Le gouvernement rétablit (et élargit) la liste des pathologies ouvrant droit aux ASA
Il a fallu du temps, mais c’est fait ! Répondant à la demande pressante des employeurs comme des syndicats, le gouvernement a publié hier un décret rétablissant la liste des pathologies ouvrant droit à l’activité partielle ou aux ASA dans la fonction publique. Et l’élargit même légèrement.
C’est un long feuilleton qui s’achève aujourd’hui, avec l’entrée en vigueur du décret du 10 novembre publié au Journal officiel d’hier. Rappel des épisodes précédents : le 6 mai dernier, le gouvernement publiait une liste de 11 pathologies ou situations dans lesquelles un salarié est considéré « vulnérable » au covid-19 et ouvrant droit au chômage partiel. Sans qu’aucun texte réglementaire le précise, il a été admis que ces critères s’appliquaient de façon symétrique dans la fonction publique pour les autorisations spéciales d’absence (ASA).
Le 29 août, un nouveau décret venait remplacer le précédent, resserrant drastiquement cette liste – puisqu’à partir de cette date, seules 4 pathologies demeuraient, à la stupéfaction de nombreuses associations de patients. Ni les personnes obèses, ni les diabétiques, ni les femmes au troisième trimestre de grossesse ne figuraient plus dans cette liste.
Cette décision brutale n’a pas convaincu le Conseil d’État, saisi par la Ligue nationale contre l’obésité. Le 15 octobre, la plus haute juridiction administrative suspendait le décret du 29 août (lire Maire info du 16 octobre), estimant notamment que le gouvernement n’avait « pas suffisamment justifié de la cohérence des nouveaux critères choisis ».
Dès lors, le plus grand flou a régné. La suspension du décret signifiait-elle la réactivation automatique du décret du 5 mai ? Depuis la mi-octobre, les employeurs comme les syndicats ont constamment exigé des réponses, que même la remise en place du confinement n’a pas apporté.
Nouvelle liste
C’est désormais chose faite. Le décret publié hier, avec entrée en vigueur aujourd’hui, non seulement rétablit les 11 critères, mais en ajoute d’autres, en s’appuyant sur les recommandations du Haut conseil de la santé publique.
Sont donc à nouveau considérés comme « vulnérables » les salariés atteints des pathologies ou étant dans les cas suivants :
Être âgé de 65 ans ou plus ; avoir des antécédents cardiovasculaires ; avoir un diabète « non équilibré » ; présenter une pathologie respiratoire chronique ; présenter une insuffisance rénale chronique dialysée ; être atteint d’un cancer évolutif, d’obésité ; d’une immunodépression congénitale ou acquise, d’une cirrhose au stade B ; être au troisième trimestre de grossesse.
Le gouvernement a même décidé d’étendre cette liste par rapport à celle de mai, puisqu’il intègre désormais les malades atteints de pathologies cérébrales ou neurologiques (1).
Conditions plus restrictives
Autre changement par rapport au décret du 5 mai : le gouvernement a cette fois fait figurer noir sur blanc dans le nouveau décret que le fait d’être dans un de ces cas ne suffit pas pour être mis en activité partielle : plusieurs conditions cumulatives doivent être remplies. Premièrement, le salarié ne doit pas pouvoir « recourir au télétravail » ; deuxièmement, la mise en activité partielle ne se fait que si le poste ne peut pas bénéficier de « mesures de protection renforcées ». Et la liste est longue : isolement du poste de travail, respect renforcé des gestes barrières, nettoyage et désinfection renforcés du poste, adaptation des horaires d’arrivée et de départ, mise à disposition de masques de type chirurgical.
C’est donc seulement « sous réserve que les conditions de travail de l’intéressé ne répondent pas à (ces) mesures de protection renforcées » que la mise en position d’activité partielle est effectuée, à la demande du salarié et sur présentation d’un certificat médical (qui peut être le même que celui présenté en mai).
Un grand point d’interrogation
Ce texte, comme les précédents, sera logiquement considéré comme la base réglementaire s’appliquant dans la fonction publique – puisque, en matière de santé et de sécurité des salariés, les règles valables en droit privé s’appliquent en droit public. Une circulaire de la Direction générale de l’administration et de la fonction publique, parue ce matin (téléchargeable ci-dessous) le confirme.
Reste un grand point d’interrogation : ce texte ne concerne que les salariés ou agents eux-mêmes, et non leurs proches. Quid des agents qui vivent avec une personne répondant à ces critères ? Le problème est bien réel : s’il apparaît logique de permettre à une personne vulnérable de ne pas travailler et donc, de ne pas s’exposer à un risque de contamination, le risque est tout aussi grand si c’est son conjoint qui ramène le virus dans le foyer.
En regardant de près le décret, il apparaît bien que seul le sujet des salariés eux-mêmes, et non de leur conjoint, est traité. Cela ne saute pas aux yeux au premier regard : en effet, le décret s’applique à l’article 20 de la loi du 25 avril 2020, qui fixe les conditions de mise en activité partielle. Or cet article 20 concerne les salariés eux-mêmes et « les salariés qui partagent le domicile d’une personne vulnérable ». Sauf que le décret paru hier, à l’article 1, exclut clairement ce deuxième cas, puisqu’il ne concerne que « les deux premiers alinéas du I de l’article 20 » de la loi, c’est-à-dire ceux qui concernent le seul salarié.
Cette rédaction correspond à la doctrine actuelle du gouvernement, qui souhaite limiter le nombre de personnes mises en activité partielle, pour que les entreprises et les services continuent au maximum de fonctionner. Selon nos informations, le cabinet de la ministre Amélie de Montchalin a encore confirmé, mardi, le fait que les conjoints d’agents vulnérables ne seraient plus placés en activité partielle.
Autre question pressante : le gouvernement semble vouloir mettre fin à la prise en charge par l’État des indemnités journalières pour les agents publics des collectivités placés en ASA. Dans la dernière foire aux questions de la DGCL (lire Maire info du 9 novembre), il apparaît que cette prise en charge ne serait plus assurée que pour les agents de droit privé, les contractuels de droit public et les fonctionnaires travaillant moins de 28 heures par mois. Si le gouvernement en reste là, la charge reposera donc entièrement sur les finances des collectivités, contrairement à ce qui s’est passé au printemps.
Enfin, reste la question du jour de carence : employeurs territoriaux et syndicats demandent de concert que celui-ci soit supprimé pour les patients suspectés ou atteints du covid-19. Mardi, la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Amélie de Montchalin, s’est exprimée sur ce sujet et a justifié le refus du gouvernement de céder par le fait que cette décision supposerait de « rompre le secret médical ». « Il faut défendre le principe essentiel selon lequel l’employeur ne connaît pas la maladie qui justifie l’arrêt », a déclaré la ministre devant une commission parlementaire. Il existe pourtant une solution pour contourner ce problème, et elle avait été mise en œuvre lors de la première vague : suspendre le jour de carence pendant l’état d’urgence, quelle que soit la maladie. Le gouvernement n’y semble pas prêt.
Franck Lemarc
Télécharger la circulaire de la DGAFP.
(1) Maladie du motoneurone, myasthénie grave, sclérose en plaques, maladie de Parkinson, de paralysie cérébrale, quadriplégie ou hémiplégie, tumeur maligne primitive cérébrale, maladie cérébelleuse progressive ou maladie rare.
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