Marchés, masques, couvre-feux... : ces difficultés concrètes auxquelles doivent faire face les élus locaux
La formule revient sans cesse : « Ne pas lancer de polémique ». Ne pas non plus « se poser en donneur de leçons » face aux décisions d’urgence prises par le gouvernement dans une situation de crise exceptionnelle. Il n’empêche. Les maires, qui, pour certains, avaient décidé de rendre définitivement leur tablier en cette fin de mois de mars, doivent faire face à une situation inédite sur le terrain tout en composant avec des règles qui ne cessent d’évoluer au gré des arbitrages pris à l’échelon national.
La fermeture des marchés, la pénurie de matériel de protection pour les agents, l’encadrement des couvre-feu, les questions budgétaires… Autant d’interrogations et de difficultés qui s’égrainent sur l’ensemble du territoire depuis une quinzaine de jours, et qui ont notamment pu remonter à l'occasion d'échanges à distance organisés cette semaine entre les présidents d'associations départementales de maires et le président de l'AMF, François Baroin. Maire info a interrogé certains d'entre eux.
Fermeture des marchés : de la « grave inquiétude » aux « marchés drive »
Si l’annonce faite, lundi dernier, par Edouard Philippe d’interdire les marchés couverts et de plein air était redoutée, elle continue de préoccuper singulièrement. Cette décision du Premier ministre, qui a fait officiellement entrer le pays en état d’urgence sanitaire pour au moins deux mois (lire Maire info du mardi 24 mars), a provoqué de « graves inquiétudes », constate la maire de La Méaugon, Armelle Bothorel, également présidente de l’Association des maires et présidents d’EPCI des Côtes-d’Armor.
Une inquiétude, d’abord, pour les « petits producteurs » car « il y a une concurrence déloyale avec les grandes enseignes ». « A Plougastel, ils croulent sous la production de fraises, il y a aussi des fromages, des yaourts… », assure-t-elle, réclamant aux préfets d’autoriser l’ouverture des marchés « lorsque les maires garantissent des mesures de sécurité sanitaire permettant d’accompagner nos productions locales de qualité. Comme c’était déjà le cas au marché de Saint-Brieuc, par exemple, où les producteurs avaient fait l’effort de mettre en place des distances entre les gens et où les clients ne tripotaient plus les fruits ».
Face aux diverses interprétations des préfets concernant ces possibles dérogations, Edouard Philippe a d’ailleurs été dans ce sens, mercredi, en précisant devant les sénateurs que « l'objectif est que, dans les communes rurales et dans les quartiers des grandes villes où le marché est indispensable et peut être organisé dans de bonnes conditions, celui-ci puisse se tenir ».
Car la crainte porte, aussi, sur l’approvisionnement de la population. « C’est un souci, surtout pour les communes rurales où il n’est pas facile, pour certaines personnes, de faire des courses autrement », explique Daniel Fargeot, président de l'Union des maires du Val-d'Oise et maire d’Andilly.
A Châtel, en Haute-Savoie, l’édile, Nicolas Rubin, a pris les devants face aux inquiétudes qui pointaient et mis en oeuvre une solution pratique encadrée par la police municipale : le « marché drive ». « On a testé cela mercredi et c’est très satisfaisant : les gens commandent par téléphone, ils se rendent en voiture sur la place du village, les producteurs effectuent la livraison dans le coffre et il y a juste de la proximité lors du paiement. Mais tout le monde est content ».
Masques, gants et gels : une pénurie qui va « très rapidement poser problème »
Autre sujet qui fait la Une de tous les JT : le manque de matériel de protection. Que ce soit les masques, les gants, les gels ou encore les surblouses ou les charlottes, ces équipements de base font défaut, pas seulement dans les hôpitaux, mais aussi dans beaucoup de collectivités. Dans le Val-d’Oise, « sur les dotations en matériels de types masques, gants et gels, j’ai des remontées d’agglomérations qui se trouvent dépourvues d’équipements pour leurs agents et qui vont très rapidement poser problème », insiste Daniel Fargeot qui observe, toutefois, que d’autres collectivités ne doivent pas encore faire face à ces difficultés.
« On nous dit d’aller regarder dans nos locaux techniques, pour récupérer les masques “Bachelot”, mais il y a bien une tension sur les masques », reconnaît le maire Crécy-sur-Serre, Pierre-Jean Verzelen. Lui souhaite que « les pouvoirs publics donnent, dans la mesure du possible, plus de visibilité sur ce matériel ».
Couvre-feu et sécurité
La question de l’instauration des couvre-feux (lire article ci-dessus) a, de son côté, été souvent mal interprétée et pose encore beaucoup de questions. « Il y a eu de la friture sur la ligne, remarque le président de l’Union des maires de l’Aisne. Beaucoup n’avait pas compris que ce sont les préfets qui décident de l’instaurer et pas les maires directement ». Hier, aucune commune du département n’était encore concernée par ce dispositif mais une dizaine d’entre elles avaient adopté des arrêtés allant dans ce sens et attendaient la décision du représentant de l’Etat.
Daniel Fargeot rappelle, de son côté, qu’il « faut des moyens humains pour répondre à ce type de dispositifs, qui ne sont pas évidents à rassembler ». Face aux problèmes de sécurité et de non-respect du confinement qui ont pu être observés dans certaines communes, des décisions très locales ont parfois été prise par la préfecture, comme « l’interdiction des balades en montagne ».
Conséquences financières
Des interrogations plus techniques se font également jour sur l'utilisation des budgets, les règles de marchés publics et d’urbanisme. « Mais ce n’est pas un point de crispation. Nous savons que tout ne peut pas être réglé en trois jours », insiste Pierre-Jean Verzelen. Les conséquences financières commencent, cependant, à préoccuper : « C’est compliqué car les agents sont aussi concernés par les arrêts maladie, le confinement ou la garde des enfants. C'est une difficulté à gérer car on n’a évidemment pas le droit au chômage partiel et c’est inscrit dans nos budgets », souligne Daniel Fargeot qui estime, toutefois, qu’il n’y a pas « trop de soucis » : « On est tous en veille, on est mis au ralenti comme les entreprises ». Il souhaiterait, toutefois, que « l’Etat prenne sa part » sur la garde des enfants des pompiers et des policiers nationaux : « Ils doivent pouvoir bénéficier de l’accueil des enfants tout comme le personnel médical ». Car si les communes en prennent la charge, c’est « avec des agents et des locaux communaux… »
Les élus locaux demandent, par ailleurs, que des éclaircissements soient fournis aux chefs d’entreprises, et notamment ceux des travaux publics, qui posent énormément de questions aux édiles en ce qui concerne la « prise en charge » et « s’ils doivent aller travailler ou non ».
Ci et là, des soucis de cohabitation entre maires sortants et entrants ont également été observés rendant la « situation plus compliquée ».
Dans ce contexte inédit, le maire devient un maillon essentiel à la gestion de crise, se réjouit Pierre-Jean Verzelen : « Le maire c’est le couteau suisse, il est tout terrain. Cette crise le remet au centre du village. Tout passe par lui. »
A.W.
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