Contrôle de légalité : la Cour des comptes alerte sur le manque de moyens humains
Par Franck Lemarc
« Le contrôle de légalité apparaît de plus en plus atrophié. » La Cour des comptes, une fois encore, ne mâche pas ses mots, dans son rapport sur le contrôle de légalité, estimant que la diminution constante des moyens humains dans les préfectures, depuis 2009, pose aujourd’hui problème pour assurer de façon satisfaisante cette tâche.
Hausse massive
Rappelons que le contrôle de légalité et le contrôle des actes budgétaires ont été instaurés en 1982, au moment des grandes lois de décentralisation, remplaçant la tutelle de l’État : au lieu d’un contrôle a priori sur les délibérations des collectivités, celles-ci sont aujourd’hui contrôlées a posteriori : les préfectures ont deux mois pour effectuer ce contrôle (un mois pour les actes budgétaires). En cas de constat d’une irrégularité, le préfet peut adresser un recours gracieux à la collectivité, ou se diriger, si besoin, vers un contentieux devant le tribunal administratif.
Logiquement, au fil des transferts de compétences, le nombre d’actes à contrôler a augmenté de façon exponentielle. La Cour estime qu’entre 2015 et 2021, il a crû de 22 %. En 2021, plus de 6 millions d’actes réglementaires et 288 000 actes budgétaires ont été réceptionnés par les préfectures.
Ce contrôle met en lumière le fait que l’écrasante majorité des actes pris par les collectivités sont parfaitement conformes. Sur les 1,23 million d’actes effectivement contrôlés par les préfectures, en 2021, 14 862 seulement ont fait l’objet d’un recours gracieux, soit 1,2 %.
Coupes claires
Il faut rapprocher le chiffre de 6 millions d’actes à celui du nombre d’agents affectés à cette tâche en préfectures : 841 équivalents temps plein (ETP). Si tout devait être traité, cela représenterait le chiffre risible de 7134 actes à contrôler par agent et par an ! On comprend donc que, selon la Cour des comptes, environ 20 % des actes seulement sont effectivement contrôlés : « Les agents priorisent ceux qu’ils étudient au regard d’une analyse des risques, en se concentrant principalement sur les trois priorités nationales que sont la commande publique, la fonction publique territoriale et l’urbanisme. »
Cette situation est l’une des nombreuses conséquences des coupes claires faites dans les effectifs des préfectures entre 2009 et 2014. Le PPNG (Plan préfecture nouvelle génération) de 2016 n’y a rien changé, souligne la Cour : si l’un de ses objectifs était, justement, de renforcer cette mission des préfectures, « aucun de ses objectifs n’a été atteint ». D’où un « amoindrissement » préoccupant de la qualité de cette mission, qui est pourtant, rappelons-le, une mission constitutionnelle, gravée dans le marbre par l’article 72 de la Constitution.
Un contrôle « protecteur »
Le contrôle de légalité garde, selon la Cour des comptes, une utilité majeure, « malgré la montée en compétence des collectivités territoriales ». Il permet notamment « la bonne mise en œuvre des lois récemment votées ». Il est aussi protecteur pour les élus, notamment « sur le risque pénal dans le cas des marchés publics ».
La Cour note également que le contrôle représente « une aide » juridique pour les petites communes : « Il existe une cassure entre, d’une part, les grandes collectivités dont le niveau d’ingénierie comparable ou parfois supérieur à l’État territorial leur permet de s’affranchir du soutien de la préfecture, et d’autre part la vaste multitude de petites collectivités pour lesquelles le contrôle de légalité et le contrôle des actes budgétaires constituent une aide. » Les magistrats estiment d’ailleurs que ce contrôle est globalement « bien accueilli par les collectivités », les erreurs relevées a posteriori par les préfectures étant dans la plupart de cas des erreurs de bonne foi. Reste à savoir si cet avis est partagé largement chez les élus...
Pourtant, le manque de moyens humains conduit à la fois à un trop faible taux de contrôle (certains départements contrôle moins de 15 % des actes qui leur sont adressés) et à une baisse de la qualité du contrôle, aujourd’hui « dégradée », selon la Cour des comptes. Ce qui peut conduire à des « failles », y compris sur des actes à risque.
Le rapport détaille, en passant, les manquements de l’application Actes, mise en œuvre pour permettre la dématérialisation de la transmission des actes.
Préconisations
Logiquement, la Cour des comptes recommande donc un renforcement des effectifs humains dévolus à cette mission : elle suggère d’y consacrer 190 ETP supplémentaires, estimant que cette dépense est largement absorbable par le ministère de l’Intérieur dont le budget est en forte hausse. Pour une fois que la Cour des comptes demande un renforcement des moyens humains plutôt que des économies de fonctionnement et des suppressions de poste, la chose est à noter.
Les rapporteurs font un certain nombre d’autres préconisations, comme l’expérimentation d’un contrôle qui pourrait en partie être fait dans les préfectures de région, ou encore la mobilisation d’autres structures de « l’État territorial » pour appuyer les préfectures. Par exemple, la Cour des comptes propose que tous les actes d’urbanisme relevant du contrôle de légalité soient examinés pour avis par les DDTM, « sous la responsabilité du préfet et pour son compte ».
Rappelons que l'AMF, sur ce sujet, continue de réclamer la suppression du déféré, qui permet aux préfets de suspendre le caractère exécutoire d'un acte, ce qui constitue, de fait, une présomption d'illégalité. Elle demande par ailleurs que soit mis en place un véritable dispositif de conseil juridique en amont de la prise des actes, qui n'existe que très rarement aujourd'hui.
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