Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 7 octobre 2025
Culture

Cinéma : entre difficultés financières et nécessité de repenser l'éducation à l'image

Alors que l'année 2025 connaît une baisse de fréquentation en salle de 15 % par rapport 2024, le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) va accorder des avances exceptionnelles pour soutenir les exploitants en difficulté. Cette annonce intervient quelques jours après la publication d'un rapport sur l'éducation aux images et la modernisation de « Ma classe au cinéma ».

Par Lucile Bonnin

La santé financière de certains cinémas est vacillante. Et pour cause, puisque depuis le début de l'année, la fréquentation des salles a en moyenne reculé de 15 % par rapport à 2024. Dans le détail, 109,46 millions d’entrées ont été enregistrées cette année contre 127,81 millions en 2024. Actuellement, plus de 300 salles de cinéma sont en régie municipale sur les 2 053 cinémas du pays en 2024 (lire Maire info du 30 octobre). 

L’année 2025 est aussi marquée par un « rajeunissement du public »  et « une moindre fréquentation du public senior, dont la part atteint un niveau historiquement bas » . L’offre de films de l’année n’y est pas pour rien puisqu’elle « compte principalement des films familiaux et des blockbusters dont ils sont moins la cible. » 

Sur son site, le CNC indique que « l’état actuel de la fréquentation est susceptible de remettre en cause l’équilibre financier des cinémas et d’en menacer, dans certains cas, la pérennité, notamment s’agissant des salles de la petite et de la moyenne exploitation. »  C’est pourquoi un dispositif d’accompagnement a été ouvert « afin de soutenir les exploitants rencontrant des problèmes de trésorerie à très court terme qui mettent en péril leur capacité à faire face à leurs échéances financières. » 

Aides financières sélectives exceptionnelles 

Une délibération relative à la mise en place d'un dispositif d'avances exceptionnelles aux exploitants en grande difficulté financière en 2025 a ainsi été publiée vendredi au Journal officiel

Rappelons que le CNC est, selon les mots de la Cour des comptes, le « fer de lance de l’intervention publique dans le secteur du cinéma et de l’audiovisuel », et qu’il apporte ainsi directement au secteur un financement public sous forme d’aides automatiques et sélectives à hauteur de plus de 700 millions d’euros par an. 

Des aides financières sélectives exceptionnelles seront donc attribuées jusqu'au 31 décembre 2025 aux exploitants d'établissements de spectacles cinématographiques relevant de la petite et moyenne exploitation (1) qui font face à une situation financière particulièrement difficile en 2025 et qui en font la demande explicite. 

Les aides financières sélectives sont concrètement des « subventions d'investissement octroyées en cas d'insuffisance du soutien financier automatique à des exploitants privés, publics ou associations » . Le dispositif d’avance annoncé récemment par le CNC concerne « les exploitants qui bénéficient déjà, pour des travaux substantiels de modernisation de leurs établissements, d’une avance remboursable sur le soutien généré dont l’amortissement est toujours en cours ». Concrètement, le dispositif permet « d’accorder une nouvelle avance, quel que soit le niveau de remboursement de la précédente, afin de pouvoir s’adapter à toutes les situations. » 

Le montant de l’avance attribuée sera déterminé « en considération des difficultés financières particulières auxquelles les exploitants sont confrontés, notamment au regard de l’importance de leur passif, de leur niveau d’endettement et de la situation de leur trésorerie, compte tenu de leur appartenance à un groupe d’entreprises ou à une communauté d’intérêts économiques ainsi que des financements publics dont ils peuvent bénéficier. »  Un dossier est à télécharger, à remplir, puis à envoyer par mail, avant le 20 octobre 2025 au plus tard, à corentin.bichet@cnc.fr et pascal.maubec@cnc.fr.

Plus largement, tous les exploitants « qui rencontrent des difficultés sont appelés à en alerter le CNC afin que des solutions adaptées puissent être recherchées »  via cette adresse électronique : urgence.exploitation@cnc.fr.

Maintenir les salles : un enjeu éducatif 

Dans le chaos de cette rentrée politique, la publication du rapport de la mission confiée à Édouard Geffray, conseiller d’État et ancien directeur général de l'enseignement scolaire, sur l’éducation aux images et la modernisation de « Ma classe au cinéma »  est passé quelque peu inaperçue. 

Ce dispositif né dans les années 1980 permet aux élèves – dont les professeurs se sont déclarés volontaires – de la maternelle au lycée, d’assister à des séances de cinéma faisant l’objet d’un travail en classe à la fois avant et après la séance.

« L’éducation au cinéma, et notamment Ma classe au cinéma, constitue un enjeu majeur pour la pérennité des salles de cinéma en France », écrit le rapporteur qui formule 19 propositions afin d’offrir une éducation aux images de qualité pour tous les jeunes notamment en renforçant la formation des enseignants, en fédérant davantage l’ensemble des acteurs (professionnels du cinéma, éducation nationale et collectivités territoriales) et en intégrant l’éducation au cinéma et aux images dans les programmes scolaires. L’AMF, auditionnée en avril, a rappelé l’importance de soutenir le dispositif « Ma classe au cinéma »  et plus globalement l’éducation à l’image, et ce dès le plus jeune âge. Elle a toutefois alerté sur des difficultés pouvant être rencontrées en matière de transport des enfants en milieu rural, et a soulevé le sujet de la formation des enseignants.

Plus récemment encore, le CNC a publié les résultats d’une enquête consacrée à « Ma classe au cinéma ». En 2024-2025, 1,86 million d'élèves ont bénéficié du dispositif, soit environ 15 % de tous les élèves. Dans ce cadre, 1 674 cinémas partenaires ont délivré 4,6 millions d'entrées. L’enquête montre surtout que le dispositif est particulièrement pertinent dans les zones rurales. Dans ces zones, « il est courant que quelques élèves ne soient jamais allés au cinéma avant de participer à Ma classe au cinéma » . Par ailleurs, dans les zones rurales et petites agglomérations, ce dispositif est généralement la seule offre de cette envergure dédiée à l’EAC. 

L’enquête du CNC montre enfin que 44,4 % des participants à Ma classe au cinéma déclarent aller plus souvent au cinéma après en avoir bénéficié dans le cadre scolaire et 71,9 % des étudiants ayant bénéficié de cette sortie à l’école sont ensuite allés au moins une fois par mois au cinéma. Le bénéfice du dispositif pourrait donc être double : contribuer à éduquer les élèves aux images et encourager les générations futures à se rendre dans les cinémas.

(1) La petite exploitation regroupe les cinémas réalisant moins de 80 000 entrées annuelles, la moyenne ceux totalisant entre 80 000 et 450 000 tickets et la grande, ceux au-delà des 450 000 billets par an.

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