Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 23 juin 2022
Urbanisme

Décrets ZAN : l'AMF saisit le Conseil d'État pour tenter de sécuriser le dispositif

Réuni hier, le Bureau de l'AMF a décidé de contester, devant le Conseil d'État, les deux décrets pris fin avril par le gouvernement sur le ZAN (zéro artificialisation nette), décrets qui viennent « mettre un coup de frein aux dynamiques locales engagées en faveur de la protection des sols ». 

Par Franck Lemarc

Après le recul du trait de côte, le ZAN. L’AMF, qui a déposé le 19 mai, avec l’Association nationale des élus du littoral, un recours au Conseil d’État contre l’ordonnance sur le recul du trait de côte (lire Maire info du 20 mai), s’oppose à présent aux deux décrets ZAN parus en avril. 

Deux décrets

Ces deux décrets ont été publiés au Journal officiel du 30 avril. Ce sont deux textes d’application de la loi Climat et résilience du 22 août 2021, qui, rappelons-le, fixe l’objectif d’une division par deux, en dix ans, de la consommation d’espaces naturels agricoles et forestiers.

Le premier décret est relatif à l’inscription du ZAN dans les Sraddet (Schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires). Ce décret pose les critères d’une déclinaison « territoriale »  du ZAN. Cette déclinaison territoriale sera fixée dans règles du fascisule du Sraddet, et s’imposera donc aux documents d’urbanisme locaux. Le texte fixe également le principe de l’intégration, au niveau régional, des grands projets « d’intérêt général majeur et d’envergure nationale nationale »  et précise pour ces grands projets (lignes à grande vitesse, Canal Seine-Nord…), que « la consommation ou l'artificialisation des sols induite est prise en compte dans le plafond déterminé au niveau régional sans être déclinée entre les différentes parties du territoire régional ».

Le second décret est, lui, consacré à la « nomenclature de l’artificialisation des sols », et précise que « la réduction de l'artificialisation nette est évaluée au regard du solde entre les surfaces nouvellement artificialisées et les surfaces désartificialisées sur le périmètre du document de planification ou d'urbanisme, et sur une période donnée. Afin de mesurer ce solde, le décret prévoit que toutes les surfaces couvertes par ces documents sont classées comme artificialisées ou non artificialisées selon les catégories d'une nomenclature annexée au décret ». 

Cinq catégories de surface artificialisées sont définies : les sols imperméabilisés en fonction du bâti, ou en raison d’un revêtement ; les « surfaces partiellement ou totalement perméables »   dont les sols sont « stabilisés, compactés, et recouverts de matériaux minéraux », ou « constitués de matériaux composites »   ; et enfin, les surfaces couvertes « par une végétation non ligneuse à usage résidentiel, de production secondaire ou tertiaire, ou à usage d’infrastructures, de transport ou de logistique ». 

Les surfaces non artificialisées, elles, sont ainsi définies : surfaces naturelles, nues, ou « couvertes en permanence d’eau, de neige ou de glace »  ; surfaces à usage de cultures, végétalisées ou en eau ; et enfin, « surfaces végétalisées constituant un habitat naturel ». 

Insécurité juridique

Depuis le début, l’AMF se montre réservée sur ces textes, qui ont d’ailleurs reçu un avis défavorable des représentants des élus, par deux fois, au Conseil national d’évaluation des normes. Mais le gouvernement, qui souhaitait apparemment que ces décrets soient publiés avant l’élection présidentielle, n’en a pas tenu compte et les a publiés « dans la précipitation et sans étude d’impact », a rappelé hier le Bureau de l’AMF. Pour l’association, qui a diffusé un communiqué de presse à ce sujet hier soir, ces textes sont la marque d’une « recentralisation rigide », ils « accentuent les fractures territoriales en opposant les projets entre eux et sont contre-productifs car leur application arithmétique et indifférenciée va à rebours des aménagements vertueux en matière de lutte contre le changement climatique, mais aussi des aménagements indispensables à l’ambition de réindustrialisation du pays, qui ne peuvent être réalisés en zone dense ». 

L’AMF estime également que ces textes « fragilisent juridiquement les documents de planification (SCoT, PLU), déjà source de nombreux et lourds contentieux, alors qu’ils sont des leviers indispensables pour mettre en œuvre les stratégies d’aménagement et de développement local ». 

L’objectif de l’association, en déposant ces recours devant le Conseil d’État, est de « clarifier et sécuriser »  les modalités d’application de la loi, « avant que les régions n’aient intégré les objectifs dans leur Sraddet ». La question de l’emprise des « grands projets »  préoccupe également fortement les élus : il paraît hors de question que des surfaces artificialisées pour réaliser des grands projets nationaux soient « prises »  sur le quota des communes et intercommunalités, ce qui réduirait d’autant les surfaces qu’elles peuvent utiliser pour leurs propres projets d’aménagement. 

Lors du Bureau de l’AMF, hier, le président de l’association, David Lisnard, a expliqué que « le texte a été conçu de façon technocratique et risque de s’appliquer au détriment de la ruralité. Nous demandons au gouvernement de revenir en profondeur sur ces dispositifs. Et en attendant, parce que le temps presse, nous saisissons le Conseil d’État pour purger ces textes de toute illégalité potentielle et s’assurer que les futurs schémas et documents d’urbanisme intégreront les objectifs dans des conditions juridiquement sécurisées ». 

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