Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 31 janvier 2023
Déchets

Consigne des bouteilles en plastique : pour les associations d'élus, c'est toujours non

La secrétaire d'État chargée de l'Écologie, Bérangère Couillard, a lancé hier un nouveau cycle de concertation avec les associations d'élus et les industriels sur la mise en place d'une consigne des bouteilles en plastique. Les associations d'élus y sont toujours farouchement opposées. 

Par Franck Lemarc

La « pause »  est finie. Pendant toute l’année 2019, la question de la consigne des bouteilles en plastique avait fait l’objet d’un conflit ouvert entre le gouvernement et les associations d’élus, avant que le premier décrète une « pause »  jusqu’en 2023 dans ce débat. À peine l’année 2023 débutée, les concertations sont relancées, ce qui en dit long sur la volonté du gouvernement d’avancer sur ce dossier, même si les associations d’élus n’y sont pas plus favorables qu’il y a trois ans. Explications.

De quoi s’agit-il ?

Rappelons d’abord que le système envisagé par le gouvernement depuis plusieurs années – et auquel seuls certains industriels sont favorables – consisterait à demander aux consommateurs de payer un peu plus cher leur achat de boisson en bouteille plastique, puis de ramener la bouteille vide dans un point de « déconsignation », en récupérant au passage le supplément de quelques centimes payé à l’achat. L’objectif affiché est d’augmenter la performance de collecte des emballages de boisson. 

Mais ce dispositif viendrait contrecarrer de plein fouet les systèmes de tri sélectif (bacs jaunes) mis en place, au prix de lourds investissements, par les communes et intercommunalités. 

Rappel des épisodes précédents

En 2018 et 2019, lors des discussions préparatoires à ce qui allait devenir la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, la question de la consigne a été introduite, d’abord par le gouvernement lui-même, puis par le biais d’un courrier de l’éco-organisme Citeo (issu de la fusion d’Éco-emballages et d’Éco-Folio) aux présidents d’EPCI. Citeo se disait, dans ce courrier, favorable à la mise en place de la consigne. 

Début juillet 2019, la secrétaire d’État Brune Poirson présentait son projet de loi relatif à l’économie circulaire, qui intégrait bien, comme le craignaient les associations d’élus, la volonté de mettre en œuvre la consigne. Dès lors, pendant toute l’année 2019, les discussions se sont poursuivies sur le sujet, les associations d’élus et les réseaux spécialisés, comme Amorce, bataillant ferme pour tenter de faire reculer le gouvernement. Lors du congrès de l’AMF de 2019, un peu d’espoir était venu du Premier ministre d’alors, Édouard Philippe, qui avait promis à la tribune du Congrès : « Nous ne mettrons pas en œuvre la consigne sans l’accord des associations d’élus. » 

Mais un mois plus tard, un amendement du gouvernement au projet de loi économie circulaire montrait une fois de plus que les promesses n’engagent que ceux qui y croient : l’amendement, qui figure maintenant à l’article 66 de la loi, dispose que si les objectifs de collecte n’ont pas été atteints, en 2023, « le gouvernement définit (…) les modalités de mise en œuvre d'un ou plusieurs dispositifs de consigne pour recyclage et réemploi ». Ce qui avait été ressenti à l’époque, à juste titre, comme un passage en force. 

Nous voilà en 2023, et le gouvernement semble bien décidé à persévérer. 

Pourquoi les associations d’élus sont contre ?

Les associations d’élus mettent en avant de multiples arguments pour s’opposer à la consigne. 

À commencer par un argument de justice sociale : la consigne est une taxe payée à l’achat par le consommateur, mais qu’il ne récupérera que s’il rapporte la bouteille. S’il ne le fait pas, le produit de cette taxe ira directement dans les caisses des producteurs de boisson. Autrement dit, si le taux de retour des bouteilles vides n’atteint pas 100 % (ce qui paraît inévitable), le système permettra aux industriels d’augmenter leurs profits sur le dos des consommateurs. C’était déjà vrai en 2019, cela l’est encore plus aujourd’hui avec le taux d’inflation que l’on connaît. 

Ensuite, les associations mettent en avant le danger très sérieux de déséquilibre du système de collecte que les collectivités ont mis en place depuis des années. En effet, dans les bacs jaunes, tous les déchets ne se revendent pas au même prix : ce qui se revend le plus cher, et permet donc l’équilibre du système, ce sont précisément les bouteilles en PET (polyéthylène téréphtalate), que les collectivités peuvent revendre à plusieurs centaines d’euros la tonne. Si les consommateurs sont appelés à rapporter ces bouteilles dans les lieux de déconsignation (supermarchés par exemple), et financièrement encouragés à le faire, le tonnage collecté dans les bacs jaunes va mécaniquement s’effondrer. Il ne restera plus dans ceux-ci que les déchets ayant le moins de valeur – comme les pots de yaourt – dont le traitement resterait à la charge des collectivités mais avec des perspectives de recettes très inférieures. En 2019, plusieurs acteurs avaient estimé que le manque à gagner pourrait dépasser 20 % de recettes. Un opérateur, dans les Vosges, estimait par exemple la perte pour le syndicat départemental à « 2 à 2,5 millions d’euros par an ». 

Le pire étant que les collectivités les plus vertueuses, c’est-à-dire celles qui ont le plus investi dans les centres de tri, seraient les plus pénalisées. L’AMF rappelait en 2019 que les collectivités avaient investi, en quelques années, près de 1,5 milliard d’euros dans la modernisation des centres de tri… pour mettre en place des installations qui, si les bouteilles en plastique sortaient du jeu, se trouveraient être totalement surdimensionnées. 

Autre argument brandi, hier, par l’association Amorce : avec ce système, les consommateurs seraient contraints de payer deux fois : une fois à l’achat, et une fois sous forme d’impôts locaux pour financer la collecte. « On vous transforme en collecteur de déchets, mais pour en faire exactement la même chose que si vous l'aviez mis dans le bac jaune, simplement, ça va vous coûter 0,15 € de plus », résumait hier le délégué général d’Amorce, Nicolas Garnier, sur Franceinfo. 

En conclusion, comme le détaillaient encore récemment les experts de l’AMF devant le Bureau de l’association, la mise en place de ce système n’a que des inconvénients pour les collectivités : elle les priverait des recettes sur la vente des produits les plus rentables, elle diminuerait mécaniquement les soutiens versés par les éco-organismes, puisque ceux-ci sont calculés sur le tonnage collecté, et elle compromettrait l’amortissement des installations récentes ou récemment modernisées, qui ont été pensées pour traiter les bouteilles en plastique. Jean-François Vigier, maire de Bures-sur-Yvette (91), qui a représenté l’AMF lors de la première réunion de concertation, qualifiait avant-hier la consigne de « fausse bonne idée typique ». Si elle était mise en place, dans le Syndicat mixte d’ordures ménagères de la Vallée de Chevreuse, qu’il préside, « nous perdrions 500 000 euros de soutien des éco-organismes et 500 000 euros de recettes de ventes de ces bouteilles. On perdrait un million d’euros par an ! » 

Reste à savoir ce que le gouvernement envisage pour compenser ces pertes de recettes, s’il met en place un système dont les collectivités ne veulent pas. On le saura au fil des concertations qui ont commencé hier, en espérant que le gouvernement ne choisisse pas, comme en 2019, la voie du passage en force. Il semble, d’après les premiers retours de la réunion d’hier, que les débats soient plus ouverts, le cadre de la concertation ayant été posé non sur la seule question de la consigne mais en l’élargissant à l’ensemble de la collecte. 

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