Fabien Bazin, maire de Lormes : « Être présent 24 h sur 24, sur tous les fronts »
Quand on pense à l’urgence de la crise, et à son intensité, on ne pense pas forcément à la Nièvre, l’un des départements les moins touchés par l’épidémie de coronavirus. On ne pense d’ailleurs pas trop à la ruralité, en-dehors des Parisiens et autres citadins qui sont allés s’y réfugier, et c’est bien ce qui agace Fabien Bazin, maire de Lormes, un petit bourg-centre de 1 400 habitants aux marges du Morvan. Pourtant, dit-il, dans les communes rurales comme Lormes, « on sait faire beaucoup de choses » y compris dans les coups durs, de l’organisation de l’entraide bénévole à la mise en place d’un drive pour les commerçants locaux ou encore la fabrication de visières dans le fablab.
« En mode action »
Il n’y a eu aucun cas détecté de covid-19 sur le territoire, ou dans les communes voisines, mais dès l’annonce, le 12 mars, de la fermeture des écoles, « nous avons dû passer en mode action, et pas ‘’dégradé’’, avec une organisation efficace », explique l’élu, lui-même « confiné depuis décembre », à la suite d’une opération chirurgicale. Il n’y a que quatorze employés municipaux à Lormes ; tous ont donc dû se mobiliser. « Avec la secrétaire générale de mairie, une autre secrétaire et moi-même, on fait du 24 heures sur 24, on est devant l’ordinateur de 8 heures à 22 heures avec le téléphone qui sonne en permanence, plus les messages sur Facebook, Twitter, et les mails. On essaie de bien informer les habitants, c’est le plus important, mais il faut être présent sur tous les fronts ! »
« Chaque jour depuis le début du confinement, nous produisons une note d’information, postée sur les réseaux sociaux, nous avons publié deux bulletins de quatre pages distribués chez les commerçants, tout comme les dérogations de sortie, ou les devoirs des écoliers, pour les gens qui n’ont pas d’ordinateur ou d’imprimante ». Mais ce n’est pas tout : « Dès le premier jour, nous avons mis en place un système d’appel téléphonique des personnes âgées et isolées, organisé un système de visioconférence pour les familles des résidents de l’Ehpad, offert des fleurs aux soignants… »
Un stock de masques datant de 2004 et de l’épidémie du H1N1 a été retrouvé et fourni à l’hôpital de la commune, « mais aussi aux aides à domiciles et aux caissières du supermarché, qui ont été souvent oubliées par les autorités ! »
« Petite ville du futur »
Lormes est une petite commune, mais étant un ancien chef-lieu de canton dans ce département très peu dense qu’est la Nièvre, elle est dotée de tous les équipements : écoles, collège, gendarmerie, bureau de poste, bibliothèque, hôpital, Ehpad, et de nombreux commerces dont 24 ont ouvert au cours du dernier mandat, grâce à une politique de revitalisation engagée depuis des années et concrétisée par le programme « Villages du futur », lancé par le Pays Nivernais-Morvan. C’est aussi parce qu’elle est une « petite ville du futur » que la mobilisation de Lormes a été aussi efficace, explique le maire : « Notre fablab (1) communal s’est associé aux quatre autres que compte le département pour produire des visières en plastique pour les caissières ou les aides à domicile, et nous livrons tout le département ». À cinq, ils en produisent 200 par jour, mais il y a « des milliers de demandes », et, si le stock de masques suffit encore pour l’instant, il sera bientôt épuisé, et le maire appelle l’État à ne pas oublier les communes rurales…
La dernière réalisation dont il est le plus fier est un « drive » qui rassemble pour l’instant six commerçants et deux producteurs locaux et qui permet à la population de continuer à s’alimenter, tout en soutenant le tissu économique.
« On voulait le faire depuis six ans, sans trouver le temps, et là, on l’a monté en une semaine ! », se félicite Fabien Bazin. En trois jours depuis son ouverture, lundi, il y a déjà eu « 25 commandes pour 1 000 euros de chiffre d’affaires, et les producteurs du coin réfléchissent à venir aussi », explique-t-il. Une secrétaire municipale s’occupe de prendre les commandes au téléphone pour ceux qui n’ont pas ou ne savent pas se servir d’Internet ; un système de livraison est mis en place pour les habitants qui ne peuvent ou veulent pas sortir, assuré par les agents municipaux et des bénévoles, rassemblés sur la plateforme en ligne « Faire compagnie », une autre création de la commune.
Le véritable problème, pour le maire, c’est que ce dynamisme, cette solidarité, ces actions innovantes, le gouvernement ne veut pas les prendre en compte, et les communes rurales sont une fois de plus les laissées pour compte de la mobilisation nationale. « C’est un combat permanent avec l’État qui dure depuis des années, et se reflète dans la crise du covid-19 : il n’a toujours pas compris les richesses de la ruralité et des systèmes d’entraide qui y existent. L’échelon régional, avec les ARS, est certainement très pertinent, mais on a besoin d’être reconnus pour notre capacité à régler beaucoup de problèmes à un échelon très local ! », revendique le maire.
Pour Fabien Bazin, le gouvernement doit permettre les assouplissements nécessaires à la bonne marche de ce génie rural : il a signé une tribune dans laquelle il appelle à « assimiler les aides à domicile et les employés municipaux comme les conseillers municipaux au personnel soignant afin de bénéficier de livraison régulière et suffisante de masques et de gel hydroalcoolique », ainsi qu’une « attestation simplifiée de circulation » pour les soignants ; ou encore de permettre aux bénévoles volontaires de renforcer, dans les maisons de retraite et les hôpitaux, les personnels qui ne sont pas en contact avec les patients, comme dans les cuisines ou les buanderies.
E.G.E.
(1) Atelier de fabrication participatif et ouvert au public.
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