L'Assemblée nationale valide la prolongation de l'état d'urgence jusqu'au 1er juin
Toutes les oppositions, de gauche comme de droite, ont voté contre ce texte, après des débats particulièrement vifs, accusant le gouvernement de « museler la démocratie » et de ne tenir compte de l’avis ni des parlementaires ni des élus locaux.
Profondes divergences sur le rôle des élus
Le texte prévoit une prolongation directe de l’état d’urgence sanitaire (EUS), qui doit s’arrêter le 16 février, au 1er juin. De nombreux députés ont proposé des amendements pour demander une date moins éloignée, en avril par exemple, afin de ne pas prolonger une situation où le gouvernement « a les pleins pouvoirs » en matière de gestion de l’épidémie. Comme aucune clause de revoyure n’est prévue avant le 1er juin, cette prolongation « prive en quelque sorte le Parlement de sa capacité à légiférer, donc du pouvoir législatif que les citoyens nous ont confié », a déclaré par exemple Ian Boucard (LR, Territoire de Belfort). Plusieurs députés se sont exprimés sur le fait qu’ils ne contestaient pas la nécessité de prendre des mesures strictes pour lutter contre l’épidémie, mais le fait que ces mesures « ne fassent l’objet d’aucune discussion » au Parlement, comme l’a souligné François Ruffin (LFI, Somme). Couvre-feu, ouverture ou fermeture des commerces, des stations de montagne, des lieux culturels – toutes ces décisions sont prises par le gouvernement et éventuellement les préfets, sur avis du Conseil scientifique et du Conseil de défense, mais sans discussion parlementaire en effet. C’est ce point qui a été au centre des débats, hier.
Les députés de l’opposition ont également vivement critiqué le gouvernement sur son « manque de concertation » avec les élus locaux, ou sur les « fausses concertations ». « Passons sur la vaste entourloupe de la concertation des élus locaux, organisée à la va-vite par le gouvernement, a par exemple déclaré Ian Boucard. Dans mon département du Territoire de Belfort, tous les élus interrogés y étaient opposés ; le couvre-feu est tout de même entré en vigueur le 2 janvier. »
Troisième motif de discorde entre la majorité et l’opposition : l’absence de différenciation entre les territoires. Beaucoup de députés ont souligné que dans leur département, voire dans certaines communes de leur département, le virus circule peu, et que des mesures telles que le couvre-feu à 18 heures ne s’imposent pas. D’autres ont demandé que, comme le demandent des élus locaux, des mesures spécifiques soient prises territoire par territoire. Exemple parlant donné par Stéphane Peu (PCF, Seine-Saint-Denis) : « Dans un département comme le mien, où la densité d’occupation des logements est beaucoup plus élevée qu’ailleurs, il aurait été possible d’isoler les personnes testées positives dans des hôtels. Les hôteliers avaient donné leur accord. Pourtant, jamais une personne testée positive dans mon département ne s’est vu proposer de s’isoler dans un hôtel. (…) À toutes les personnes concernées, on disait de rentrer chez elles et de s’isoler pendant sept jours. Mais parfois, chez elles, c’était un F2 où vivaient six personnes et où elles contaminaient le reste de la famille. Voilà un exemple parmi d’autres de la façon dont la prise en considération de certaines particularités locales aurait sans doute permis une plus grande efficacité. »
Le gouvernement, représenté par le ministre de la Santé Olivier Véran, est resté insensible à ces arguments, et la majorité a rejeté tous les amendements proposés par l’opposition. « Je comprends la lassitude et le souhait de sortir de la crise, a déclaré le ministre, mais aujourd’hui nous ne pouvons nous priver d’aucun outil pour combattre le virus. Si les jours meilleurs sont pour bientôt, nous devons pour quelque temps encore mener le gigantesque effort collectif entamé il y a presque un an. »
Pas de régime transitoire
Le seul point sur lequel le gouvernement a reculé est celui du régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire, similaire à celui qui a été en vigueur entre le 10 juillet dernier et le 30 octobre. Initialement, le gouvernement avait prévu de faire courir celui-ci entre la fin de l’état d’urgence (1er juin) et le 31 décembre. Le Conseil d’État l’a refusé, ramenant cette date au 31 septembre. Mais en commission des lois, les députés n’ont pas accepté cette date, et l’article 3, qui concernait le régime de sortie de l’état d’urgence, a été supprimé. Le rapporteur du texte, Jean-Pierre Pont (LaREM, Pas-de-Calais), s’en est expliqué hier : « La commission des lois a estimé que le futur régime de sortie de ce second état d’urgence sanitaire devra, comme en juillet dernier, être déterminé le moment venu par le Parlement, en fonction de l’évolution de la situation sanitaire et des adaptations qu’elle exigera ». Le gouvernement devra donc, avant le 1er juin, faire adopter un texte de loi spécifique pour organiser la sortie de l’état d’urgence, comme il l’a fait l’an dernier.
Le texte adopté hier – beaucoup plus vite que prévu, puisque la discussion était censée durer jusqu’à demain – va être débattu au Sénat mercredi 27 janvier, avec l’obligation d’une adoption définitive avant le 16 février.
Pendant ce temps, sur le front de l’épidémie, la situation ne prête guère à l’optimisme. En France, ce sont encore presque 27 000 cas qui ont été détectés ces dernières 24 h, et ce chiffre est en augmentation. 316 personnes sont décédées hier du covid-19. Mais c’est outre-Manche et Outre-Atlantique que les chiffres sont les plus effrayants : les États-Unis ont passé hier la barre des 400 000 morts – soit plus que le nombre d’Américains tués pendant toute la Seconde Guerre mondiale. En Grande-Bretagne, où le nouveau variant du Covid-19 fait des ravages, la seule journée d’hier a compté 1 820 morts, un chiffre jamais vu jusqu’à présent et qualifié « d’effroyable » par les Premier ministre britannique, Boris Johnson, qui a néanmoins déclaré : « Et cela va continuer ».
Franck Lemarc
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L'état d'urgence sanitaire va être prolongé jusqu'au 1er juin (14/01/2021)