Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 3 juin 2022
Aménagement numérique du territoire

Des concertations en cours pour améliorer la qualité des réseaux fibre

Le colloque TRIP de printemps de l'Avicca s'est terminé hier avec deux tables rondes consacrées à la qualité des réseaux fibre. Les collectivités et les experts pointent du doigt des malfaçons et des problèmes opérationnels de plus en plus graves et attendent des réponses rapides de la filière.

Par Lucile Bonnin

Clap de fin pour le colloque TRIP de printemps de l’Avicca. Pour finir en beauté, les experts, collectivités et représentants de la filière se sont penchés sur le sujet incontournable de la qualité du réseau fibre.

Déconnexions sauvages, armoires saccagées, raccordements qui échouent : la situation actuelle du déploiement de la fibre n’est pas satisfaisante. Ce rassemblement initié par l’Avicca a été propice au bilan. Tous les acteurs de la filière ont convenu qu’il était temps d'en tirer des conclusions et de s’accorder sur la mise en place de solutions, rapidement. 

Des clients mécontents 

Le constat est sans appel : l’image de la fibre se détériore d’année en année auprès des abonnés. Valérie Alvarez, médiatrice des communications électroniques, l’a constaté dans son rapport d’activité publié en février dernier. Dégâts à domicile, suppression de câbles  ADSL, fils qui passent par une fenêtre : la fibre représente désormais 30 % des dossiers de plaintes en 2021. Cette proportion était de 25 % en 2020 et de 19 % en 2019.

Amine Meslem, journaliste à l’Institut national de la consommation (INC) rapporte qu’en septembre 2021 une enquête de satisfaction a été menée auprès de 2 000 abonnés pour connaître leurs avis sur les prestations liées au déploiement de la fibre. Pour 20 à 30 % des sondés – selon le fournisseur d’installation – l’installation de la fibre s’est mal passée.

« Ce sont en général les agissements des prestataires qui sont pointés du doigt, explique le chef de rubrique du média 60 Millions de consommateurs. Les techniciens n’utilisent pas les infrastructures existantes ou font des travaux sans l’accord du propriétaire. Dans le Lubéron (Vaucluse) par exemple, un homme avait pris soin de financer une goulotte pour faire passer la fibre de la rue à sa maison et souhaitait être mis en relation avec les techniciens installateurs. Au final, la fibre a été posée dans les arbres sans qu'on ne le prévienne. Dans d’autres cas aussi surprenants, la fibre est posée au sol, sur le gazon. » 

Les incidents les plus fréquents sont liés à des débranchements intempestifs car « quand la place manque dans les boitiers » , les techniciens débranchent certains clients.

Des élus largement sollicités 

Si ces récits peuvent sembler farfelus pour celles et ceux qui ne connaissent pas de difficultés au niveau du déploiement de la fibre sur leur territoire, c’est pourtant bien une réalité. À l’Avicca, « ce n’est une surprise pour personne et encore moins pour les collectivités qui doivent gérer les effets collatéraux de ces malfaçons » , comme l’explique Thierry Jouan, délégué général adjoint de l’association. 

Car en filigrane, ces mécontentements dégradent ostensiblement l’image de l’action publique. Frédéric Muller, directeur de la régie Auvergne numérique, explique que les collectivités sont tenues pour responsables par les abonnés mais qu’elles n’ont pas la possibilité « d’analyser les déficiences dans la chaine d’information sur l’incident. Ce qui est énervant pour l’abonné c’est le délai de résolution du problème donc il faut améliorer la chaîne d’information autour des incidents. »  

Gilles Fraysse, maire de Villiers-sur-Orge et vice-président délégué au numérique de Cœur d'Essonne agglomération, témoigne : « Tous les jours, en tant que maire je prends des claques (au sens figuré). Je ne vois pas un seul point de mutualisation conforme aux normes dans notre territoire. Les intervenants ne sont pas équipés ni accompagnés. Certaines situations sont critiques et des tensions existent entre habitants et techniciens : il y a une vraie colère. Les maires accompagnent au mieux les abonnés et les techniciens mais nous sommes à sec. La qualité du réseau fibre doit aussi être travaillée en concertation avec les élus car on essaye d’être le SAV de la filière mais nous n’avons pas toujours les informations… » 

Un plan proposé par les acteurs de la filière 

Après l'exposition de ces constats, des réponses ont été apportées par les acteurs de la filière notamment par la Fédération Française des Télécoms (FFT). « Nous attendons beaucoup » , a rappelé solennellement Patrick Chaize, président de l’Avicca, qui a insisté sur le fait que si les résultats n’étaient pas rapidement au rendez-vous, les collectivités se réservent le droit d’utiliser d’autres mesures (suspendre par exemple des contrats les liant à certains opérateurs). 

Mercredi, la FFT, présidée par Liza Bellulo, a publié un communiqué de presse présentant les nouvelles propositions des membres de la filière pour renforcer la qualité des déploiements en fibre optique. « Les deux piliers du plan reposent sur la remise en état des infrastructures et sur le pilotage de la qualité » , résume Liza Bellulo invitée au colloque de l’Avicca. 

Ainsi, la filière propose le lancement d’un plan de reprise des points de mutualisation dégradés : « Pour 2022, nous avons identifié 2 400 points de mutualisation à reprendre. On souhaite que tout l’écosystème de la filière se joigne à ces efforts. » 

Le plan prévoit aussi d’ « améliorer les échanges d’informations autour des raccordements afin de mieux coordonner les différents intervenants »  en partageant les plannings d’intervention des sous-traitants sur certaines zones d’exploitation difficiles et en harmonisant les critères de recevabilité et d’exploitation des comptes rendus d’intervention incluant des photos. 

Enfin, les opérateurs membres de la FFT souhaitent « établir une labellisation de confiance avec des cartes professionnelles qui conditionnera l’intervention et le suivi des techniciens. »  Concrètement, la filière propose d’établir des critères de qualité communs entre opérateurs d’infrastructure, opérateurs commerciaux et sous-traitants et de renforcer les contrôles avec un risque de retrait des cartes professionnelles en cas de non-respect du cahier des charges. 

C’est à partir de ces nouvelles mesures que la FTT entend « engager un dialogue sérieux et constructif avec le reste de la filière dans des délais aussi brefs que possible » , comme l’explique sa présidente. 

« Les oubliés du plan France très haut débit » 

Si les propositions exposées semblent répondre à une grande partie des problèmes, il reste tout de même une question primordiale en suspens, intrinsèquement liée à l’ubérisation de la filière : celle de la rémunération des techniciens. 

Jean-Luc Toussaint, secrétaire général de l’Action de coordination nationale des entreprises de télécommunications (Acnet), a souhaité mettre en lumière ceux qu'il désigne comme étant « les oubliés du plan France très haut débit » . Il explique, dans un discours ponctué de nombreux applaudissements, que la profession doit faire face à un problème de taille : « Le prix des interventions est beaucoup trop bas et les entreprises mandataires souffrent de la situation. Elles sont obligées de rogner sur tout : la qualité notamment mais aussi la sécurité des techniciens. Il faut mettre un frein à tout ça et que la filière se réunisse pour discuter des prix. » 
 

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