 2nd degré, vont doubler. Ce qui devrait représenter une augmentation moyenne de 100 euros net. Ces deux indemnités passeront à 2 550 euros annuels brut dès la rentrée. Les enseignants exerçant des fonctions particulières, à l’instar des enseignants référents à la scolarité des élèves en situation de handicap ou pour les usages du numérique, bénéficieront d’une augmentation identique à celles de l’Isae ou de l’Isoe. En outre, les professeurs principaux de première, de terminale et de deuxième année de CAP auront droit à une revalorisation supplémentaire.
Deuxième annonce : une rémunération nette d’au moins 2 000 euros par mois sera « garantie dès la titularisation », via la revalorisation de la prime d’attractivité. Il ne devrait donc plus y avoir de professeur débutant en dessous de ce salaire. Quant aux enseignants stagiaires, ils bénéficieront « d’une hausse de rémunération de 160 euros net par mois ».
Les professeurs contractuels ne sont pas oubliés : ils bénéficieront de la hausse des Isae et Isoe au même titre que les fonctionnaires, verront leur prime d’attractivités revalorisée de « 300 euros brut par an ».
Déroulement de carrière
Le gouvernement va également accélérer les déroulements de carrières, en permettant un passage plus rapide aux grades « hors classe » et « classe exceptionnelle ». Ces évolutions de carrière, calculées grâce à un système à points, vont être modifiées de façon à permettre « un passage à la hors classe un an plus tôt en moyenne ». Le contingentement de la classe exceptionnelle sera augmenté, de façon à permettre « 3 000 promotions supplémentaires par an ».
Missions complémentaires
Au-delà de ces mesures générales, le gouvernement souhaite également permettre aux enseignants de « travailler plus pour gagner plus », selon une formule célèbre. On savait déjà qu’il allait être proposé aux enseignants de faire du soutien scolaire aux élèves de 6e en difficulté. Le dossier du ministère en dit plus.
Le dispositif a été baptisé « Pacte » : un certain nombre de « missions complémentaires » vont être définies, au volontariat, faisant chacune l’objet « d’une rémunération complémentaire de 1 250 euros brut annuels ». Pour les enseignants du premier degré, quatre « missions complémentaires » sont proposées : le soutien scolaire aux élèves de 6e en français et mathématiques ; la participation au dispositif « Devoirs faits » en 6e ; le soutien scolaire aux élèves en difficulté en élémentaire ; et l’animation de « stages de réussite » pendant les vacances scolaires, « notamment dans les secteurs défavorisés ».
D’un point de vue organisationnel, il est précisé que chaque directeur d’école « connaîtra avant le mois de juin les moyens mis à disposition pour les missions complémentaires ».
« Marché de dupes »
Si personne ne refusera les augmentations de rémunération proposée – qui pourraient, de surcroît, s’ajouter à une probable hausse du point d’indice à venir –, ces annonces ont été plutôt fraîchement accueillies par la communauté éducative.
D’abord parce qu’elles sont inférieures à ce que le chef de l’État avait promis pendant sa campagne électorale, lors de laquelle il avait parlé de « 10 % d’augmentation pour tous les enseignants sans contrepartie ». La hausse générale annoncée hier est, en réalité, plus proche de 5 %.
Ensuite, parce qu’on est loin, là encore, du « sans contrepartie » brandi par le candidat Macron : pour atteindre les 10 % de hausse, il faudra travailler plus. Ce que les syndicats enseignants jugent non seulement injuste, mais aussi impossible, rappelant qu’un professeur des écoles « travaille en moyenne aujourd’hui 43 heures par semaine » (Snes-FSU). Les syndicats ne voient donc pas quand et comment les professeurs des écoles pourraient trouver le temps d’aller faire du soutien scolaire en 6e. Rappelons également que dans le secondaire, le nombre d’heures supplémentaires atteint déjà un plus haut historique, comme l’a révélé un récent rapport de la Cour des comptes, avec presque 600 000 heures supplémentaires effectuées en 2022 – un chiffre en augmentation de 30 % par rapport à 2002.
Le deuxième volet des annonces (le « pacte » ) n’est « pas une revalorisation », rappelle le Snes : « Quand vous payez quelqu'un pour des tâches qu'il effectue en plus, ça s'appelle tout simplement le payer pour ce qu'il fait, c'est le principe de travail salarié. » Il s’agit donc « d’un marché de dupes », pour l’Unsa, doublé d’une « provocation », renchérit le Snes. Car, dans sa communication, le ministère souligne que ce dispositif « est le fruit d’un travail de concertation avec les organisations syndicales ». En omettant de préciser que lors de ces négociations, lorsque le principe du « pacte » a été proposé, toutes les organisations syndicales sont parties en claquant la porte.
Le dernier point qui fâche les syndicats enseignants est le risque « d’inégalité » de traitement entre les enseignants du premier et du deuxième degré. La charge de cours horaires des professeurs des écoles étant nettement supérieure à celle des enseignants du second degré, ces derniers auront plus facilement la possibilité d’assurer les « missions complémentaires proposées ». Et quand on sait que les femmes représentent près de 85 % du corps des professeurs des écoles, la mesure apparaît, une nouvelle fois, comme une double peine pour celles-ci.
Les mesures annoncées semblent donc peu susceptibles de calmer le profond malaise du monde enseignant – auquel il faut ajouter, de surcroît, la question de la carte scolaire et des annonces de fermetures de classes en cascades qui touchent de très nombreux départements pour la rentrée prochaine.
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