Construction de logements sociaux : un guide pour déployer les contrats de mixité sociale dans les communes déficitaires
Par A.W.
Alors que la loi 3DS a fait évoluer l’article 55 de la loi SRU - qui oblige certaines communes à disposer d’un nombre minimum de logements sociaux - en l’adaptant davantage aux spécificités et contraintes locales, le ministère chargé de la Ville et du Logement vient de publier un guide pour accompagner les communes déficitaires dans l’élaboration des contrats de mixité sociale (CMS) « nouvelle génération » pour la période 2023-2025.
Pour rappel, outre ce nouveau dispositif de contractualisation qui devra être conclu entre les maires, l’EPCI et les préfets, la loi 3DS a supprimé la date butoir de 2025 imposée aux communes pour remplir leurs obligations de production de logements sociaux, mais a maintenu les obligations de taux minimal de logements sociaux dans chaque commune concernée.
Trois types de contrats
Les communes les plus peuplées qui ne disposent pas encore de 25 % de logements sociaux (ou 20 % dans les territoires moins tendus) devront donc s'inscrire dans une trajectoire de rattrapage.
Ce guide, qui se veut un « document de référence » explique que le contrat de mixité sociale est d’abord « un contrat d’engagement de moyens qui vise à préciser les outils mobilisés par les acteurs locaux en faveur du développement du logement social sur une commune déficitaire en logements sociaux », tout en étant également « un outil juridique permettant d’aménager, par exception, les objectifs de rattrapage, avec différentes possibilités de modulation ».
Ces contrats pourront ainsi se décliner selon trois modalités : le contrat de mixité sociale qui reprend les objectifs de rattrapage fixés par la loi sans les aménager, le contrat de mixité sociale « abaissant » (qui abaisse donc les objectifs de rattrapage), ou bien le contrat de mixité sociale « mutualisant » (une modulation des objectifs de rattrapage qui doit nécessairement être réalisée à l’échelle de l’EPCI et emporter l’adhésion de l’ensemble des communes déficitaires). Dans ces deux derniers cas, le principe est de « donner davantage de temps à la commune pour rattraper son retard, à condition qu’elle respecte un niveau plancher minimal de rattrapage et que cet aménagement soit limité dans le temps ».
A l’exception du contrat « mutualisant », qui se met en place à l’échelle intercommunale, les autres types de contrats de mixité sociale pourront concerner « une seule commune, plusieurs communes ou encore prendre la forme d’un contrat unique regroupant toutes les communes concernées au sein de de l’EPCI, en fonction du niveau d’intégration souhaité », explique le guide.
Des aménagements pour les « situations exceptionnelles »
S’agissant des aménagements, il est indiqué de manière relativement absconse que la « capacité spécifique à acter un possible abaissement des objectifs ne (doit se concevoir) qu’à l’endroit des communes volontaires, confrontées à des contraintes objectivables et qui ont déjà mis en œuvre des actions ambitieuses pour tenter de les surmonter ».
Il est ainsi « crucial » que les modalités dites « abaissantes » du contrat de mixité sociale soient « non seulement réservées à des situations exceptionnelles, mais qu’elles soient également la résultante d’un travail d’analyse approfondi et concerté mené avec l’ensemble des partenaires». Dans ce cadre, « il ne saurait être décidé en amont de l’élaboration d’un contrat de mixité sociale d’actionner les capacités d’abaissement, lesquelles ne peuvent être octroyées qu’au terme de la démarche, sur la base d’éléments parfaitement explicites et justifiés ».
Le guide souligne, d’ailleurs, en préambule, que « les possibilités d’aménagement – par abaissement ou mutualisation – offertes par les contrats de mixité sociale n’ouvrent aucune possibilité d’exonération » de l’objectif de 20 ou 25 % de logements sociaux pour les communes concernées, ajoutant que « les services de l’État seront les garants d’une utilisation très ciblée de cette modalité d’adaptation dérogatoire, qui doit conserver un caractère exceptionnel ».
Dans le cadre d’un contrat de mixité sociale « abaissant », le niveau de modulation est ainsi « laissé à l’appréciation locale, dans la limite des valeurs plancher », mais est « limité dans le temps pour une même commune à trois périodes triennales ». Une exception toutefois pour les communes de moins de 5 000 habitants et pour les communes dont le territoire est soumis à une inconstructibilité forte (30 à 50 % du territoire urbanisé) qui peuvent en bénéficier sur « une durée plus longue ».
Pour ce qui est du contrat de mixité sociale « mutualisant », le niveau de modulation est également soumis à des valeurs plancher et à une limitation dans le temps à « deux périodes triennales, sans possibilité de prolongation », indique le guide. Au sein de l’EPCI, les communes en déficit pourront se répartir entre elles une partie des objectifs de rattrapage avec « l’accord de la ou les communes qui vont prendre en charge un rythme de rattrapage supérieur au taux réglementaire ».
« Les deux dispositifs répondent donc à des logiques différentes et constituent chacun une dérogation spécifique au mode de calcul du rattrapage légal : ils ne sont donc pas combinables au sein d’un même EPCI », prévient le guide.
A noter qu’un « régime juridique spécifique » s’applique aux communes nouvellement soumises aux dispositions de la loi SRU. Celui-ci leur impose de conclure des contrats de mixité sociale « sans aménagement » des objectifs dans la mesure où elles bénéficient déjà d’une dérogation avec un rythme de rattrapage progressif. La loi 3DS a, en effet, déjà abaissé leur seuil d’objectifs de réalisation de logements sociaux.
Pour les communes les plus en difficulté
Si le contrat de mixité sociale vise potentiellement toutes les communes déficitaires en logements sociaux, dans les faits ce sont aux communes les plus en difficulté à qui il s’adresse « en priorité ».
Ces communes sont celles qui « peinent à atteindre les objectifs de rattrapage malgré les actions déjà mises en œuvre » du fait de la « rareté » et du « coût » du foncier, de l’« absence d’opérateurs locaux en nombre et/ou en capacité de production suffisante », de la « multiplication des recours abusifs », ou encore celles ayant déjà « bénéficié d’un aménagement de leurs objectifs lors du triennal 2020-2022 par décision ministérielle prise après avis de la commission nationale SRU ».
Dans tous les cas, prévient le guide, « il revient juridiquement à la commune de solliciter auprès du préfet de département l’élaboration d’un contrat de mixité sociale, en précisant les difficultés qu’elle identifie s’agissant de l’atteinte des objectifs de rattrapage 2023-2025 », tout en impliquant « très en amont » et en associant « étroitement » son EPCI.
Du point de vue de la méthode d’élaboration, « il est indispensable que le contrat de mixité sociale soit piloté au sein d’une instance de gouvernance », insiste le guide, celle-ci devant « fixer le calendrier, la liste et les modes d’association des acteurs, ainsi que les modalités d’élaboration et de suivi du document ». Avant d’aboutir à la rédaction d’une « feuille de route partagée » pour 2023-2025 avec « des actions clairement identifiées, mesurables et qui feront l’objet d’un suivi resserré ».
Signature recommandée d’ici l’été 2023
Concernant la date de signature, la loi 3DS n’a « pas fixé de délai réglementaire pour borner le calendrier d’élaboration des contrats de mixité sociale ».
Cependant, le guide fait valoir qu’il est « primordial » que ces contrats puissent être signés en « début de période triennale ». « En effet, il ne serait ni lisible ni efficace de disposer des objectifs de rattrapage trop tardivement en cours de période triennale, ce qui limiterait également considérablement la portée des engagements et des actions à conduire dans le cadre du contrat de mixité sociale ».
Pour cette raison, il est recommandé de signer ces contrats de mixité sociale « à l’été 2023 », date considérée comme « une échéance souhaitable ».
« C’est pourquoi, au regard des échanges et concertations à mettre en place préalablement à la signature d’un tel document, les collectivités désireuses de s’engager dans l’élaboration d’un contrat de mixité sociale devront se manifester auprès des préfets de départements dès le début de l’année 2023, en mettant en avant les éléments justifiant leur intérêt pour cette démarche », explique le guide.
A noter que ce dernier rappelle qu'il « n’est pas possible de considérer que la signature d‘un contrat de mixité sociale en amont des procédures de bilan triennal induit une quelconque dispense de procédure de carence ».
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