Les maires ne veulent plus se contenter d'alerter sur l'explosion des besoins sociaux
Par Emmanuelle Stroesser
Le constats sont là, comme chaque année, qui prouvent que la précarité gagne, mais surtout « s’installe », résume Luc Carvounas, co-président de la commission Affaires sociales de l’AMF et président de l’Union des CCAS (UNCCAS). Grand témoin du forum, le secrétaire national du Secours populaire, Jean Stellittano, en livre de nouvelles preuves avec le baromètre annuel de l’association. Entre autres indicateurs, ce « sentiment » de vulnérabilité, partagé par près de deux Français sur trois (62%) d’avoir été sur le point de connaitre une situation de pauvreté. Une récente enquête de l’Unccas révèle, elle, que 65 % des CCAS ont été sollicités pour une mise à l’abri. Le logement est devenu le motif de 45% des nouvelles demandes, « dont un tiers de personnes salariées en CDI ».
Ce qui inquiète surtout la maire de Rezé (Loire-Atlantique), Agnès Bourgeais, c’est que ces demandes ne sont plus « pour du ponctuel ou un coup de pouce » : « On se retrouve avec des gens qui pourtant sont salariés mais doivent venir régulièrement nous demander de l’aide, avec le problème du logement comme question centrale de cette précarité ».
« Quand les travailleurs, malgré leur salaire, ne peuvent boucler le mois (loyer, cantine), cela veut dire qu’ils n’ont plus accès à la culture, au sport, bref, à tout ce qui rend heureux dans un foyer. Cette pauvreté là aussi s’installe », ajoute l’adjointe au maire de Schoelcher (Martinique), Yolène Largen-Marine.
Du désarroi à la colère
Le problème, comme le souligne Agnès Bourgeais, c’est que « communes et CCAS n’ont ni les moyens de faire face ni de sortir neuf millions de personnes de la pauvreté. La question, c’est comment éviter d’en arriver là ? Et comment travailler sur les causes plutôt que de passer notre temps à traiter les conséquences ? ». Le Secours populaire en cite un exemple, en pointant le risque que le renoncement aux soins ne s’aggrave encore un peu plus en cas d’augmentation à venir des restes à charge, « car ce sont les plus précaires et fragiles qui auront du mal à payer chez le médecin ».
Entre impuissance et immobilisme, le chemin est parfois étroit. Et risqué, même si, pour l’heure, « je ne connais pas un collègue qui n’a pas abondé la dotation de son CCAS » assure Luc Carvounas. « Mais à un moment donné on aura un plafond de verre ! Or, si maires et communes mettent un genou à terre, c’est tout l’équilibre qui va basculer », prévient-il.
« De plus en plus de mairies abondent aussi les budgets des CCAS pour soutenir des structures comme les EHPAD dont 85 % sont en déficit », alerte ainsi Marylène Millet, maire de Saint Genis de Laval et co-présidente de la commission Affaires sociales. « Ce n’est pas parce que nous sommes de mauvais gestionnaires comme cela a été laissé insinué. Mais depuis deux ans, l’accélération de l’inflation (+ 6 %) n’a pas été compensée par une hausse équivalente des financements (+ 2 %) », tient-elle à expliquer. Mais se pose donc la question de l’avenir de ces EHPAD. « Que doit-on faire : moins de service ? rationner ? Non, notre objectif, c’est de garder la même qualité d’accueil ».
C’est ce qui a conduit des maires bretons à se rebeller depuis un peu plus d’un an. Maire de Plouaret (Côtes-d’Armor), Annie Bras-Denis fait partie de ces élus aujourd’hui réunis au sein du « Collectif des maires et territoires en résistance pour le grand âge ». Ils ont choisi de poursuivre l’État en justice pour obtenir les moyens qui leur font défaut. 25 CCAS ont déposé leurs requêtes au tribunal administratif depuis la rentrée. « Le double est en préparation », indique Annie Bras-Denis.
La force du collectif
« Plus nous serons nombreux, plus nous serons efficaces pour peser et nous faire entendre : nos vieux méritent vraiment mieux ! On a besoin d’être tous ensemble face à un état qui méprise les collectivités locales mais encore plus les personnes âgées, or quand une société ne respecte plus ses personnes âgées, elle est en grande difficulté ! » relance l’élue. Un appel salué de larges applaudissements.
Le Collectif comptait beaucoup sur une rencontre prévue avec le ministre des Solidarités, Paul Christophe, mardi matin. Un rendez-vous finalement annulé, les élus ayant été prévenus, le matin même, que l’entrevue se limiterait avec son directeur de cabinet. Il n’en fallait pas plus pour renforcer leur détermination. Dans les allées du Congrès, les élus bretons ont multiplié toute la journée les contacts et prises de parole pour convaincre leurs collègues de rejoindre leur action.
En Martinique non plus, on ne veut plus des bouts de ficelle ou des plans sparadrap. « Nous attendons de l’État qu’il intervienne, non pas sur vie chère en Martinique, car c’est la conséquence, mais qu’il s’attaque aux causes », apostrophe Yolène Largen-Marine. (Schoelcher).
La conclusion de Luc Carvounas s’impose : « Si nous ne faisons pas cause commune, nous n’y arriveront pas. Nous devons tous travailler ensemble ». Et les élus attendent du gouvernement qu’il prenne sérieusement en considération leurs alertes.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2
Ouverture du 106e Congrès des maires sur fond de mobilisation
ZAN : les maires et l'État s'accordent sur la nécessité d'adapter la réforme