Covid-19 : l'ARS ÃŽle-de-France pointe une surmortalité « violente » dans les milieux les plus pauvres
Dans une interview donnée à France Bleu Paris en début de semaine, le directeur de la santé publique de l’ARS Île-de-France se dit lui-même « surpris » de l’ampleur des écarts de la mortalité liée à l’épidémie selon les couches sociales.
On le sait depuis le printemps, mais au fur et à mesure que les études s’affinent, le constat est de plus en plus clair : les personnes en situation de pauvreté meurent davantage du covid-19 que les autres. À l’échelle internationale, de premières études l’avaient clairement mis en lumière aux États-Unis, dès le mois de mai. Les mêmes données apparaissent en France, à un point tel que Luc Ginot, directeur de la santé publique à l’ARS Île-de-France, parlait lundi d’une « claque dans la figure ».
En Île-de-France, les inégalités sociales sont très marquées entre des territoires particulièrement riches et d’autres particulièrement pauvres. On sait depuis le printemps que la Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de la région – et du pays – est celui qui a payé le plus lourd tribut à l’épidémie, mais Luc Ginot a révélé qu’au sein même du département, ce sont bien les intercommunalités les plus pauvres (Plaine Commune et Est-ensemble) qui ont connu les taux de mortalité les plus élevés. Même constat dans les autres départements : « L’est du Val-d’Oise, autour de Sarcelles », certains secteurs du Val-de-Marne (Valenton) ou de l’Essonne (Grigny) ont des taux de surmortalité marqués. Le responsable se dit « surpris de l’ampleur des écarts et la violence avec laquelle ils sont apparus. Ils sont bien plus importants de ce que l’on aurait pu attendre au regard du profil de l’épidémie ».
Phénomène « contre-intuitif »
« On avait senti ce phénomène dès le printemps, explique Luc Ginot, et on a souhaité que l’Observatoire de la santé engage immédiatement des études plus poussées » pour comprendre à la fois l’ampleur et les causes du phénomène. En effet, cette surmortalité est a priori « contre-intuitive » : on sait en effet que le covid-19 frappe mortellement essentiellement des patients âgés ; or ces communes sont parmi les plus jeunes de la région.
Les raisons s’expliquent, selon Luc Ginot, par « plusieurs grands mécanismes ». D’une part, ce sont sur ces territoires qu’habitent « les travailleurs les plus exposés, ce que l’on appelle les travailleurs clés, qui sont restés au contact du public pendant le confinement » : personnels de ménage, ouvriers, caissières, etc. Deuxièmement, il s’agit de territoires « dans lesquels les conditions d’habitat sont plus dégradées qu’ailleurs, avec une surpopulation plus importante qu’ailleurs » : la Seine-Saint-Denis, par exemple, est le département français où l’on trouve le plus de foyers dans lesquels les habitants ont plus d’une personne par pièce. « Cela contribue évidemment à la diffusion du virus à l’intérieur de la famille. » Enfin, « on sait que les personnes les plus pauvres ont plus de comorbidités, comme le diabète ou l’hypertension. Les habitants ont donc été plus impactés par le virus mais la gravité de la maladie a été plus importante chez eux. D’où un taux de mortalité plus important. »
Prévention
Comment éviter que la deuxième vague ait les mêmes conséquences ? « L’ARS y travaille d’arrache-pied », assure Luc Ginot, via des actions de prévention « plus importantes et plus ciblées ». « Nous travaillons de beaucoup plus près avec les associations de quartier, les syndicats, les organisations de locataires, pour augmenter l’ampleur de l’alliance avec les acteurs de terrain ».
Ce jeudi, le rapport annuel du Secours catholique va être publié. Il prévoit qu’en 2020, la France va passer la barre des 10 millions de pauvres, soit un Français sur six.
F.L.
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