Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 5 mai 2023
Crise sanitaire

L'Assemblée nationale vote en première lecture l'abrogation de l'obligation vaccinale

Alors que le gouvernement a annoncé, pour le 15 mai, la « suspension » de l'obligation vaccinale pour les personnels soignants, l'Assemblée nationale, dans un débat plus que houleux, a abrogé cette obligation, hier, en première lecture. Récit.

Par Franck Lemarc

C’est un autre texte du groupe GDR (lire article ci-dessus) qui a été, cette fois, adopté hier, contre l’avis du gouvernement et de la majorité : la proposition de loi « portant abrogation de l'obligation vaccinale contre le Covid-19 dans les secteurs médicaux, paramédicaux et d'aide à la personne et visant à la réintégration des professionnels et étudiants suspendus ». C’était la seconde fois (lire Maire info du 25 novembre 2022) que l’opposition de gauche présentait un texte sur ce sujet. La première fois, il était apparu clairement que les oppositions allaient toutes voter le texte présenté par le groupe LFI, et le gouvernement n’avait dû son salut qu’à la capacité de sa majorité à bloquer les débats pendant six heures, jusqu’à arriver à minuit, heure à laquelle les débats doivent être clos. 

Hier, le groupe GDR a pris ses précautions en présentant son texte le matin, lors de la première séance, évitant cette possibilité. 

« Chasse aux sorcières » 

Rappelons que le gouvernement a tout récemment annoncé son intention de procéder à la réintégration des soignants non vaccinés, dont certains le sont depuis le 15 septembre 2021. Il suit l’avis donné par la Haute autorité de santé le 20 février (lire Maire info du 21 février), qui expliquait que « l’obligation vaccinale contre le covid-19 pourrait être levée pour tous les professionnels visés par la loi du 5 août 2021 ». 

Le ministre de la Santé, François Braun, a expliqué depuis que le gouvernement suivrait cet avis et qu’un décret est en préparation pour organiser cette levée de l’obligation vaccinale, décret qui paraîtra le 15 mai. Le ministre a profité du débat d’hier, à l’Assemblée, pour expliquer les difficultés que va poser cette réintégration : « ces professionnels n’ont pas exercé, pour la plupart depuis de longs mois, et ils ont pu être remplacés à leur poste. La question de la gestion et de l’organisation de leur retour se pose avec une véritable acuité. Il faut aussi avoir en tête que, parmi l’immense majorité des professionnels qui ont respecté l’obligation vaccinale, il peut y avoir une certaine incompréhension, voire une rancœur vis-à-vis de ceux qui ont fait le choix de se mettre en marge du système de santé, au moment même où chacun se mobilisait de front. »  Pour éviter « toute chasse aux sorcières » , le gouvernement a organisé une concertation « avec l’ensemble des parties prenantes » , pour faire en sorte que cette réintégration « se passe le mieux possible ». 

Abrogation contre suspension

Pourquoi, alors, présenter une proposition de loi ? Derrière les apparences, la mesure proposée par le groupe GDR est très différente de celle qu’a décidée le gouvernement. Si ce dernier propose de « suspendre »  l’application de la loi du 5 août 2021, qui a fixé les règles de l’interdiction d’exercer pour les soignants non vaccinés, le texte du PCF va plus loin : il propose, lui, d’abroger purement et simplement le chapitre II de cette loi, qui a instauré l’obligation vaccinale. Ce qui empêcherait, sauf à voter une autre loi, de refaire appel à ces dispositions en cas de nouvelle pandémie. Ce qui, a plaidé le ministre de la Santé hier, « nous priverait d’un vecteur législatif efficace et qui a fait ses preuves (…) affaiblirait gravement notre capacité de réponse devant d’autres pandémies – sans être Cassandre, je peux vous dire qu’il y en aura d’autres ».

Ces arguments n’ont pas convaincu les oppositions : tour à tour, les orateurs de Liot, des LR, du RN, se sont succédé, pour dénoncer « l’immobilisme »  du gouvernement et affirmer que « nous ne pouvons nous priver d’aucun personnel »  (Liot) ; pour dénoncer « une stratégie consistant à faire diversion à l’effondrement de l’hôpital »  et pointer « une crise grave dans nos départements d’outre-mer »  (RN) ; ou encore pour fustiger « l’état de grande précarité »  dans lequel ont été plongés les soignants suspendus (LR). « Il est plus que temps de mettre fin à une situation ubuesque, dangereuse pour la santé des Français et la stabilité de notre système de soins. (…) En cas de nécessité, il sera toujours temps pour que le Parlement vote un nouveau texte, en cas de crise sanitaire », a conclu la députée LR Josiane Corneloup. 

Les orateurs Renaissance, MoDem et Horizons ont pris la parole contre la proposition de loi, critiquant un texte « complotiste » , voire « obscurantiste » , mais sans convaincre leurs collègues : le texte a été adopté en première lecture par 157 voix contre 137.

Il va maintenant partir au Sénat, avant de revenir en seconde lecture à l’Assemblée. Il est donc encore loin d’être sûr que ce texte sera au final, définitivement adopté. Il est certain en revanche que le décret organisant la réintégration des soignants paraîtra bien avant son éventuelle adoption. Le ministre de la Santé a indiqué hier avoir signé une instruction sur l’organisation de cette réintégration, non encore publiée, sur laquelle Maire info reviendra dès qu’elle sera publique. 
 

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