Extension des horaires d'ouverture des bibliothèques : le Sénat s'inquiète sur la pérennité des aides de l'ÉtatÂ
Le site du Sénat vient de mettre en ligne le compte rendu de l’audition d’Érik Orsenna et Noël Corbin, qui a eu lieu le 5 février dernier, consacrée à l’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques. Les deux hommes sont les auteurs du rapport Voyage au cœur des bibliothèques, remis au gouvernement en 2018.
Rappelons que ce rapport avait conduit à un effort du gouvernement, via une augmentation de la DGD (dotation générale de décentralisation) de 8 millions d'euros fléchés sur l'extension des horaires d'ouverture, et 7 millions attribués aux missions des bibliothèques. Les sénateurs de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ont donc souhaité interroger les deux rapporteurs sur les suites de cet effort. « Les bibliothèques ouvrent-elles mieux et plus ? », a demandé la présidente de la commission, Catherine Morin-Desailly, pour ouvrir les débats.
Inquiétudes sur le financement
« La réponse est oui », s’est réjoui Noël Corbin (inspecteur général des affaires culturelles au ministère de la Culture). « Celles ayant fait l'objet d'une extension enregistrent une moyenne de 8 heures 30 supplémentaires, et touchent 9 millions de nos concitoyens. » On consacre aujourd’hui « un peu plus de 10 millions d’euros aux extensions d’horaires, en prenant sur les crédits attribués aux dépenses d’investissement ». Selon Noël Corbin, quelque 60 projets supplémentaires sont prévus en 2020, et Érik Orsenna a ajouté que cette question était, dans certaines communes, au cœur de la campagne des élections municipales. Mais les rapporteurs se sont dit « très attachés (…) au fait que l'État continue à accompagner les collectivités locales dans leurs investissements. Il ne faudrait pas, en effet, que les dépenses de masse salariale qui permettent de couvrir des horaires nouveaux viennent obérer l'investissement de l'État. »
La sénatrice Sylvie Robert (Ille-et-Vilaine) a en effet rappelé que l’abondement de 8 millions d’euros de la DGD bibliothèques « n’est garanti que jusqu’en 2022 », ce qui constitue « un sujet d’inquiétude pour un certain nombre de maires et de présidents d’ECPI qui n’ont pas l’intention de revenir en arrière ». Et de pointer un certain manque de visibilité pour les collectivités : « 60 % des emplois créés grâce à ce financement de l'État sont des emplois de titulaires. Nous n'avons cependant pas eu le sentiment, lors de nos auditions, que les collectivités aient pris conscience qu'elles allaient devoir compenser la dégressivité voire la disparition de l'enveloppe dans deux ans. »
La sénatrice a également regretté que le plafonnement des dépenses de fonctionnement des grandes collectivités à 1,2 % d’augmentation maximum par an ait conduit à « l’annulation d’un certain nombre de projets ».
La question de la dégressivité a fait vivement réagir Érik Orsenna, qui estime que « ajouter l'effet cliquet à l'effet couperet empêchera tout développement de projet. Annoncer que tout est fini dans deux ans n'a aucun sens ! Organiser la transition n'est pas une simple formalité : c'est une question essentielle ! ». Il a également posé la question du manque d’investissement de l’État dans les bibliothèques universitaires, dont il a pourtant la charge : « Des maires que j'ai rencontrés se demandent pourquoi ils continueraient à mettre en péril les finances de leur commune pour recevoir des gens qui ne viennent chez eux que parce qu'il n'existe pas de bibliothèque universitaire. Ce n'est pas leur métier. »
Questions ouvertes
Les sénateurs et les deux rapporteurs ont également discuté de questions plus générales : quid du livre numérique et du livre audio dans les bibliothèques, par exemple ? Quel rôle pour les intercommunalités ? Pourrait-on développer des annexes des bibliothèques directement dans les mairies ? Comment se pose la question dans les territoires qui sont, pour Érik Orsenna, les plus grands oubliés du pays sur la question des bibliothèques, les Outre-mer. Sans apporter de réponse à chacune de ces questions, ils ont chacun apporté des contributions qui ouvrent la réflexion.
F.L.
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