Crise des services d'urgence hospitaliers : l'inquiétude grandissante des élus
Par Lucile Bonnin
Quelques semaines avant le début de l’été, les élus s‘inquiètent de la situation des services d’urgence dans les hôpitaux. Ainsi, l'Association des petites villes de France (APVF) a interpellé la nouvelle ministre de la Santé, Brigitte Bourguignon, sur cette question comme indiqué dans un communiqué de presse diffusé le mercredi 25 mai.
Cet appel à l’aide des soignants et des élus pour sauver les urgences traduit une inquiétude grandissante de ne plus pouvoir faire face à l'afflux de patients cet été. Déjà, le 17 mai dernier, le CHU Pellegrin de Bordeaux – l'un des cinq plus gros centres hospitaliers du pays – annonçait qu’il fermait ses urgences la nuit, faute de personnel (lire Maire info du 18 mai). Cette mesure de régulation en mode "dégradé" avait fait grand bruit, réveillant le débat qui existe en France sur les conditions d'accueil et de travail dans les hôpitaux qui se dégradent d'année en année.
Ce phénomène est loin d’être isolé et aucune région ne semble épargnée. L’APVF, présidée par Christophe Bouillon, maire de Barentin (Seine-Maritime), ancien député de Seine-Maritime, et dont le président délégué est Loïc Hervé, sénateur de Haute-Savoie, indique que la situation est « particulièrement grave dans un certain nombre d’établissements hospitaliers de petites villes qui voient leur fonctionnement se dégrader du fait du manque d’effectifs. »
Le cri d’alerte des petites villes
L’été s’annonce mouvementé dans les hôpitaux publics et les petites villes vont en payer les frais. À Sarlat (Dordogne), Jonzac (Charente-Maritime), Sainte-Foy-la-Grande (Gironde), Guingamp (Côtes-d'Armor) ou Chinon (Indre-et-Loire) « l'activité est carrément suspendue » , indique l’APVF dans son communiqué.
D’autant plus que c’est dans ces petites villes que le poids de la désertification médicale se fait le plus ressentir. Les services d’urgence dans ces territoires sont pour la plupart « contraints à des fermetures par intermittence depuis plusieurs semaines, allant totalement à l’encontre du principe d’accès 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 aux urgences. »
Le problème étant que la progression de la désertification médicale « se fait cruellement sentir dans certaines zones du territoire » et que pour se soigner, de plus en plus de patients sont obligés de se tourner vers les services d’urgence.
Par exemple, le service des urgences de l'hôpital de Senlis (Oise) a été transféré à Creil en décembre 2021, à cause du manque de personnel soignant. Depuis, ces urgences sont fermées alors qu’elles accueillaient « des patients de tout le sud-est de l'Oise, un bassin de vie de près de 100 000 habitants » , peut-on lire sur Francetvinfo. Sans service hospitalier d’urgence et avec le manque de médecins dans ces territoires, la santé des habitants est menacée car l'accès aux soins est plus compliquée.
Crise hospitalière et sanitaire
Et c’est bien ce que redoutent le plus les élus de l’APVF qui indiquent que si ce problème n’est pas pris à bras le corps « par le gouvernement et la nouvelle ministre » , il y a un risque de « crise sanitaire très grave. »
L’association dénonce « une gestion purement comptable et financière de notre système de santé au mépris des patients et de la qualité des soins. » Dans une lettre adressée également à la ministre de la Santé, le syndicat Samu-Urgences de France (SUDF) explique que « les urgences apparaissent aujourd’hui surtout comme une interface entre la ville et l’hôpital qui concentre les dysfonctionnements de ces deux secteurs. » Saturation des urgences, fermeture de services, soignants surchargés et « désemparés » : ces problématiques ne sont pas nouvelles mais se sont installées et commencent à faire craindre des fermetures définitives dans les territoires les plus fragiles, mettant directement en danger la vie de certains patients, pris en charge moins rapidement ou de manière plus superficielle.
Selon le syndicat, au moins 120 hôpitaux font face en ce moment à de « graves difficultés » dans leurs services d’urgence, ce qui représente environ 20 % des établissements en France.
Il est important de souligner que tous les services hospitaliers - en plus des services d'urgence - traversent une grave crise. Le directeur général du groupement hospitalier d'Ile-de-France, Martin Hirsch, a par exemple indiqué ce matin même sur France Inter qu’il manque environ 1 400 infirmières et infirmiers dans les hôpitaux de l'AP-HP et que 15 % des lits restent fermés en moyenne, faute de soignants.
En attente d’une réaction « en urgence »
« L’APVF appelle la nouvelle ninistre à faire preuve de détermination pour aborder ces questions essentielles pour la vie de nos concitoyens et se tient à sa disposition pour évoquer l’ensemble des sujets relatifs aux inégalités d’offre de soins dans les territoires. »
Pour l’association d’élus « des questions telles que l’obligation de la permanence de soins pour les médecins libéraux et la régulation de l’installation des médecins doivent être maintenant posées sans tabou. »
La ministre de la Santé Brigitte Bourguignon a promis la semaine dernière de prendre des mesures « pour faire face à l’été » et à la pénurie de soignants.
Brigitte Bourguignon a détaillé au micro de RTL que sa méthode serait celle de la concertation, car « les situations ne sont pas toutes les mêmes partout. Je vais construire les solutions avec les gens qui sont sur le terrain. Je vais les rencontrer, j’ai quinze jours devant moi pour le faire. »
En la matière, la commission santé de l'AMF travaille depuis longtemps sur des solutions pour renforcer l'accès à des soins de qualité dans les territoires. L'AMF défend notamment le rétablissement des conseils d’administrations des hôpitaux, présidés par les maires, et souhaite que les élus soient « associés plus largement aux réflexions, travaux et décisions des conseils de surveillance. » Les maires auront l’occasion de parler du sujet des fermetures des urgences lors de la prochaine réunion de la commission santé de l'AMF, le 22 juin prochain.
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