Démocratie locale : le Sénat présente des pistes pour penser l'avenir de la commune
Par Lucile Bonnin
« 1 079 maires ont démissionné à l’échéance du 30 mai 2023 et 30 000 élus locaux sont démissionnaires depuis le début du mandat » . C’est le triste constat qu’a rappelé hier le sénateur de l’Ardèche Mathieu Darnaud, rapporteur de la mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France, présentée à l’occasion d’une conférence de presse.
Lancée en début d’année, cette mission « esquisse des pistes pour surmonter la crise actuelle » , comme l’indique Maryse Carrère, sénatrice des Hautes-Pyrénées et présidente de la mission d’information. Cette « crise » est en effet de taille et particulièrement actuelle avec les destructions récentes des mairies pendant les émeutes et les agressions d’élus qui ne cessent d’augmenter crescendo.
À ce difficile contexte vient s’ajouter le manque de moyens qu’ont les élus pour agir alors même que les contraintes et injonctions sont de plus en plus complexes. Il faut d’ailleurs rappeler que le Sénat est particulièrement actif sur ce sujet puisque, pas plus tard que la semaine dernière, le groupe de travail du Sénat sur la décentralisation a présenté 15 propositions visant à rendre aux élus locaux leur « pouvoir d'agir » (lire Maire info de lundi).
Après avoir conduit quatre déplacements, en Ille-et-Vilaine, dans les Vosges, en Haute-Garonne et dans la Somme, pour rencontrer les élus locaux sur le terrain, et avoir consulté en ligne près de 3 000 élus dont 2 093 maires, les travaux ont été enrichis par un sondage sur la perception qu’ont les citoyens de la commune et du maire.
Les résultats obtenus ont permis aux sénateurs « de dresser un constat objectif de la situation » . Ainsi, « forte des enseignements qu’elle en a tirés, [la mission] propose deux axes de recommandations pour redonner aux maires et aux communes la liberté de leur avenir ».
La commune : échelon principal de la démocratie locale
Le sondage réalisé montre d’abord que les citoyens sont attachés à leur commune, à leur municipalité. « Près des trois quarts des sondés (72 %) se déclarent attachés à la commune, dont un tiers (34 %) très attachés, peut-on lire dans le rapport. Le département vient en deuxième, à 60 %, la région en troisième (54 %) et l’intercommunalité est dernière à seulement un peu plus d’un tiers (37 %) ». Mais ce sondage rend aussi compte d’une grande inquiétude des citoyens pour l’avenir de la commune avec 40 % des sondés qui pensent que la situation générale des communes va se dégrader. Cette vision pessimiste est largement partagée par les élus.
Pour y remédier et éviter d’avancer vers ce scénario qui mettrait en danger la démocratie locale, la mission formule plusieurs propositions pour « rendre aux communes la liberté de leur avenir » . Pour conforter le modèle communal, le Sénat propose « de consacrer constitutionnellement la clause générale de compétence des communes » et « de maintenir les modes de scrutin actuels pour les élections municipales et la désignation des conseillers communautaires ».
Autre proposition présentée par le rapporteur : remettre en question le couple communes/intercommunalités. Le but n’est pas de « remettre en cause l’organisation » mais plutôt de « changer de paradigme » . Selon le sénateur, il faut « réaffirmer la territorialisation de l’action publique » et créer un « biotope communal qui permet de donner plus de libertés aux communes et de faire de cette union un couple qui privilégie l’efficience au regard des problèmes du territoire. » Ainsi, la possibilité de modifier la répartition des compétences par accord local pourrait être une solution. La mission propose aussi « d’élargir le débat obligatoire sur le pacte de gouvernance de l’intercommunalité à la question de la répartition des compétences au sein de l’intercommunalité » et « d’autoriser l’instauration, dans le pacte de gouvernance, d’un droit de veto des communes membres ».
Côté finances, « le rapporteur propose (…) que les communes continuent d’être attributaires de la dotation globale de fonctionnement et qu’une réflexion s’engage sur les modalités de calcul de cette dernière afin de rendre ses évolutions plus compréhensibles pour les élus locaux ».
Redonner aux maires le pouvoir d’agir
« Simplifier, renforcer et unifier autour du préfet de département l’accès des maires à l’État ». Pour Mathieu Darnaud, l’État ne doit pas être une « Hydre de Lerne à plusieurs têtes » comme actuellement, mais plutôt « un partenaire » pour les maires. La mission a dégagé « trois outils pour sécuriser les maires dans la conduite de leurs projets : la réception par un guichet identifié d’un dossier unique, la fusion des trois dotations d’investissement en une seule, ainsi que le renforcement du recours aux rescrits – administratif et juridictionnel ».
D’autre part, cette difficulté qu’ont les maires à exercer leur mandat dans de bonnes conditions fait craindre « que 2026 soit une séquence municipale marquée par le désengagement des élus » , comme le formulait hier le rapporteur. Ainsi, pour « faciliter l’engagement dans le mandat municipal » , il est proposé de lancer une « réflexion sur la revalorisation des indemnités de fonction » mais aussi « de mieux adapter les conditions d’exercice des mandats municipaux à la diversité de profil des élus, notamment ceux en activité. » Surtout, la mission soutient que « la constitution de droits à la retraite pendant l’exercice du mandat devrait être facilitée, y compris par l’octroi de bonifications ».
Quant aux violences exercées à l’encontre des élus, le Sénat préconise le « renforcement de la protection fonctionnelle et une amélioration du dispositif judiciaire ». La proposition de loi déposée le 26 mai 2023 au Sénat par le président de la commission des lois, François-Noël Buffet, renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires va dans ce sens et les sénateurs espèrent que le gouvernement va s’en saisir, et ce, dans les plus brefs délais. Pour mémoire, la ministre des Collectivités territoriales et de la Ruralité Dominique Faure indiquait, au début du mois de juillet, qu’il serait difficile d’en débattre « avant le mois d’octobre » (lire Maire info du 7 juillet).
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