Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 16 octobre 2020
Coronavirus

État d'urgence sanitaire : dans les organes délibérants de tout le pays, retour du quorum d'un tiers et du vote par correspondance ?

Ce soir à minuit, l’ensemble du pays repassera sous régime d’état d’urgence sanitaire (EUS). Le Premier ministre a enfin donné quelques indications, hier, sur les conséquences concrètes de cette décision, en attendant un décret qui devra donner plus de détails et, plus tard, de probables textes législatifs. Reste que la promulgation de l’état d’urgence sanitaire, si l’on regarde la loi, semble entraîner mécaniquement la modification des règles de fonctionnement des assemblées délibérantes des collectivités locales et des EPCI.

C’est peut-être une question d’habitude… Après que la France eut passé deux ans sous état d’urgence, après les attentats du 13 novembre 2015, puis quatre mois en état d’urgence sanitaire, au printemps dernier, ce régime d’exception est, apparemment, devenu presque banal. Au point que dans son intervention de 45 minutes, mercredi soir, le président de la République n’a même pas jugé utile de l’évoquer, alors que la décision était prise et le décret signé. 
Hier, lors de sa conférence de presse, Jean Castex a, en revanche, évoqué l’état d’urgence sanitaire. Il a expliqué que le pays connaissait désormais deux régimes spécifiques : l’état d’urgence sanitaire, dans tout le pays, et, en plus, des mesures renforcées – le couvre-feu – en Île-de-France et dans huit métropoles. Il a confirmé que ces règles s’appliqueront automatiquement pour quatre semaines, et que le gouvernement demandera « au Parlement de les prolonger jusqu’à fin novembre, le temps de ralentir l’épidémie et de désengorger notre système de santé ». Afin de ne pas rajouter de l’angoisse à des annonces déjà pesantes, Jean Castex n’a pas précisé que ces mesures, notamment l’état d’urgence, pourraient parfaitement être prolongées au-delà du 1er décembre – le Parlement a la possibilité de proroger l’EUS sans que la loi fixe une durée maximale : « La loi autorisant la prorogation au-delà d'un mois de l'état d'urgence sanitaire fixe sa durée », précise simplement la loi du 23 mars 2020. 

Extension des restrictions à tout le territoire
Jean Castex a expliqué hier ce que signifie concrètement cet état de fait : en résumé, les règles qui ne s’appliquaient alors que dans les zones en alerte maximale s’appliquent désormais sur tout le territoire. En particulier : toutes les fêtes privées (mariages, anniversaires, soirées étudiantes, etc.) qui se tiennent dans des établissements recevant du public (salles des fêtes, salles polyvalentes…) sont interdites. Tous les restaurants du pays doivent désormais appliquer le « protocole sanitaire renforcé » : six clients au plus par table, enregistrement du nom et du numéro de téléphone de chaque client ; présence de gel hydroalcoolique sur chaque table. Dans tous les lieux publics où les personnes sont assises (théâtres, cinémas, concerts, stades, cirques, salles de conférences…), « la règle d’un siège sur deux devra s’appliquer », sauf dans le cas de familles ou groupes de six personnes qui viennent ensemble. Une jauge de 1000 à 5 000 personnes sera décidée par les préfets en fonction des situations spécifiques de chaque territoire. 
Enfin, dans les lieux « où l’on circule debout », par exemple « les centres commerciaux, supermarchés, musées, foires, salons, zoos », le nombre de visiteurs sera limité « sur la base d’une jauge fixée par le préfet »  et, de plus, en interdisant la présence de plus d’une personne pour 4 mètres carrés. 
Sur tout le territoire, le télétravail est « encouragé », mais pas généralisé. Pour ce qui concerne la fonction publique, le Premier ministre a déclaré : « Sur l'ensemble du territoire et chaque fois que cela pourra être concilié avec les nécessités du service, les administrations définiront dès la semaine prochaine une organisation du travail intégrant les nécessités du service et permettant, à chaque fois que cela sera possible, deux à trois jours de télétravail par semaine. » 

Organes délibérants
Une question d’importance se pose pour l’organisation des réunions des organes délibérants des collectivités territoriales. Le sujet n’est pas simple, tant les textes se sont succédé au printemps dernier, mais si l’on s’en tient à loi, voici ce qui pourrait se dessiner. 
Par une ordonnance du 1er avril 2020, la loi sur l’état d’urgence sanitaire du 23 mars 2020 a été modifiée. Il en résulte qu’à ce jour, la loi en vigueur indique à l’article 10 que « pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire prévu à l’article 3131-12 du Code de la santé publique (…) », les règles de délibération des organes délibérants des collectivités territoriales et des EPCI sont modifiées : le quorum est abaissé au « tiers des membres en exercice », (qui doit être « présent » ) et les élus peuvent être porteurs de deux pouvoirs. La possibilité est ouverte de rétablir également le vote électronique ou par correspondance, sauf pour les votes à bulletin secret, mais la loi dispose que cela doit faire l'objet d'un décret pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire. 
Ce texte étant de portée générale, non pour le seul état d’urgence du printemps dernier mais pour toute situation d’état d’urgence sanitaire, il semble que l’instauration de l’EUS la nuit prochaine pourrait entraîner, mécaniquement, la mise en place de ces mesures dérogatoires, qui ont pris fin le 30 août.
Le gouvernement en décidera-t-il autrement – et en a-t-il le pouvoir sans une modification de la loi ? On le saura certainement dans les jours à venir, dans l’attente de précisions, à tout le moins, de la Direction générale des collectivités locales. 

F.L.

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