Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 3 mars 2022
Guerre en Ukraine

Conséquences de la guerre : Emmanuel Macron annonce « des changements profonds dans les mois qui viennent »

Dans son allocution télévisée, hier, Emmanuel Macron n'a pas caché que la guerre en Ukraine va avoir des conséquences directes et tangibles en France, à commencer par une aggravation de la hausse des prix, qui, fatalement, touchera autant les consommateurs que les collectivités locales. 

Par Franck Lemarc

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© Elysee.fr

Le président de la République s’est adressé hier soir aux Français pour évoquer la situation en Ukraine. Adressant à l’Ukraine « le soutien fraternel de la France », Emmanuel Macron a réfuté les arguments « insoutenables »  et les « mensonges »  de Vladimir Poutine, et a confirmé l’envoi de « plusieurs centaines de soldats français »  en Roumanie. Mais il a tenu à affirmer clairement que « la France n’est pas en guerre contre la Russie »  – une façon de contrecarrer les propos un peu hâtifs de son ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, qui avait affirmé la veille dans les médias que la France allait « livrer une guerre économique et financière totale à la Russie »  dans le but de provoquer « l’effondrement de l’économie russe ». Bruno Le Maire est d’ailleurs lui-même revenu sur ces propos qu’il a reconnu être « inappropriés ». 

« Nouvelle étape » 

Malgré tout, le chef de l’État a usé d’un ton et d’un vocabulaire particulièrement graves pour évoquer la situation : « La guerre en Europe n’appartient plus à nos livres d’histoire ou de livres d’école, elle est là, sous nos yeux. La démocratie n’est plus considérée comme un régime incontestable, elle est remise en cause, sous nos yeux. Notre liberté, celle de nos enfants n’est plus un acquis. (…)  À ce retour brutal du tragique dans l’Histoire, nous nous devons de répondre par des décisions historiques. »  Emmanuel Macron a d’ores et déjà évoqué un renforcement du budget militaire de la France et jugé que « la défense européenne (devait) franchir une nouvelle étape ». Et pas seulement la défense, puisque, selon le chef de l’État, l’Europe « ne peut plus dépendre des autres pour (se) nourrir, (se) soigner, (s’) informer, (se) financer ». Dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, Emmanuel Macron va réunir les 10 et 11 mars prochain les chefs d’État de l’Union, sur ces sujets, à Versailles. 

« Changement d’époque » 

Le président de la République a prévenu les Français que la guerre en Ukraine allait avoir des conséquences concrètes sur leur vie : « Les équilibres de notre continent comme plusieurs aspects de notre quotidien sont d’ores et déjà bouleversés par cette guerre et connaîtront des changements profonds dans les mois qui viennent », qualifiant cette situation de « rupture »  et de « changement d’époque ». 

La conséquence la plus immédiate sera l’arrivée des réfugiés. Hier, les autorités européennes ont estimé que ce conflit pourrait générer le déplacement de « 8 à 10 millions »  de personnes, ce qui en ferait le plus important flux migratoire depuis la Seconde guerre mondiale en Europe. La France « prendra sa part », a déclaré hier le chef de l’État, même si pour l’instant le nombre de réfugiés ukrainiens accueillis en France est infime – autour de 800 personnes, a indiqué ce matin le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. Emmanuel Macron a remercié hier « les villes et les villages qui ont commencé à se mobiliser ». 

Deuxième conséquence : l’approvisionnement en matières premières, qu’elles soient agricoles ou industrielles. Acier, fer, titane, blé, soja, d’innombrables matières premières utilisées quotidiennement dans l’industrie et l’agriculture viennent en partie de Russie ou d’Ukraine, et ces approvisionnements vont être immanquablement affectés par la guerre et les sanctions économiques. « Notre croissance sera affectée », a annoncé le chef de l’État. Là encore, l’Europe va devoir travailler pour, peut-être, revoir un certain nombre de règles en matière agricole, notamment celles qui régissent la mise de terres en jachère. Ce matin, la président de la FNSEA, Christiane Lambert, a demandé qu’il n’y ait pas de mise en jachère cette année, pour permettre de maintenir au maximum la production de blé, notamment. Au-delà de la France en effet, les conséquences politiques et sociales d’une rupture de l’approvisionnement en blé, notamment dans les régions du Maghreb, pourraient très rapidement s’avérer catastrophiques. 

Vers une deuxième explosion des prix de l’énergie

Mais le chef de l’État n’a pas caché que le conflit va avoir des conséquences rapides et tangibles sur l’inflation : « Demain, le prix du plein d’essence, le montant de la facture de chauffage, le coût de certains produits risquent de s’alourdir encore. »  La troisième conséquence du conflit russo-ukrainien tient en effet à la question de l’énergie, les prix du gaz et du pétrole étant en train de s’envoler plus haut encore qu’ils le faisaient ces derniers mois, pourtant déjà très marqué par une spirale inflationniste. 

Il est difficile de mesurer aujourd’hui ce que seront les conséquences de cette situation sur le pouvoir d’achat, déjà bien à mis à mal, des Français, et y compris sur celui des collectivités territoriales, dont beaucoup avaient, avant même l’éclatement de la guerre, des difficultés considérables à faire face à l’explosion des factures énergétiques. 

Le chef de l’État a annoncé avoir demandé au Premier ministre « d’élaborer un plan de résilience économique et social ». Après le « quoi qu’il en coûte », après le plan de relance, ce sera donc un « plan de résilience »  qui, sans doute, se chiffrera en dizaines, si ce n’est en centaines de milliards d’euros. Avec quelles conséquences, à l’avenir, sur les finances publiques ? Les élus de Territoires unis, qui tenaient une conférence de presse hier (lire article ci-dessous), ont fait montre de leur inquiétude à propos des conséquences du « quoi qu’il en coûte »  sur l’inflation – sans parler de l’éventualité que l’État fasse indirectement payer, demain, une partie de la facture aux collectivités. La mise en place d’un nouveau plan d’aides massif, dont la nécessité ne peut certes pas être remise en cause, va accentuer encore un peu plus ces inquiétudes. 

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