Egalim et cantines : une commune sur cinq respecte déjà les quotas, la moitié reste dans le flou
Des communes soucieuses d’offrir aux citoyens en croissance une alimentation de qualité, accessible à tous : c’est le portrait que dresse la première grande enquête de l’AMF sur la restauration scolaire, qui dévoile notamment que, malgré les difficultés, les communes gestionnaires se sont mises en ordre de bataille pour atteindre, en 2022, le quota de 50 % de produits durables et de qualité dans les menus, incluant 20 % de produits bio. Ainsi, un tiers d’entre elles sont déjà au niveau de 20 % de produits bio, et 43 % affichent un taux de produits durables compris entre 25 et 50 %.
36 % des collectivités pensent être prêtes d’ici 2022
« Globalement, les résultats sont assez encourageants, ils montrent bien qu’il y a un vrai effort de la part des communes, et que les élus attachent une forte importance à ce temps qui devient essentiel pour les familles », décrypte pour Maire info Virginie Lanlo, adjointe au maire de Meudon à l’éducation et co-présidente du groupe de travail sur la restauration scolaire à l’AMF.
En effet, bien que ce service soit facultatif, les deux tiers des plus de 3 000 collectivités ayant répondu au questionnaire accueillent au minimum les trois-quarts des élèves scolarisés (31 % en accueillent plus de 90%). Et malgré l’accumulation de normes et de mesures, elles ont largement pris le virage de la loi Égalim.
Si seulement 36 % pensent être en mesure, d’ici 2022, d’offrir, en valeur d’achat, 20 % de produits bio et 50 % de produits durables et de qualité (produits locaux, labels, mentions valorisantes…), elles sont déjà une sur cinq (19%) à avoir déjà atteint ces quotas. 43 % sont bien avancées dans le processus puisqu’elles proposent entre 25 et 50 % de produits durables.
Les communes qui sont bien avancées ne doivent pas, pour autant, cacher les difficultés des 3 % qui pensent ne pas pouvoir y arriver d’ici deux ans, et de la moitié… qui n’est pas encore en mesure de répondre à la question. Ce qui est certain, c’est que presque toutes (82%) ont connu des difficultés dans le processus.
Il y a notamment la question financière : près des trois-quarts des répondantes ont enregistré un surcoût dû à l’achat de produits de qualité - de 10 à 20 % pour 55 % d’entre elles et au-delà de 20 % pour 31 %. Celles qui n’ont pas noté d’impact financier ont mis en place des actions spécifiques pour absorber le surcoût : lutte contre le gaspillage alimentaire (29 %), réorientation de la politique d’achat vers des produits locaux (22 %), introduction du menu végétarien (16%) ou formation du personnel (11 %).
Mais ce n’est pas la seule difficulté, loin de là. C’est dans les petites communes (moins de 2 000 habitants) que l’inquiétude est la plus palpable : seules 31 % des répondantes estiment pouvoir atteindre le double quota en 2022, contre 73 % des communes de plus de 30 000 habitants.
Hormis le coût et le manque de formation du personnel, les principales difficultés, pour celles-ci, ont trait à la logistique (organisation des livraisons, contraintes sanitaires liées à l’achat de produits bruts…) et au manque d’information sur l’offre locale en produits de qualité.
À partir de 30 000 habitants, le problème consiste surtout à trouver des producteurs qui soient non seulement capables de fournir les quantités demandées, mais encore de franchir la barrière administrative des marchés publics et des cahiers des charges, qui sont une étape obligée pour les structures publiques.
Enfin, et surtout, une commune sur cinq n’est pas en capacité, à l’heure actuelle, d’évaluer précisément la part de produits bio et de qualité dans ses menus ; car cela suppose un énorme travail administratif, notamment en partenariat avec les fournisseurs, que beaucoup de petites communes, en sous-effectif, n’ont pas le temps de mener ; en outre, les communes qui ne gèrent pas directement leur cantine et passent par un délégataire soulignent le manque d’informations et de traçabilité sur leurs menus.
Il y a aussi la lutte contre le gaspillage alimentaire : le diagnostic requis depuis le 22 octobre 2020 est établi dans 22 % des collectivités, en cours dans 35 %, tandis que 43 % n’ont pas encore entamé la démarche. « Il faut dire que les contraintes de réglementation ne nous permettent pas de faire n’importe quoi », précise Virginie Lanlo : « Nous devons respecter la chaîne du froid, et il n’y a pas suffisamment d’associations d’aide alimentaire capables de récupérer nos aliments. »
Les trois quarts des collectivités ne souhaitent pas un menu végétarien hebdomadaire obligatoire
Par ailleurs, l’enquête révèle que 54 % des collectivités ont déjà banni les contenants alimentaires en plastique, dont est prévue l’interdiction progressive (2025 ou 2028 selon la taille des communes). Parmi les 46 % des collectivités en faisant usage, 16% signalent un retrait en cours et 6 % un retrait à l’étude.
L’une des mesures les plus médiatisées d’Égalim concerne sans aucun doute l’expérimentation obligatoire du repas végétarien. Elles sont une écrasante majorité (89 %) à l’avoir mise en place, mais là encore, au prix de nombreuses difficultés (augmentation du gaspillage alimentaire, difficulté à composer et varier les menus, manque de formation du personnel…) ; les trois quarts ne souhaitent d’ailleurs pas que la mesure devienne une obligation au-delà des deux ans de cette expérimentation obligatoire, préférant des recommandations.
Certaines mesures sont passées complètement inaperçues, comme le plan de diversification des protéines, pour les communes servant plus de 200 repas par jour. 56 % de l'ensemble des communes répondantes disent ne pas en être informées, et 27 % l’ont mis en place ou prévoient de le faire.
De manière générale, l’enquête souligne à quel point l’accompagnement des communes pour ces évolutions obligatoires d’un service public qui connaît des formes d’organisation très diverses revêt une importance majeure. Si beaucoup de cantines sont gérées directement, en régie (58 % d'après l'enquête), ce qui rend la maîtrise des coûts et la traçabilité plus simples, un nombre non négligeable a opté pour la délégation à un prestataire extérieur (30 % à part entière), le plus souvent une des grandes sociétés de restauration comme Compass ou Sodexo, mais cela peut être aussi une association, une autre commune, un Ehpad, un hôpital, parfois même, dans certaines petites communes, un restaurant privé… Ce qui rend souvent les évolutions, demandées notamment par la loi Égalim, impossibles à réaliser dans des délais si courts, et sans soutien suffisant de l’État.
L’enquête apporte foule d’autres informations intéressantes sur la tarification et le taux de fréquentation des services de restauration scolaire mais aussi sur le coût moyen d'un repas. Hors participation des familles, celui-ci s’élève à 7,63 euros et ses composantes les plus importantes concernent les charges de personnel (3,46 euros) et l’achat des denrées alimentaires (2,78 euros). « Compte tenu des rares aides financières extérieures et de la part limitée des participations demandées aux familles, le reste à charge pour la collectivité demeure conséquent : au-dessus de 50 % pour 69 % des collectivités. » L'enquête fait également état de l’inquiétude des élus face à la complexification croissante de la gestion de ce service public facultatif au regard de l’augmentation des normes et des pressions notamment des familles, susceptible d’impacter la liberté du choix du mode de gestion à l’avenir.
E.G.E.
Télécharger l’enquête de l’AMF sur la restauration scolaire.
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