La consigne pour recyclage « n'apparaît pas comme un levier pertinent » pour le Sénat
Par Lucile Bonnin
C’est en avril dernier, quelques mois après le lancement par le gouvernement d’une consultation concernant la mise en place éventuelle d’un ou plusieurs dispositifs de consigne pour recyclage ou réemploi, que la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat avait décidé de lancer « une mission d’information flash avec deux objectifs clairs : exercer sur la concertation engagée une vigilance renforcée et s’assurer que le débat engagé soit le plus complet possible ».
Les conclusions de cette mission ont été présentées. Elles condamnent sans équivoque la mise en place envisagée par le gouvernement d’une consigne pour recyclage, qui « constitue pour l’heure une impasse » . Une position qui s’aligne sur l’opposition des collectivités locales à ce projet. Pour rappel, les associations d’élus – dont l’AMF - sont depuis plusieurs mois vent debout contre ce qu’ils surnomment la « fausse consigne » (lire Maire info du 19 avril). Ces associations avaient elles aussi formulées des propositions pour atteindre l’objectif, fixé par la loi, de 90 % de collecte pour le recyclage des bouteilles plastiques.
La consigne fermement condamnée par le Sénat
Lors de la présentation du rapport, la sénatrice et rapporteure Marta de Cidrac n’a pas mâché ses mots, qualifiant sans détour le projet de consigne pour recyclage des bouteilles plastiques d’ « impasse » , de « fausse bonne idée » ou encore de « collecte au rabais » porteuse « de nombreux effets pervers environnementaux, tout en étant économiquement irrationnel, ainsi que socialement et territorialement injuste ».
Le ton est donné et les arguments suivent. D’abord la performance du dispositif est remise en question puisque la mission rappelle que « l’atteinte de l’objectif de 90 % de collecte pour recyclage des bouteilles plastiques pour boisson d’ici 2029 porte sur l’ensemble des bouteilles plastiques, et pas seulement sur celles en PET – or, de nombreux dispositifs de consigne mis en place en Europe ne concernent que les bouteilles en PET » . De plus, d’un point de vue environnemental, « la consigne complexifie le geste de tri, alors qu’il venait tout juste d’être simplifié avec la généralisation des extensions de consigne de tri en 2023 » et qu’en réalité « les bouteilles en plastique ne sont que la partie visible de la pollution plastique et des enjeux d’économie circulaire ».
Le rapport pointe aussi que « l’irrationalité économique de la consigne devra être compensée, par les collectivités territoriales, et donc par le contribuable local » rappelant que l’Ademe indique « qu’à performance égale, sur l’ensemble des emballages, le scénario avec consigne est plus coûteux pour les collectivités qu’un scénario ambitieux sans consigne ».
Feu vert pour le réemploi des emballages en verre
Plus largement encore, la mission déplore « les mauvaises performances de la France en matière de collecte triée pour recyclage » . Encore une fois le ton est ferme « réduire les quantités d’emballages ne se décrète pas ; cette ambition se planifie, appelle une attention politique constante et requiert d’importants moyens opérationnels et financiers ».
Ainsi, le rapport propose de « faire de la réduction et du réemploi des emballages une priorité réelle, et non seulement théorique, notamment en déployant une consigne pour réemploi sur les emballages en verre ». La mission propose donc de « planifier le développement du réemploi pour donner de la lisibilité aux acteurs économiques et accélérer la sortie du "tout jetable"», à « accélérer le développement et la diffusion des standards d’emballages réemployables » et à contrôler davantage les éco-organismes.
Les associations d’élus avaient elles aussi dans un dossier de presse commun mis en avant le fait que cette « fausse consigne » pourrait éclipser de meilleures solutions pour ne pas générer de déchets plastique comme celle du « développement des véritables consignes pour réemploi sur certaines bouteilles en verre voire en plastique, ce qui éviterait réellement des millions de bouteilles en plastiques jetables ».
Propositions pour améliorer le geste de tri et la collecte
Ce rapport regorge également de nombreuses propositions qui pourraient intéresser directement les collectivités. Parmi elles on retrouve la possibilité de « renforcer les moyens attribués aux collectivités par les éco-organismes pour la sensibilisation, afin par exemple de recruter un plus grand nombre d’ambassadeurs de tri ». Il est aussi proposé « de soutenir le développement de la tarification incitative sur tout le territoire » notamment en expérimentant « une tarification sociale « déchets », s’inspirant de la tarification sociale sur l’eau, afin notamment de limiter les effets anti-redistributifs potentiels du passage à une tarification incitative » . Enfin, le Sénat préconise la modification des « règlements de collecte des collectivités territoriales afin d’interdire les emballages dans les ordures ménagères résiduelles » .
Enfin, en matière de collecte, la mission propose d’instaurer « un bonus tendant vers une couverture intégrale des coûts (100 %), pour récompenser les collectivités territoriales menant et programmant des actions visant à améliorer le taux de collecte » . L’approche des grands évènements en France (mondial de rugby, JOP 2024) pourrait être aussi une opportunité à saisir pour organiser une expérimentation de « dispositifs de collecte séparée avec gratification, financés par les éco-organismes, en lien avec les collectivités territoriales ».
Le Sénat pointe aussi l’utilité d’adapter la collecte « à la réalité des territoires » . Ainsi, la mission souligne le bien-fondé d’adapter les schémas de collecte à la nature de l’habitat notamment dans les zones urbaines et la nécessité dans les zones touristiques de « mobiliser des moyens complémentaires financés par une part additionnelle à la taxe de séjour payée par les usagers à l’origine de ces surcoûts ». A noter que les propositions du Sénat rejoignent celles des collectivités aussi bien sur la réduction des emballages que sur l'amélioration de la collecte.
La rapporteure, Marta de Cidrac appelle finalement le gouvernement à « réévaluer en 2026 l’opportunité de la mise en place d’une consigne pour recyclage sur les emballages de boisson, dont le bilan coût-avantage semble aujourd’hui négatif, d’un point de vue environnemental, social et économique ».
Télécharger l'Essentiel du rapport.
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