Confinement prolongé jusqu'au 11 mai au moins : Emmanuel Macron demande aux maires de ne pas durcir les mesures
Lors de son allocution solennelle d’hier soir, Emmanuel Macron a fixé au 11 mai la fin – éventuelle et partielle – du « confinement strict ». Et il a demandé aux maires d’éviter de « rajouter des interdits ».
Lisser la courbe
Il était déjà connu, depuis la semaine dernière, que le confinement serait prolongé au-delà du 15 avril. Restait à savoir si, comme c’est le cas depuis le début de la crise, le gouvernement allait continuer à prolonger de 15 jours en 15 jours ou pas. La réponse est venue hier : « Le confinement le plus strict doit encore se poursuivre jusqu'au lundi 11 mai. C'est, durant cette période, le seul moyen d'agir efficacement. » Le président de la République a rappelé que, même si « l’espoir renaît », les hôpitaux restent « saturés » dans plusieurs régions – notamment le Grand Est et l’Île-de-France. Le but du confinement est, faut-il le rappeler, de ralentir la progression du virus et non de la stopper, afin de ne pas saturer davantage encore les services de réanimation : le confinement permet précisément de « lisser » la courbe de progression de l’épidémie. C’est ce qu’a rappelé le chef de l’État en disant hier qu’il fallait « réussir à retrouver des places disponibles en réanimation et permettre à nos soignants de reconstituer leurs forces ».
Un premier calendrier
Les perspectives tracées sont très progressives. C’est à partir de cette date que seront rouvertes « progressivement les crèches, les écoles, les collèges et les lycées », mais pas les universités, qui ne rouvriront pas avant septembre. Mais « trop d’enfants, notamment dans les quartiers populaires et dans nos campagnes, sont privés d’école sans avoir accès au numérique et ne peuvent être aidés de la même manière par les parents », a rappelé Emmanuel Macron, qui souhaite donc qu’ils puissent « retrouver le chemin des classes », avec des aménagements spécifiques – il faudra « organiser différemment le temps et l’espace ».
Le chef de l’État souhaite aussi qu’à cette date, un maximum de Français puissent « retourner travailler », afin que redémarrent « notre industrie, nos commerces et nos services ». En revanche – ce qui a représenté une véritable douche froide pour nombre de professionnels –, il n’est pas question de permettre au 11 mai la réouverture des « restaurants, cafés et hôtels, cinémas, théâtres, salles de spectacles et musées ». Les festivals et les événements rassemblant « un public nombreux » – Emmanuel Macron n’a pas donné de jauge pour l’instant – ne pourront se tenir « au moins jusqu’à mi-juillet ».
Enfin, le déconfinement du 11 mai – s’il a lieu, car, répétons-le, le président de la République a insisté sur l’incertitude de cette date – ne concernerait pas tout le monde : les personnes âgées, les personnes en situation de « handicap sévère » ou atteintes de maladies chroniques resteront confinées même après le 11 mai. Ce matin, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a insisté sur le fait qu’il n’y a toujours pas de certitudes : « Ce qu’a annoncé Emmanuel Macron, ce n’est pas le déconfinement le 11 mai, c’est le confinement jusqu’au 11 mai. »
Décisions à venir
Emmanuel Macron a annoncé toute une série de sujets sur lesquels le gouvernement va prendre des décisions dans les semaines à venir. Les plus rapides – dès le Conseil des ministres de demain – concerneront « les plus fragiles et les plus démunis », avec le versement d’une « aide exceptionnelle aux familles les plus modestes avec enfants ». C’est ensuite « d’ici quinze jours » que le gouvernement présentera « le plan de l’après 11 mai et les détails d’organisation de notre vie quotidienne ».
Autre annonce : la France devrait être en capacité, le 11 mai, « de tester toute personne présentant des symptômes ». D’ici là, la priorité sera donnée aux tests sur les personnes âgées et les soignants. Ensuite, Emmanuel Macron a été clair : il n’y aura pas de campagne de test de l’ensemble de la population, ce qui n’aurait « aucun sens ». Mais « toute personne ayant un symptôme doit pouvoir être testée » afin, si elle est atteinte, d’être « mise en quarantaine, prise en charge et suivie ». Dans quelles conditions ? Le chef de l’État ne l’a pas encore dit. En Chine et en Espagne, cette phase s’est soldée par la mise en quarantaine des personnes en dehors de leur famille, dans des hôtels notamment. On ne sait pas encore si c’est la voie que choisira la France.
Appel aux maires
Emmanuel Macron a plusieurs fois rendu hommage aux maires et aux élus locaux, « fortement mobilisés aux côtés du gouvernement ». Il leur a demandé, en revanche, de rester prudents sur les arrêtés durcissant les mesures de confinement : « Je demande à tous nos élus, comme la République le prévoit en cette matière, d'aider à ce que ces règles soient les mêmes partout sur notre sol. » Cette déclaration en surprendra plus d’un : la situation épidémique est loin d’être la même « partout sur notre sol », entre des régions où l’épidémie a explosé et d’autres où elle est restée plus maîtrisée. Et il a été jusqu’ici, précisément, demandé aux maires d’adapter les règles aux « circonstances locales », en accord avec les préfets. Emmanuel Macron a reconnu hier « l’utilité » des couvre-feux dans certains cas, mais il a clairement demandé aux maires « de ne pas rajouter des interdits dans la journée » – allusion aux nombreux arrêtés qui ont été pris la semaine dernière (lire Maire info du 8 avril).
Le chef de l’État a également annoncé que les maires auraient un rôle de premier plan à jouer dans la stratégie qui sera mise en œuvre sur le port des masques. Il est envisagé de rendre, dans certains cas, son usage obligatoire, en particulier dans les transports en commun. Emmanuel Macron a promis que l’État permettra après le 11 mai « à chaque Français de se procurer un masque grand public ». Cette mise à disposition de masques se fera « en lien avec les maires ».
« Plus de questions que de réponses »
Si cette prise de parole présidentielle a répondu à certaines questions, elle en pose d’autres. On aura noté par exemple que le chef de l’État n’a pas abordé la question du second tour des élections municipales.
L’annonce de la réouverture « progressive » des écoles pose aussi bien des questions. Agnès Le Brun, maire de Morlaix et rapporteure de la commission éducation de l’AMF, en témoigne ce matin pour Maire info : « Cette annonce pose pour moi plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. Déjà, on peut s’étonner que les écoles, qui ont été fermées avant même le confinement général, parce qu’elles étaient des foyers de propagation du virus, doivent maintenant être rouvertes… en premier. Mais d’autres problèmes se posent : dans le premier degré, c’est extrêmement difficile, voire impossible d’appliquer la distanciation et les gestes barrières – comment faire dans ce cas pour mettre les enfants à la sieste ? Sans compter que les locaux ne sont pas extensibles. Et quelle sera la marge de manœuvre des maires pour protéger les agents communaux, les Atsem en particulier ? Aujourd’hui, on voit très mal comment on va faire. »
Agnès Le Brun se pose également des questions sur les propos du chef de l’État à propos de la mise à disposition de masques à tous les Français « en lien avec les maires ». « En lien, cela veut dire quoi ? nous devrons distribuer ? acheter ? fabriquer ? payer ? Nous avons besoin de précisions. »
Élus et professionnels vont également attendre avec impatience les mesures qui vont devoir être prises pour soutenir la filière des hôtels, cafés et restaurants et celle de la culture. Hier, à la suite de l’allocution du chef de l’État, plusieurs porte-paroles de l’Umih (Union des métiers et des industries de l'hôtellerie) ont fait part de leur immense inquiétude : « La catastrophe économique est confirmée et si nous avions un doute, l'année 2020 est une année perdue », a réagi hier soir Roland Héguy, le président de l’Umih. Ce matin, le président de l’Umih en Occitanie, Jacques Mestre, estime que « une affaire sur trois » va déposer le bilan avant la fin de l’été dans la région – d’autant plus si, comme on peut le craindre, les plages restent en partie fermées cet été.
Franck Lemarc
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