La consigne, « non-sens écologique et environnemental » selon le Sénat
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a examiné mardi le projet de loi sur l’économie circulaire. Dans son rapport, la commission étrille la volonté gouvernementale de mettre en place la consigne sur les bouteilles plastique.
C’est d’abord une grande déception qu’ont exprimée les sénateurs, en particulier Marta de Cidrac (LR, Yvelines), auteure du rapport au nom de la commission, qui estime que le projet de loi manque d’ambition : « Peu de mesures, à la portée souvent limitée et technique », « grands sujets quasiment absents », sujets « soustraits au débat parlementaire car renvoyés à des ordonnances ».
« Recul écologique »
Mais c’est tout particulièrement le projet de mise en place d’une consigne pour les bouteilles plastique qui provoque l’incompréhension des sénateurs, avec des arguments qui rejoignent largement ceux mis en avant par les associations d’élus, AMF en tête. Pour la commission, il s’agit tout simplement d’un « recul écologique ». La rapporteure constate que le projet rencontre « l’hostilité ou a minima la circonspection de la quasi-totalité des parties prenantes du secteur des déchets » (collectivités, associations, opérateurs…). Elle remarque que les « seuls éléments » communiqués par le ministère sont « une étude réalisée par le Collectif boisson » – lobby des grands industriels de la boisson. « Il est inédit et surprenant, note sèchement la sénatrice, que le gouvernement renvoie pour juger l’impact d’une mesure aux seuls chiffres produits par les industriels concernés. »
Sur le fond, les sénateurs fustigent une mesure qui est pour eux « un outil du passé », qui ne « permettra pas d’enrayer la progression de la consommation de bouteilles plastique ». Pour la commission, les efforts sont plus à porter sur « la réduction de la production de plastique ». Elle estime que la mise en place de la consigne conduirait à créer « deux systèmes de collecte concurrents » (l’un pour les emballages plastique et l’autre pour les bouteilles plastique), ce qui aurait notamment pour conséquence de « complexifier le geste de tri » au lieu de le simplifier. Pour les collectivités, l’impact financier « pourrait atteindre le 150 millions d’euros », déplore la sénatrice, et « ce sont les collectivités les plus performantes qui seront mécaniquement les plus pénalisées ». La rapporteure s’inquiète du fait que, face à la perspective de la mise en place de la consigne, certaines collectivités aient déjà « suspendu leurs plans d’investissement destinés à moderniser leurs centres de tri ».
Qualifiant sans ambages le système de « non-sens environnemental et écologique », la commission a supprimé dans le projet de loi toute possibilité d’instaurer une consigne pour les bouteilles plastique.
Bataille de chiffres
Rappelons que la semaine dernière, Jacques Vernier, ancien maire de Douai et président de la commission des filières REP, a rendu le rapport que la secrétaire d’État Brune Poirson lui avait commandé, sur cette question de la consigne. Il y affirme qu’il est impossible d’obtenir un taux de recyclage de 90 % « sans système de consigne ».
Dans son rapport, Jacques Vernier conteste les estimations faites par les associations d’élus sur les pertes de recettes des collectivités, les qualifiant de « folles rumeurs ». Loin des 170 millions d’euros de pertes redoutées par les collectivités, celles-ci ne devraient, selon Jacques Vernier, perdre que « 12 millions d’euros environ », voire rien du tout, puisque « la perte des soutiens aux matières consignées devra être compensée par l’augmentation des soutiens aux matières restant dans la poubelle jaune ».
Le raisonnement de Jacques Vernier s’appuie sur l’argument selon lequel la loi Grenelle a fixé à 80 % le taux de couverture versé par les éco-organismes aux collectivités. La perte des objets consignés diminuerait les recettes de 58 millions d’euros, estime Jacques Vernier, et les collectivités, « couvertes » à 80 %, ne perdraient donc que 20 % de cette somme, soit 12 millions d’euros.
L’AMF, dans une note interne que Maire info a pu consulter, conteste formellement ces estimations : elle rappelle d’abord que la loi a fixé le taux de couverture de 80 % pour un objectif de recyclage de 75 %, et que Citéo ne paye pas pour tout ce qui se trouve au-dessus de ces 75 %. Et qu’en tout état de cause, « les collectivités n’ont jamais touché l’intégralité de l’enveloppe ». Loin des 80 % prévus par la loi, le taux de prise en charge réel oscille, selon les années, entre 60 et 72 %.
L’AMF maintient que les recettes perdues « faute de tonnage des matériaux collectés » s’élèveraient à 170 millions d’euros, auxquels s’ajouteraient une perte de 100 millions d’euros sur le « soutien à la performance de recyclage ». « Sans modification du barème F, conclut l’AMF, ces pertes sont certaines. » La seule manière de maintenir les recettes serait donc de très fortement augmenter le soutien aux autres matériaux, en les multipliant par quatre, ou encore d’augmenter tout aussi fortement le soutien aux autres déchets plastique.
Le Sénat, dans ce débat, s'est donc clairement positionné du côté de l’AMF et des associations d’élus.
F.L.
Télécharger le rapport Vernier.
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