Consigne : le gouvernement tente le passage en force, contre l'avis des associations d'élus
C’est aujourd’hui le jour J pour l’épineux dossier de la consigne, véritable casus belli depuis des mois entre, d’un côté, le gouvernement et les producteurs de boissons en bouteille plastique, et d’autre part l’ensemble des acteurs de la filière traitement des déchets – associations d’élus en tête. L’amendement gouvernemental sur ce sujet va être débattu aujourd’hui à l’Assemblée nationale, dans le cadre de la discussion du projet de loi Économie circulaire. Dans un communiqué publié hier, les associations appellent les députés à rejeter cet amendement.
Depuis plus de six mois, cette question fait l’objet d’une violente controverse entre le gouvernement et les associations d’élus : Brune Poirson, la secrétaire d’État en charge de ce dossier, défend l’idée de ce dispositif de consigne sur les bouteilles plastique ; tandis que les associations d’élus, Amorce et le Cercle national du recyclage (CNR) le rejettent, estimant qu’il ferait perdre des millions d’euros aux collectivités et rendrait obsolètes des installations que celles-ci ont aménagées au prix de lourds investissements.
Lors du congrès des maires, le président de la République, puis le Premier ministre, avaient suscité un peu d’espoir en affirmant clairement : « Nous ne mettrons pas en œuvre la consigne sans l’accord des associations d’élus » (Édouard Philippe). Pourtant, l’amendement que le gouvernement va présenter aujourd’hui devant les députés – qui a pourtant fait l’objet d’intenses négociations – ne va pas dans ce sens.
Que contient l’amendement gouvernemental ?
L’exposé des motifs de cet amendement est clair. Après avoir fixé un objectif de réduction de 50 % du nombre de bouteilles plastique à usage unique mises sur le marché en 2030, le gouvernement pose un principe : « S’il s’avère que la mise en place de la consigne est nécessaire pour atteindre les objectifs (…), le gouvernement doit pouvoir imposer la mise en œuvre d’un dispositif de consigne. » Certes, il ajoute que cela se ferait dans le cadre d’une « concertation régulière » avec les « représentants des collectivités », mais cette formule – « le gouvernement doit pouvoir » – sonne aux oreilles de ceux-ci comme une formule comminatoire.
Dans le texte de l’amendement lui-même, les choses sont tout aussi claires : après évaluation, faite par l’Ademe, « si les performances cibles ne sont pas atteintes, le gouvernement définit en 2023 (…) les modalités de mise en œuvre d’un ou plusieurs dispositifs de consigne pour recyclage ou réemploi ». Il est confirmé dans l’amendement, comme le ministère l’avait annoncé dès le lendemain du congrès des maires, que des « expérimentations » pourront être menées « dès maintenant » par des collectivités volontaires.
Proposition de compromis
Les acteurs de la filière ont répondu au dépôt de cet amendement par un communiqué commun, publié hier. Associations d’élus (AMF, AdCF, APVF, France urbaine et Villes de France), réseaux spécialisés (Amorce), Cercle national du recyclage, Association nationale des pôles d’équilibre territoriaux et ruraux et des pays… les associations font bloc pour appeler les députés à « refuser toute forme de consigne pour recyclage imposée autoritairement ».
Contrairement à ce que laisse entendre le gouvernement – qui a communiqué sur le fait que son amendement ferait l’objet d’un « consensus » avec les associations d’élus – les signataires du communiqué considèrent que l’amendement « n’est pas conforme aux termes des échanges » entre associations et gouvernement. Une « dernière proposition de compromis » avait pourtant été faite par les associations, décrite dans le communiqué. Parmi les propositions : respecter les engagements pris au congrès des maires de ne déployer aucun dispositif de consigne sans les maires et les élus ; « mettre en œuvre un plan de déploiement de la collecte sélective dans tous les secteurs de consommation de bouteilles plastique » ; et surtout, un dispositif totalement facultatif. Un système de consigne pourrait être envisagé « si, en 2025, la preuve est faite en accord avec les représentants des collectivités que la France ne sera pas sur la trajectoire des 90% de collecte en vue du recyclage en 2029, exclusivement lorsque les collectivités en décideront elles-mêmes l’organisation (à titre facultatif), ou lorsque sera constaté, d’un commun accord entre les parties prenantes, un retard manifeste des collectivités d’une région par rapport aux taux de recyclage attendus ».
Les associations appellent les députés à récrire l’amendement du gouvernement pour y inclure ces conditions, ainsi qu’à rappeler des objectifs essentiels. En particulier, l’idée selon laquelle « l’augmentation des performances de recyclage (…) ne doit pas faire oublier l’enjeu prioritaire qui est celui de la réduction en amont des productions de déchets par une « éco-conception » des produits et des modes de consommation plus sobres. »
Il reste à savoir si cet appel sera entendu des députés. Pour ce qui est de ceux de la majorité, le point de vue exprimé cette nuit sur twitter par l’un d’entre eux, Jean-René Cazeneuve, président de la Délégation aux collectivités territoriales de l’Assemblée nationale, laisse entrevoir peu d’espoir. Il commente le communiqué des associations d’un laconique « toujours plus », et juge l’amendement du gouvernement « pragmatique et responsable ».
Franck Lemarc
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