Crise du logement : la refonte de la fiscalité locative réclamée dans un rapport
Par A.W.
La pression s’accentue sur les propriétaires de meublés de tourisme. Après la récente décision du Conseil d’État de supprimer la très avantageuse niche fiscale « Airbnb » (contre la volonté du gouvernement qui avait autorisé les contribuables à ne pas tenir compte de la loi), c’est au tour de la députée fraîchement réélue du Finistère, Annaïg Le Meur (Ensemble pour la République, ex-Renaissance), de resserrer l’étreinte.
Dans un rapport très attendu commandé par Matignon (daté du mois de mai, mais qui n’avait pas été rendu public jusqu’à présent), l’élue confirme la nécessité de mettre fin à cet avantage fiscal accusé d’aggraver et d’entretenir la pénurie de logements un peu partout dans le pays, et particulièrement dans les zones touristiques. Mais elle va bien plus loin en mettant sur la table une série de pistes visant à réformer la fiscalité locative.
Meublés de tourisme : la proposition de loi bientôt mise au vote
Ce n’est pas une surprise puisque celle-ci a déjà été à l’initiative d’une proposition de loi transpartisane sur le sujet avec son homologue socialiste Iñaki Echaniz (Pyrénées-Atlantiques) – lui aussi réélu – qui visait à favoriser la location de longue durée.
Adoptée en première lecture au Sénat et à l’Assemblée, celle-ci prévoyait d’accorder certains pouvoirs étendus aux maires et de revenir, déjà, sur cette fameuse niche fiscale « Airbnb ». Mais alors que la commission mixte paritaire (CMP) venait d’être convoquée pour finaliser le texte, son parcours parlementaire a été stoppé net après la dissolution décrétée par le chef de l’État et son avenir restait jusque-là incertain.
Les choses devraient, cependant, s’accélérer puisque Annaïg Le Meur vient de laisser entendre qu’il pourrait rapidement être mis au vote. Interrogée hier par Les Échos, celle-ci a, en effet, assuré que les parlementaires sont « prêts à reprendre l'examen du texte, que ce soit à l'initiative du prochain gouvernement ou à l'occasion d'une niche parlementaire ».
Un régime fiscal « inéquitable »
Pointant, dans son rapport, les différences de traitement fiscal entre locations nues et locations meublées, Annaïg Le Meur déplore un cadre fiscal actuel « à la fois excessivement complexe et déséquilibré », celui-ci « favorisant largement certains types de location par rapport à d’autres ».
On a ainsi, d’un côté, les revenus de la location nue qui sont imposés à l’impôt sur le revenu en tant que revenus fonciers, et, de l’autre, ceux de la location meublée qui sont imposés en tant que bénéfices industriels et commerciaux (Bic). Une « distinction historique » qui « avantage fortement » ces derniers, qu’ils soient de courte ou de longue durée.
Résultat, le nombre de contribuables déclarant des revenus issus de la location meublée a ainsi augmenté de 52,4 % en cinq ans, alors qu’il a baissé de 0,2 % pour la location nue, « illustrant l’attrait de la niche fiscale pour la location meublée non professionnelle ».
L’avantage qu’elle confère est, en effet, considérable puisque, dans le même temps, « 68 % des contribuables en régime Bic réel [locations meublées] ne sont pas imposés sur leurs revenus locatifs, contre seulement 14 % de ceux imposés en régime foncier », c’est-à-dire ceux qui possèdent des locations nues.
D’autant que ce cadre fiscal particulièrement avantageux pour la location meublée représente une « dépense fiscale coûteuse pour les finances publiques », estimée en 2016 de « 330 à 380 millions d’euros » , et dont « les deux tiers résultent de la règle de l’amortissement ». Une fourchette jugée désormais « basse » par Annaïg Le Meur.
Pourtant, celle-ci estime que « la fiscalité n’a pas à encourager tel type de location par rapport à tel autre », mais, au contraire, qu’il y a « un objectif de politique publique à encourager la location de longue durée ». Une dichotomie de régime fiscal entre location nue et meublée qu’elle considère « comme sans justification, ni économique ni juridique, et comme inéquitable, avec une urgence croissante à agir ».
Difficultés à se loger : une tendance « partout »
Après avoir étudié les marchés de plusieurs villes et d’agglomérations qui connaissent des situations différentes, le constat qu’elle fait est implacable : « La tendance est la même partout. (...) On arrive de plus en plus souvent à des situations où les habitants comme les salariés des entreprises locales ne trouvent pas d’offre locative privée accessible pour se loger, alors que se développent les locations de meublés, notamment de courte durée », déplore l’élue bretonne.
Dans cette situation, elle affirme que « le statu quo n’est plus possible et qu’il est urgent de stopper la dérive actuelle du marché locatif qui empêche un nombre croissant de nos concitoyens d’accéder à un logement ».
Devant ce constat, elle propose trois scénarios principaux (et deux variantes) qui constituent « des réformes fiscales d’ampleur variable ». Mais pour chacun d’eux, tous les revenus locatifs sont réunis dans une seule catégorie, celle des revenus fonciers (seuls les revenus du locatif meublé professionnel (LMP) restant imposés comme bénéfices industriels et commerciaux (Bic), mais avec des critères réévalués).
L’amortissement fait également les frais de ces propositions, sauf dans un seul cas de figure. Car, aux yeux de la rapporteure, « la suppression de la déductibilité des amortissements pour les loueurs de meublés non professionnels au régime réel [lui] paraît impératif », celle-ci suggérant, toutefois, « d’étaler le préjudice subi par les propriétaires concernés ».
L’impact sur les finances publiques serait, là aussi, très variable, allant d’un gain budgétaire minimal de 25 millions d’euros jusqu’à 380 millions d’euros.
Le « Denormandie » au moins jusqu’en 2030
En complément de ces trois scénarios, elle propose « d’améliorer la rentabilité du dispositif du Loc’Avantages » (notamment en augmentant le taux de réduction d’impôt pour chacun des niveaux de loyer du dispositif et en relevant le plafond de l’avantage fiscal) afin de « développer une offre locative privée accessible aux locataires dont les revenus sont réduits ».
De la même manière et afin de promouvoir la rénovation énergétique des logements en centre-ville, elle propose que le dispositif Denormandie soit « relancé, avec des modifications de rentabilité similaires à celles proposées pour le Loc’Avantages, ainsi qu’une pérennisation du régime, au moins jusqu’à 2030, pour plus de stabilité, et un élargissement du périmètre géographique des biens concernés ».
« Le dispositif Denormandie pourrait donc être étendu au sein de certaines communes situées au sein des zones A,1 bis et B1 : tout en restant réservé aux villes labellisées Cœur de ville ou signataires d’une convention ORT, on inciterait les communes situées [dans ces zones] à en signer une. Le dispositif Denormandie pourrait ainsi permettre la rénovation du bâti existant en aboutissant à la résorption de l’habitat indigne dans ces zones A, A bis et B1 », détaille la députée.
À noter qu’elle se dit « favorable à donner aux collectivités, par la fiscalité locale (THRS, THLV, taxe de séjour), les moyens de réguler plus ou moins fortement les distorsions entre les logements résidentiels et touristiques ».
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