Frédéric Valletoux : « L'Etat doit rompre avec une gestion sanitaire hypercentralisée et bureaucratisée »Â
Frédéric Valletoux est maire de Fontainebleau (14 900 habitants, Seine-et-Marne) depuis 2005, conseiller régional d'Île-de-France et président de la Fédération hospitalière de France (FHF). Depuis 2017, il est également maire référent de l'AMF sur les relations ville-hôpital.
Quel peut-être le rôle des maires dans la campagne de vaccination qui s’engage contre le Covid-19?
La première période de vaccination concernera les publics prioritaires -professionnels de santé, résidents des EHPAD…- c’est-à-dire moins d’un million de vaccins qui passeront par des réseaux de distribution classique du médicament via des plateformes hospitalières pour les EHPAD et hôpitaux, et via les répartiteurs habituels pour la médecine de ville. C’est surtout la deuxième phase qui sera déterminante et dans laquelle les maires auront un rôle important en terme d’organisation et de logistique : celle-ci consistera, en avril-mai, à vacciner environ 40 millions de Français. L’Etat devra s’appuyer sur les collectivités pour remplir cet objectif énorme.
Etes-vous informé à ce stade du déroulement des opérations ?
Pour l’instant et pour la phase une, nous n’avons aucune information de la part du gouvernement ou des autorités sanitaires sur l’approvisionnement en vaccins, les personnes habilitées à vacciner et les lieux de vaccination. Les hôpitaux ne savent pas le nombre de doses qu’ils recevront, les EHPAD non plus. Il est urgent que l’Etat précise aussi le profil des personnes qui devront être prioritairement vaccinées et sa stratégie de déploiement du dispositif de vaccination. Les élus locaux sont bien évidemment disponibles.
Parallèlement, le ministère de la Santé doit informer précisément les Français sur le « bénéfice-risque » des différents vaccins. Nous avons le droit de savoir ce que l’on va nous injecter ! La décision de se faire vacciner, qui permettra d’endiguer l’épidémie, repose sur la confiance et donc sur la transparence et le partage des données scientifiques.
Au-delà de la vaccination, comment selon vous éviter une 3e vague de contamination ?
Il faut être très prudent sur le déconfinement. Si nous avions été prudents l’été dernier, nous aurions pu éviter un deuxième confinement. En cette fin d’année, le déconfinement doit s’accompagner de mesures de restrictions fortes et respectées par tous. Les fêtes de fin d’année ne doivent pas se traduire par une débandade générale ! Il ne faut aucunement baisser la garde. Et, si la situation sanitaire demeure incertaine et ne présente pas de nette amélioration, l’Etat ne doit pas hésiter à prolonger le confinement. Le gouvernement doit aussi accompagner le déconfinement d’une campagne massive de dépistage, bien structurée, tracer les cas contacts et, cette fois, favoriser les conditions d’un véritable isolement des personnes malades, en mobilisant par exemple les professionnels de l’hôtellerie. Tester, tracer, isoler, il faut impérativement réussir sinon nous affronterons une troisième vague !
L’Etat a vanté le couple maire-préfet dans la gestion de la crise sanitaire. Quelle est la situation dans votre commune ?
Le couple maire-préfet fonctionne plutôt bien, nous nous concertons souvent. Je pense que les mésententes sont très liées à la personnalité du préfet. Avec l’ARS, la situation s’améliore par rapport au printemps dernier car à l’époque, l’Agence ne nous parlait pas et ne nous transmettait aucune information sur les données statistiques. Nous allons lancer ensemble une campagne massive de dépistage en décembre et en janvier.
La gestion de la crise sanitaire démontre le rôle clé des maires. L’Etat doit-il réorganiser la gouvernance sanitaire pour les associer davantage ?
Oui et c’est urgent ! Bien avant la crise, l’AMF et la FHF ont souligné que le maire est la seule personne légitime capable de rassembler l’ensemble des acteurs publics, privés et associatifs de la santé autour d’un projet territorial. C’est en partant des territoires que l’on apportera une réponse sanitaire adaptée aux besoins et que nous moderniserons l’organisation de notre système de santé. La proximité, la réactivité, l’adaptation, l’inventivité, ce sont les maires qui les incarnent, la crise sanitaire le démontre tous les jours. Il faut déconcentrer le système. L’Etat doit rompre avec une gestion sanitaire hypercentralisée et bureaucratisée.
Le Ségur de la santé répond-t-il à cet enjeu ?
Clairement non. Pourtant, la territorialisation du système de santé était un des quatre objectifs fixés par le chef de l’Etat au Ségur. Depuis, il ne s’est pas passé grand-chose sur le sujet. Le Ségur a permis des avancées sur les rémunérations et l’attractivité des carrières, mais rien sur la simplification de la gouvernance ni sur la territorialisation du système de santé. Tout reste à faire. Une proposition de loi en cours d’examen vise avant tout à réorganiser la gouvernance hospitalière. C’est insuffisant car c’est la gouvernance du système de santé qui pose question aujourd’hui. Demain, l’hôpital doit sortir de ses murs, être davantage tourné vers la médecine de ville et l’ensemble des acteurs doivent travailler ensemble. Nous maintenons la pression sur le gouvernement pour que ce chantier aboutisse.
Propos recueillis par Xavier Brivet.
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