Compensation des pertes de recettes des communes et EPCI : le « filet de sécurité » très relatif du gouvernement
Le décret sur le « filet de sécurité » financier, permettant de compenser en partie les pertes de recettes des collectivités dues à la crise sanitaire, est paru ce matin. Le texte publié ce matin est identique à celui qui a été rejeté à la quasi-unanimité par le Comité des finances locales (CFL).
C’est au CFL du 29 octobre que les élus ont découvert ce texte, pris en application de l’article 21 de la troisième loi de finances rectificative. Et qu’ils ont constaté l’écart considérable entre les annonces faites, en juillet, par le gouvernement, et les faits.
Rappelons qu’au moment du vote de ces mesures, le gouvernement parlait d’un dispositif de compensation qui concernerait « entre 12 000 et 14 000 communes et intercommunalités », et pouvant aller jusqu’à 750 millions d’euros. Quelques mois plus tard, ces chiffres ont fondu comme neige au soleil : la fiche d’impact du projet de décret mentionne un dispositif qui touchera « 2 300 à 2 500 communes et une centaine d’EPCI », pour un total de 223 millions d’euros (120 millions pour les communes et 110 pour les EPCI). « Moquerie » envers les élus, « charité », « double langage » – André Laignel, président du CFL, n’avait alors pas eu de mots assez durs pour fustiger un texte aussi éloigné des intentions initiales.
Et encore : déjà au moment où la loi avait été votée, en juillet, les associations d’élus avaient dénoncé le mode de calcul des pertes donnant droit à compensation, qui réduit artificiellement le montant des pertes. En effet, elles ne sont pas calculées par rapport à l’année précédente (2019) mais sur la moyenne lissée des trois années précédentes, le tout diminué du montant d’autres recettes fiscales locales.
Et le gouvernement n’a jamais accepté d’intégrer dans les pertes les baisses de recettes tarifaires (le dispositif ne concerne que les recettes fiscales et domaniales). C’est ainsi qu’il est arrivé en juillet au montant de 750 millions d’euros – alors que l’AMF chiffre les pertes de recettes et les dépenses supplémentaires du bloc local à 8 milliards d’euros sur trois ans.
Les 750 millions, déjà insuffisants, sont donc réduits à 223, apparemment parce que le gouvernement estime que les pertes sont finalement moindres que ce qui avait été anticipé.
Dispositif général applicable à toutes les communes et tous les EPCI concernés
Le décret paru ce matin détaille le dispositif. La dotation de compensation prévue dans la LFR3 fera l’objet d’un acompte dès cette année, qui sera versé selon les cas entre le 30 novembre et le 15 décembre. Le montant de l’acompte est égal à la moitié de la différence entre le montant prévisionnel 2020 des recettes fiscales et domaniales et la moyenne de ces recettes entre 2017 et 2019.
En 2021, lorsque les comptes définitifs des communes et EPCI seront connus, l’État procédera à un ajustement. Si les pertes ont été supérieures aux prévisions, la différence sera versée « au plus tard le 31 mai 2021 ». Si, au contraire, la collectivité a perçu un acompte qui se révèle supérieur au montant définitif de la dotation, le trop-perçu sera prélevé sur les avances mensuelles de fiscalité.
Pour calculer les recettes prévisionnelles 2020, le décret donne le mode de calcul, déterminé par l’État : il faut appliquer à chaque recette fiscale ou domaniale une « évolution » (décidée « on ne sait trop comment », notait début novembre André Laignel) : - 20 % pour la taxe locale sur la publicité extérieure, - 21 % pour la taxe de séjour, + 1,5 % pour la TEOM, etc.
Dispositif spécifique applicable à certains groupements
L’article 21 prévoit une compensation spécifique de versement mobilité au profit des syndicats mixtes qui exercent les compétences dévolues aux AOM et une compensation des pertes de taxe de séjour, de produit des jeux ou de taxe sur les remontées mécaniques au profit des groupements de collectivités territoriales ayant perçu en 2019 et 2020 la taxe de séjour, le produit des jeux ou taxe sur les remontées mécaniques.
Pour bénéficier d’un acompte (versé au plus tard le 15 décembre 2020) au titre de cette compensation spécifique, les groupements concernés doivent impérativement en faire une demande adressée conjointement au préfet et au directeur départemental des finances publiques jusqu'au 30 novembre 2020.
« En tout et pour tout 630 millions »
Lors de la conférence de presse des responsables de l’AMF, mardi 24 novembre, cette question avait été abordée, notamment par André Laignel. « Nous aurons pour 2020 230 millions, c’est ce qu’indique la fiche d’impact qui accompagnait le décret passé devant le CFL. Ce sont les chiffres de l’État. 230 millions pour compenser toutes les pertes [du bloc communal]. (…) Avec la DSIL, cela représente au total, en tout et pour tout, 630 millions. »
Les responsables de l’AMF ont aussi dénoncé le fait que les pertes de recettes tarifaires n’étaient pas prises en compte, alors qu’elles ont été considérables. Ils ont rappelé qu’alors que beaucoup de services n’ont plus perçu de recettes lors du confinement – comme les cantines, par exemple – les collectivités ont continué de payer les agents, sur leurs deniers et sans aide de l’État. Ces pertes de recettes ne seront absolument pas compensées par le « filet de sécurité » du gouvernement dont les mailles sont décidément bien larges.
Franck Lemarc
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