Les Sages refusent que les CCAS aient accès aux données personnelles des malades sans consentement
Le Conseil constitutionnel a globalement validé la loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire, à l’exception de deux dispositions. Celle-ci a donc pu être promulguée et a été publiée ce matin au Journal officiel. L’état d’urgence sanitaire est donc désormais officiellement prolongé jusqu’au 10 juillet.
Déplacements à plus de 100 km : comment ça marche ?
Première conséquence concrète : l’interdiction de déplacements à plus de 100 km du domicile, sauf motif impérieux, qui nécessitait la promulgation de la loi pour entrer en vigueur, est désormais effective. La mesure a été publiée, par décret, également ce matin : « Tout déplacement de personne la conduisant à la fois à sortir d'un périmètre défini par un rayon de 100 kilomètres de son lieu de résidence et à sortir du département dans lequel ce dernier est situé est interdit », à l’exception d’un certain nombre de motifs listés dans le décret : motifs professionnels, scolaires, familiaux, médicaux, judiciaires… Une nouvelle attestation de déplacement a été élaborée, dont le modèle est publié ce matin au Journal officiel et qui devrait être disponible dans la journée sur le site du ministère de l’Intérieur. Nouveauté par rapport à l’attestation en vigueur depuis deux mois : les personnes devront présenter, en plus de l’attestation, un justificatif de domicile de moins d’un an.
Rappelons que le périmètre de l’interdiction est calculé « à vol d’oiseau », et que les déplacements de plus de 100 km sans sortir du département dans lequel est situé le domicile sont autorisés.
Mesures « proportionnées »
Le Conseil constitutionnel a été saisi à la fois par le président de la République, le président du Sénat, 60 sénateurs et 60 députés, afin de vérifier la conformité à la Constitution de certaines dispositions.
Toutes les dispositions concernant la restriction de la liberté d’aller et venir, dont l’interdiction de déplacements à plus de 100 km du domicile, n’ont pas soulevé de remarques du Conseil constitutionnel, qui les estime « proportionnées ». Même jugement sur les restrictions à la liberté de réunion.
Les nouvelles dispositions sur la responsabilité pénale en cas de faute non intentionnelle n’ont pas soulevé d’objection du Conseil constitutionnel, qui estime qu’elles « ne diffèrent pas de celles du droit commun » et « ne méconnaissent pas le principe d’égalité devant la loi pénale ».
La plus grande partie de l’avis des Sages concerne les mesures de mise en quarantaine et d’isolement des personnes infectées ou soupçonnées d’être infectées par le covid-19 – mesures qui sont au cœur de la stratégie du gouvernement dans les semaines à venir. Pas de problème de constitutionnalité, selon les Sages, dans la mesure où « le législateur a fixé des conditions propres à assurer que ces mesures ne soient mises en œuvre que dans les cas où elles sont adaptées, nécessaires et proportionnées ». Ils notent simplement que la prolongation éventuelle d’une mesure de quarantaine ne pourra se faire « sans l’autorisation du juge judiciaire ».
Pas de problème non plus, selon le Conseil constitutionnel, pour la mesure permettant aux agents assermentés des réseaux de transport de constater les contraventions aux interdictions en vigueur pendant l’état d’urgence, dans ces réseaux ou dans les gares.
Dispositions censurées
Les Sages se sont, en revanche, arrêté sur l’article 11 de la loi, qui traite de la collecte et du traitement des données liées aux malades et à leur contact. Rappelons que le gouvernement a décidé de mettre en place un vaste système d’enquêtes afin de repérer, prévenir et éventuellement mettre en quarantaine les personnes ayant été en contact avec un malade avéré du covid-19. Les Sages reconnaissent qu’il y a bien là une « atteinte au droit au respect de la vie privée ». Néanmoins, ils jugent celle-ci proportionnée à l’objectif « constitutionnel » de protection de la santé.
En revanche, la transmission de ces données aux organismes « assurant l’accompagnement social » des personnes concernées pose un problème au Conseil constitutionnel. Expressément prévue par la loi, cette transmission pourrait concerner, par exemple, les CCAS – le Premier ministre en a d’ailleurs fait le vœu. Pour les Sages, « s'agissant d'un accompagnement social, qui ne relève donc pas directement de la lutte contre l'épidémie, rien ne justifie que la communication des données à caractère personnel traitées dans le système d'information ne soit pas subordonnée au recueil du consentement des intéressés ». Cette disposition méconnaît donc le droit au respect de la vie privée, et a été censurée. Toute la phrase « les organismes qui assurent l’accompagnement social des intéressés dans le cadre de la lutte contre la propagation de l’épidémie peuvent recevoir les données strictement nécessaires à l’exercice de leur mission » a donc été retirée de l’article 11 de la loi.
Le Conseil constitutionnel a également censuré le dernier article de la loi, qui prévoyait que les mesures concernant les isolements et mises en quarantaine entreraient en vigueur « au plus tard le 1er juin ». Ce qui aurait pour conséquence, selon les Sages, que d’ici là les mesures prises dans ce domaine ne soient pas encadrées par la loi, et deviennent mécaniquement attentatoires à la la liberté individuelle.
Dans la loi publiée, cet article a été modifié : la loi entre désormais en vigueur « immédiatement ».
Dès hier, l’Élysée a fait savoir que « l’exécutif salue la décision du Conseil constitutionnel, qui valide très largement la loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire ».
Franck Lemarc
Télécharger la loi.
Télécharger la décision du Conseil constitutionnel.
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