Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 23 avril 2020
Coronavirus

Fibre et 4G : l'Arcep « n'acceptera pas n'importe quel retard de déploiement au prétexte de la crise »

Pour les opérateurs impliqués dans le déploiement de la fibre optique (Plan France très haut débit) et de la 4G (New Deal mobile), les premières échéances approchent et la crise sanitaire et économique du moment ne saurait les remettre mécaniquement en cause. « Le monde n’a pas commencé au mois de mars. Nous sommes certes un régulateur "business friendly" et nous ne voulons pas nous transformer en garde-chiourme, mais nous ne voulons pas être naïfs par rapport aux arguments qui pourront nous être apportés. Nous n’accepterons pas n’importe quel retard au prétexte de la crise », a prévenu hier Sébastien Soriano. Le président de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) était auditionné par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire du Sénat.
Ainsi, comme prévu, la première vague de 485 sites, établie en juillet 2018, doit donc être équipée en 4G et opérationnelle avant la fin du mois de juin 2020. « Ce sont des poteaux qu’il fallait construire depuis presque deux ans sur des zones qui étaient identifiées pour beaucoup dans le cadre de programmes préexistants - programmes zones blanches - et pour lesquelles nous avons averti très tôt les opérateurs sur le fait que nous serions extrêmement attentifs au respect de cette première échéance », a rappelé le président du régulateur, qui, par conséquent, « ne part pas avec l’a priori que le premier arrêté du 27 juin (2018) fera l’objet d’une mansuétude de la part du régulateur dans son appréciation ».
Dès lors, en cas de non-respect de cet engagement par les opérateurs, des sanctions pourraient s’appliquer. Mi-mars, se souvient Ariel Turpin, délégué général de l’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel (Avicca), « une proportion non négligeable de pylônes ne pouvaient matériellement pas, hors crise du covid-19, être construits pour la fin juin ».

Pas de délai supplémentaire pour les 485 zones blanches
Faudrait-il alors « reporter »  les échéances des programmes de déploiement, sur le fixe comme sur le mobile, de plus ou moins trois mois compte tenu de « l’activité dégradée »  (production en baisse de 30 % à 40 % depuis le début de la mi-mars), comme le propose le sénateur de l'Ain et président de l'Avicca, Patrick Chaize. « Je ne pars pas du principe que nous donnerons trois mois ou six mois de plus aux opérateurs pour le respect du New Deal », a clairement tranché Sébastien Soriano. Dans d’autres cas, en revanche, il faudra étudier les demandes de report des échéances formulées par les opérateurs au cas par cas et « ne pas accepter n’importe quel retard justifié par la crise ».
« Cela nous conforterait »  d’avoir une date et « une règle qui s’impose à tous »  afin « d’éviter le marchandage de tapis », explique à Maire info, ce matin, Ariel Turpin, le délégué général de l’association, qui « ne se roulera pas par terre »  si l’échéance de décembre 2020 en zone Amii - c’est-à-dire le raccordement d’au moins 92 % de locaux, le complément devant être « raccordable à la demande »  - était reportée à février ou mars 2021. 

3 millions de locaux supplémentaires à rendre raccordables
L’Avicca se montrerait, en revanche, beaucoup moins compréhensive si les opérateurs découvraient subitement les 1,82 million de locaux à raccorder (zone Amii), non comptabilisés jusqu’à présent dans les statistiques Arcep. Sur son site internet, l’association explique, en effet, que « dans la mise à jour du 10 avril de son Observatoire du haut et très haut débit, l'Arcep a publié pour 9 036 communes les données des fichiers IPE (Informations préalables enrichies), en indiquant désormais le nombre de locaux à raccorder à l'échelle de la commune, logements et établissements confondus ». Ainsi, selon les calculs de l’Avicca et de l'Arcep, entre 2,821 et un peu plus de 3 millions de locaux supplémentaires au total, parmi lesquels les 1,82 million en zone Amii, seraient donc à rendre raccordables en plus du reste. Des chiffres « plus conformes à la réalité ».
Conséquence, selon l'association : le taux d'avancement des déploiements en zone Amii reculerait de 65 % à 57 %. « Ce n’est pas une surprise : le nombre de locaux à rendre raccordables est sous-estimé, nous le répétons depuis le début. Les opérateurs ne devront pas pouvoir s’en servir pour justifier des retards », prévient Ariel Turpin. En 2019, pour rappel, 4,9 millions de lignes optiques avaient été déployées, un record. 

Des enchères 5G repoussées et une nouvelle plateforme en ligne
En bref, parmi les autres sujets abordés lors de cette audition, Sébastien Soriano a déclaré que la procédure des enchères 5G pour les fréquences de la bande 3,5 GHz, qui devait se tenir en avril, serait repoussée, soit fin juillet soit en septembre. Il a souligné, par ailleurs, de concert avec les sénateurs, Hervé Maurey et Patrick Chaize, « la nécessité d’un effort financier des opérateurs, peu impactés par la crise actuelle, en direction des entreprises de rang inférieur. La reprise pourrait également être facilitée par la reconnaissance du statut de « secteur essentiel »  aux réseaux numériques ». 
Ils ont enfin évoqué ensemble la mise en place, par l'Agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT), d'une plateforme en ligne « pour faciliter la poursuite des travaux de maintenance des réseaux de communication électronique et la reprise progressive des nouveaux déploiements, notamment en zone rurale » : elle « permettra aux opérateurs de télécommunication et aux industriels intervenant sur le déploiement des réseaux de fibre optique et de téléphonie mobile d’échanger avec les collectivités sur les difficultés rencontrées dans les travaux de déploiement, pour faciliter ainsi la poursuite des chantiers », indique le gouvernement. La réciproque n’est, en revanche, pas possible, a regretté Patrick Chaize. La plate-forme est accessible depuis le 19 avril ici.

Ludovic Galtier

Accéder à la vidéo de l'audition.

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