Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 25 mai 2023
Culture

Culture : le Sénat veut préparer l'avenir du cinéma dans les territoires

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat a adopté hier un rapport d'information sur la filière cinématographique. La mission propose notamment d'encourager la venue de groupes scolaires dans les cinémas, en collaboration avec les communes.

Par Lucile Bonnin

Alors que le Festival de Cannes touche à sa fin, la commission de la culture du Sénat a adopté hier un rapport dans le cadre d’une mission d’information sur la filière cinématographique. Son but : effectuer un constat et établir des perspectives pour le cinéma français avec un focus sur la dimension territoriale du 7e art. 

En effet, le cinéma a besoin de public pour exister. Le Sénat a décidé de créer cette mission de contrôle dans un contexte où la fréquentation des cinémas a été bousculée par la pandémie et la montée en puissance des plateformes de streaming type Netflix ou Amazon Prime. Selon le Centre national du cinéma et de l’image animée, la fréquentation des salles de cinéma atteint 152 millions d’entrées en 2022 ; un résultat en retrait de 26,9 % par rapport à la période pré-covid. 

En vue de « mieux associer le cinéma aux politiques publiques », les sénateurs ont formulé une série de propositions dont plusieurs concernent les collectivités. Une proposition de loi va être prochainement déposée par les rapporteurs. 

Maillage territorial des salles

Le rapport soulève d’abord que le cinéma est avant tout « un loisir en moyenne plus prisé des catégories socioprofessionnelles supérieures, peut-être en raison du coût d'une entrée ». Le prix moyen des places en France est de 7,04 euros, selon la dernière étude du CNC. Mais les prix peuvent, selon les salles, grimper jusqu’à plus de 10 euros voire 15 euros ou même 20 dans certaines salles équipées des dispositifs les plus performants. Ainsi, ceux qui se rendent dans les salles sont à 83,6 % des cadres, à 81 % des bac + 2 et seulement à 55 % des ouvriers et 32,2 % des personnes dépourvues de diplômes.

En revanche, le problème de la désertification des salles n'est pas à chercher du côté du maillage territorial des salles, qui lui, n’est « pas discriminant », selon les auteurs du rapport. Même si « la progression du parc d'écrans de cinéma n'est pas linéaire au cours de la période 2012-2021 », « sur les dix dernières années, le parc s'est ainsi enrichi de 73 écrans chaque année en moyenne ».

Les auteurs du rapport indiquent qu’en 2021, 1 671 communes sont équipées « d'au moins une salle de cinéma en activité »  et que ces dernières « regroupent 48,4 % de la population française ». « Toutes les communes de 100 000 habitants et plus abritent au moins un établissement cinématographique actif en 2020, ainsi que la quasi-totalité des communes de 50 000 à 100 000 habitants ». 

Il est surtout intéressant de noter que malgré le fait que « l'équipement cinématographique se réduit avec la taille de la commune », plus de la moitié des cinémas sont cependant situés dans des villes de moins de 20 000 habitants. Reste à voir si la multiplication des très grandes salles de cinéma (au-delà de six écrans) ne portera pas préjudice aux salles situées dans les plus petites communes. 

Les cinémas itinérants 

Une petite partie du rapport met en lumière le dispositif de cinéma itinérant qui existe depuis plus de quarante ans. Le principe : des séances sont organisées dans des salles polyvalentes, des salles des fêtes ou des maisons culturelles de communes différentes afin de faire un circuit. « En 2019, 109 circuits itinérants ont sillonné la France métropolitaine et les Outre-mer pour apporter les films au public dans les communes qui n'ont pas de cinémas, essentiellement dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) », peut-on lire dans le rapport. Plus récemment, un système de ciné-camion a été mis en place notamment dans des communes de Centre-Val-de-Loire.

Le financement de ce dispositif est « essentiellement assuré par les départements, les communes mettant à disposition les locaux. L'activité y demeure cependant structurellement déficitaire, en raison du faible prix des places et des coûts logistiques ».

D'après une étude menée par le CNC et l'Association nationale des cinémas itinérants (ANCI) en 2020, le public des cinémas itinérants est « un public plutôt fidèle »  mais « demeure majoritairement âgé avec 71,6 % de plus de 50 ans, soit plus du double de la proportion nationale des publics de cinéma, avec une forte proportion de retraités ».

Favoriser le renouvellement des jeunes publics

Une autre question émerge alors : comment donner le goût aux plus jeunes d’aller au cinéma ? La mission a formulé des recommandations à ce sujet. D’abord, la mission propose que 100 % des élèves puissent aller au cinéma au moins une fois par an.

Ce dispositif « devrait faire l'objet d'une place spécifique dans les conventions de coopération avec les collectivités territoriales 2023-2025, ainsi que d'un partenariat fort avec l'éducation nationale afin que l'éducation aux images soit intégrée aux enseignements obligatoires avec un temps dédié et une formation de tous les enseignants et chefs d'établissement ». Il est précisé que la séance de cinéma en question pourrait se faire sur le temps scolaire ou périscolaire. À noter que le CNC travaille actuellement à la relance du dispositif Ma classe au cinéma, auquel l’AMF est associée.

Enfin, la mission propose, afin d’encourager le cinéma français et européen, de réserver une partie des places de cinéma acquises par le biais du Pass Culture aux films français et européens.

L’idée est d’encourager les plus jeunes à visionner des films variés afin qu’ils s’approprient « le cinéma, sans qu'il soit limité aux plus grosses productions étrangères ». Une idée semble avoir davantage une portée économique sous-jacente qu’une portée sociale.

Le cinéma public toujours en danger 

On peut regretter le fait qu’aucune mention n’ait été faite concernant la situation des salles de cinémas en régie municipale, au nombre, actuellement, de plus de 300. Pour mémoire, il existe plusieurs modes de gestions des salles publiques : en régie municipale, en délégation de service public (DSP), ou encore par la gestion par d’une association ou d’un exploitant privé mais dont les locaux sont propriété de la collectivité. Donc des statuts croisant public et privé, comme le rappelle la Fédération nationale des collectivités pour la culture (FNCC) sur son site. 

D’ailleurs, pendant la crise sanitaire, un fonds de compensation des pertes d’exploitation des cinémas pendant le confinement avait été débloqué pour les cinémas privés et associatifs… mais pas pour les cinémas publics. Fort heureusement, le CNC a lancé un fonds de sauvegarde pour ces cinéma un an après l’annonce de ce premier fonds (lire Maire info du 20 avril 2021). 

Plus récemment encore, les cinémas ont dû faire face à la hausse des prix de l’énergie. Comme le soulignent les sénateurs, « une salle consomme une quantité importante d'électricité, pour le fonctionnement du projecteur, la climatisation ou les affiches lumineuses à l'extérieur ». Sur le site internet de la mairie de Vaulx-en-Velin (Auvergne-Rhône-Alpes), par exemple, on peut lire ceci : « La crise énergétique qui frappe le pays impacte lourdement les dépenses de la commune et l’amène à prendre des mesures pour réduire la facture énergétique. Aussi, le Cinéma Les amphis est fermé temporairement durant l’année 2023 ». L'établissement « rouvrira en 2024 avec un nouveau projet ».

Ce sont en effet les plus petites salles, souvent publiques, qui pâtissent de cette crise cinématographique : les établissements de 4 ou 5 écrans (- 7,1 %) et les mono-écrans (- 6,5 %) subissent un recul plus important que la moyenne. Un constat qui inquiète les élus qui travaillent pour la redynamisation de leurs communes et pour un retour durable des services publics dans tous les territoires. 
 

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