Déconfinement : les transporteurs mettent en garde le gouvernement
L’obligation de la distanciation physique entre les voyageurs dans les transports publics est jugée intenable par les opérateurs du secteur qui craignent de n’avoir « ni les moyens humains ni matériels » pour gérer le flux de voyageurs à compter du 11 mai. C’est la mise en garde faite par les grandes transporteurs (SNCF, RATP, Keolis, Transdev, l’association Agir et le syndicat patronal UTP), dans un courrier adressé au Premier ministre, à la suite de la présentation des mesures qui accompagneront le déconfinement.
Risque de troubles et de suspension du service
Sur la question des transports, qu’Edouard Philippe a reconnu être l’une des plus « ardues » avec celle des écoles lors de son allocution devant l’Assemblée nationale la semaine dernière, trois mesures devront être appliquées dans les bus, les métros, les tramways ou encore les RER pour les trois semaines à venir « au moins ». D’abord, le port du masque obligatoire, ensuite, faire « remonter au maximum l’offre de transport urbain » tout en faisant « baisser la demande » (en privilégiant l’accès en priorité aux personnes qui travaillent). Enfin, et surtout, le Premier ministre a demandé que les règles de distanciation physique d'un mètre entre les passagers soient respectées , conformément à l’avis du conseil scientifique. Dans le métro parisien, comme ailleurs, un siège sur deux devra ainsi être condamné et des marquages au sol devront être installés sur les quais.
Une aberration pour les opérateurs de transport qui affirment, dans leur missive, ne « pas disposer aujourd’hui des moyens humains et matériels de nature à satisfaire à une telle obligation », sauf à limiter de manière « drastique » le niveau de service et de flux de voyageurs à « 10 à 20% de leur capacité initiale ». « Paradoxalement, une telle offre serait dégradée par rapport au plan de transport actuel et serait contradictoire avec l’objectif de déconfinement », ajoutent les signataires.
De plus, ces derniers assurent qu’une telle obligation « conduirait inévitablement au risque, en cas de forte affluence », de devoir arrêter « à tout moment » le service et ainsi de « générer des troubles à l’ordre public ». « Des tensions sociales de la part des personnels (droits de retrait, assignations…) » seraient aussi à prévoir, ce qui serait, selon eux, « préjudiciable aux entreprises de transports, à l’offre de mobilité et, de fait, aux objectifs poursuivis ».
C’est pourquoi, « là où cela serait nécessaire », insistent les grands opérateurs de transport public, « la mobilisation des forces de l’ordre, nationales et municipales, sera une condition indispensable à la régulation des flux, les transporteurs ne pouvant l’assumer au regard de leurs seuls moyens ».
Devant les difficultés à venir, ils réclament aussi que seul le port obligatoire du masque fasse l’objet d’un « cadre réglementaire strict et uniforme au plan national ». La mise en œuvre des mesures de distanciation physique doit, selon eux, être renvoyée « aux échanges locaux entre les autorités organisatrices et opérateurs et au pouvoir de police des préfets », mais aussi à la « responsabilité personnelle de chaque usager ».
Île-de-France : le plan de transport dévoilé en fin de semaine
Le Premier ministre a répondu brièvement, et avec une pointe d’ironie, hier, aux inquiétudes des transporteurs, lors de son adresse au Sénat concernant le plan de déconfinement (lire article ci-dessus). Il a ainsi demandé au secrétaire d’État chargé des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, « d’intensifier encore ses échanges avec eux afin qu’ils trouvent les bonnes réponses (à ces) questions complexes » et assuré ne pas douter « qu’ils sachent y parvenir, animés par cet esprit de dévouement au bien public qui permet à tant de nos concitoyens de se surpasser dans leur tâche depuis l’arrivée du virus sur notre sol ».
Le secrétaire d’Etat aux Transports a justement précisé, hier, sur BFM-TV, qu’il allait « regarder région par région ce qu’il est possible de faire » et indiqué que le plan de transport en Île-de-France serait connu « vendredi, au plus tard samedi midi ». Si « différents scénarios de trafic sur différents niveaux de régulation » sont pour l’heure à l’étude, il a estimé qu’un « certain nombre de stations » devrait fermer. Bien qu’il ait reconnu que « respecter un mètre en tout temps et en tout lieu, ce n’est pas possible en Île-de-France », il a précisé que « des contrôles très stricts sur des nœuds particulièrement denses en trafic » seraient organisés.
La ministre de la Transition écologique, Élisabeth Borne, a confirmé sur LCI cette hypothèse d’une fermeture de certaines stations de correspondances. Rappelant que le défaut de port de masque dans les transports serait puni d'une amende de 135 euros, elle a envisagé qu’il faille « aussi prévoir des contrôles et des sanctions pour qui ne respecterait pas les règles » de distanciation.
De son côté, Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France et d’Île-de-France mobilités (l’autorité organisatrice régionale), a défendu l’idée d’une attestation obligatoire des employeurs pour les salariés empruntant les transports.
Rappelons que dans son dernier avis, le Conseil scientifique a expressément désigné les transports collectifs comme un possible vecteur d'une deuxième vague de l'épidémie, appelant donc à la plus grande prudence.
A.W.
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