Maire-info
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Édition du vendredi 21 juin 2024
Départements

La situation financière des départements reste préoccupante, selon l'Odas

Les dépenses sociales et médicosociales des départements ont augmenté de 5,2 %, selon l'Observatoire national du développement et de l'action sociale (Odas). Cette augmentation inédite met en difficulté les départements qui doivent faire face aux effets de l'inflation et à la réduction des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).

Par Lucile Bonnin

43,6 milliards d'euros : c’est le montant de la dépense nette d’action sociale départementale pour l’année 2023. C’est ce que montre une étude dévoilée cette semaine par l'Observatoire national du développement et de l'action sociale (Odas). 

Les principaux résultats de cette enquête annuelle qui « analyse l’évolution des dépenses sociales et médico-sociales des départements »  pointent une très forte augmentation de ces dépenses. Alors qu’en 2021 la hausse des dépenses enregistrée était de 0,4 % et qu’en 2022 elle était de 2,7 %, l’année 2023 bat tous les records avec une augmentation de 5,2 %, « soit une dépense supplémentaire par rapport à l’année précédente de 2,15 milliards d’euros ». 

Selon l’Odas, « l’évolution des dépenses s’explique à la fois par le nombre de bénéficiaires et par le coût de la prise en charge. Que ce soit sous la forme d’allocations ou de paiement des établissements et services, la majorité de l’augmentation des dépenses a pour causes principales les augmentations salariales et, dans une moindre mesure, l’inflation. » 

9,76 milliards d’euros pour la protection de l’enfance 

L’action sociale et médico-sociale étant une compétence importante des départements, une large partie de leurs budgets est consacrée aux politiques sociales (protection de l’enfance, personnes âgées dépendantes, personnes en situation de handicap, insertion, personnel).

L’Odas propose une analyse des évolutions par secteurs qui met en lumière en 2023 « l’importance de l’augmentation de la dépense de protection de l’enfance ». En effet, la protection de l'enfance ou aide sociale à l'enfance (ASE) enregistre une dépense en hausse de 10,2 %, « deux fois supérieure à celle de l’ensemble des dépenses d’action sociale (+ 5,2 %). Elle atteint désormais 9,76 milliards d’euros contre 8,86 en 2022, année où l’évolution était déjà de + 6,9 % par rapport à 2021. » 

Comment expliquer cette hausse ? L'augmentation du coût du placement qui s’explique notamment par des revalorisations salariales des personnels des départements et des ESSMS et des assistant(e)s familiaux joue un rôle. Mais c’est surtout la hausse du nombre d'enfants pris en charge qui fait pencher la balance. Au total, le nombre de jeunes hébergés a augmenté de 10 700 (+ 5,3 %) en un an pour s'établir à 212 100 fin 2023, selon l’AFP. Cette augmentation « traduit vraisemblablement une fragilité croissante des situations familiales y compris au niveau psychique, l'isolement des parents et la dégradation des liens sociaux », selon l'Odas.

Pour le soutien aux personnes handicapées, les dépenses ont aussi bondi. La dépense nette s’élève à 9,29 milliards d’euros (en augmentation de 6,7 % en dépense nette par rapport à 2022 et 5,9 % en charge nette après compensation par la CNSA). « L’hébergement et l’accueil de jour représentent 62 %, la prestation de compensation du handicap (PCH) représente 32 % et les autres dépenses 6 %. » 

Pour le reste, « la dépense nette de soutien aux personnes âgées dépendantes évolue de façon modérée : 230 millions d’euros soit + 3 % »  et la dépense nette d’insertion des départements (RSA) est en progression de 250 millions d’euros, soit + 2,4 %. « Elle atteint 10,85 milliards d’euros fin 2023 »  et ce malgré « une baisse du nombre de bénéficiaires du RSA pour la troisième année consécutive ». Concernant les dépenses liées au coût salarial des départements, l’Odas pointe une augmentation de plus de 6 % des dépenses, pour un budget total de 4,47 milliards. Cela s’explique notamment par les revalorisations du point d’indice notamment mais aussi par la revalorisation de salaires dans certains départements. 

Des dépenses qui augmentent, des recettes en baisse 

Plus de missions d’un côté dans le champ social et moins de recettes de l’autre avec la crise du logement et la baisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) : la situation financière des départements est de plus en plus compliquée. 

Comme l’expliquait François Durovray, président du département de l’Essonne, à Maire info à l’occasion du dernier congrès des maires, « l’Etat a confié [aux départements] de nouvelles missions dans le domaine social et pour l’ensemble des départements cela représente plusieurs milliards de dépenses supplémentaires. Face à ces dépenses, on a besoin de recettes. Le problème c’est qu’en 2023 nos avons perdu l’équivalent de la hausse de six années. La baisse des droits de mutation produit un effet de masse énorme avec des dépenses qui continuent à croitre et des recettes qui s’effondrent brutalement. C’est un effet ciseaux auquel on ne sait pas faire face. Il faut que l’État vienne au soutien des départements. » 

Malheureusement, la tendance ne risque pas de s’inverser de sitôt. Selon l’Odas, « les perspectives pour 2024 sont particulièrement préoccupantes »  car « les dépenses seront tirées à la hausse par l’aide sociale à l’enfance et la prestation de compensation du handicap (PCH), tout comme la reprise de l’augmentation des charges liées à l’insertion ». 

Qualifiant la situation de « crise structurelle » , les auteurs de cette enquête annuelle estiment que « la seule voie est la reconstruction et l’entretien des solidarités de proximité. Une perspective atteignable par la mobilisation conjointe des services de l’État, des départements, des communes, des acteurs locaux et des habitants, sans omettre la nécessité de changer de regard sur les personnes accompagnées, en ne les réduisant pas à leurs difficultés et en s’appuyant davantage sur leurs potentialités. » 

Consulter la synthèse de l’étude. 
 

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