Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 20 novembre 2024
Congrès de l'AMF

Budget 2025 : très inquiets sur l'investissement, les maires s'opposent aux ponctions visant les collectivités 

S'opposant à l'idée de devenir « la variable d'ajustement de la mauvaise gestion du gouvernement », les représentants de l'AMF ont pointé les risques sur l'investissement, mais aussi les conséquences sur des élus qui se sentent « atteints comme jamais ils ne l'ont été ».

Colère froide sur le visage et écharpes noires autour du cou, les maires ont, une nouvelle fois, fait part, hier, de leurs grandes « inquiétudes »  face aux mesures du projet de loi de finances qui prévoit de les mettre à rude épreuve pour l’année 2025.

« Nous tirons la sonnette d’alarme », a mis en garde le maire d’Issoudun et premier vice-président délégué de l’AMF, à l’occasion d’une conférence de presse lors de l’ouverture de leur congrès qui se tiendra jusqu’à demain.

Plus de 10 milliards d’euros de ponctions 

Ce qui est proposé par le gouvernement est « évidemment hors de portée à la fois des petites villes, des communes rurales [mais aussi] des agglos, des départements et des régions », a assuré le maire de Wittenheim et co-président de la commission des finances de l'AMF, Antoine Homé. 

Des décisions qui pèseront d’autant plus sur les budgets locaux que l’épargne brute des communes s’est déjà dégradée de près de 20 % cette année, celles-ci perdant « plus d’un milliard »  d’euros à cause, notamment, de la baisse des DMTO, selon une étude de l’AMF présentée pour l’occasion.

Alors que le gouvernement annonce 5 milliards d’euros de baisse des moyens des élus locaux l’an prochain (à travers la création d’un fonds de précaution, le rabotage de la TVA et l’amputation du FCTVA), la réalité serait en fait « beaucoup plus dure ». « C’est 10 milliards d’euros au minimum », a calculé André Laignel. Une somme qui représenterait « 85 % de la baisse des dotations qui avait eu lieu sur quatre ans »  sous la présidence de François Hollande. 

Car au-delà de la ponction assumée par l’exécutif sur les recettes des collectivités, celui qui est également le président du Comité des finances locales (CFL) pointe les 1,5 milliard d’euros de baisse du Fonds vert, les 1,3 milliard de hausse de la cotisation employeur à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), la non-indexation de la DGF sur l’inflation ainsi que toute une série d’autres dispositions inscrites dans le projet de budget défavorables aux élus locaux.

Un exemple parmi d’autres : les outre-mer, qui devraient subir une perte de « 500 millions d’euros en moins ». « Pourtant quand on voit dans quelle situation parfois dramatique elles sont… Dans certains territoires, on ne peut plus emmener les enfants à l’école malgré les longues distances ou assurer la restauration scolaire, parfois il n’y a plus de sage-femmes car les liaisons ne sont plus possibles pour qu’elles rejoignent les parturientes, des territoires entiers sont en état de sécheresse ou, au contraire, en état d’inondations chroniques… », a dénoncé André Laignel qui pointe aussi les « injonctions contradictoires ».

Craintes sur l’investissement et l’emploi

« On nous dit tous les matins qu’il faut faire des budgets verts, mais je fais un budget vert avec quoi ? On me supprime l’essentiel des crédits censés y être destinés », a ainsi reproché le maire d’Issoudun qui rappelle la série de ponctions visant la transition écologique avec notamment, outre le Fonds vert, « 130 millions de moins sur les Agences de l’eau… ».

Selon le maire de Sceaux et vice-président de l'AMF, Philippe Laurent, « c'est une erreur de stratégie économique que de pénaliser les acteurs qui sont les plus efficaces sur le plan de la gestion publique. Ça ne peut pas servir le pays ».

D’autant que les élus s’inquiètent des conséquences sur l’investissement qui pourrait « s’effondrer », et avec lui « tout un système ». Cela mettrait « en difficulté des branches entières comme le bâtiment, les travaux publics ». Et, en bout de chaîne, il y a le risque de « faire couler des entreprises ».

« On est à la croisée des chemins », préviennent les maires, qui ont rappelé, comme Murielle Fabre, la secrétaire générale de l’AMF que le phénomène n’a rien de nouveau : « Quand la DGF a diminué, on a eu une baisse de l’investissement local. Il y a donc un risque que la thésaurisation s’amplifie ».

Il existe aussi un autre « effets pervers »  lié à la réduction du FCTVA de 800 millions d’euros, qui n’a pu être anticipée au niveau local. « Si toutes les collectivités avec un besoin de financement viennent devant les prêteurs dans les semaines et les mois à venir on risque d’avoir une remontée des taux et surtout une raréfaction des crédits. Ce qui ajoutera de la crise à la crise », redoute le co-président de la commission des finances de l'AMF, Emmanuel Sallaberry.

Des maires « atteints comme jamais » 

« Après avoir géré la crise du covid, on va subir des restrictions comme on n’en a jamais connues alors que d’autres crises apparaissent : celles de l’énergie, du logement et de l’emploi avec le chômage qui remonte », prévient le maire de Talence qui juge que « ce PLF donne un coup de poignard dans les éléments de mobilisation des élus locaux ».

« On sent nos collègues maires atteints aujourd’hui comme jamais ils ne l’ont été », alors qu’une crise des vocations se propage lentement avec la démission d’une quarantaine de maires chaque mois depuis le début de ce mandat. « Beaucoup de maires me disent : "il me reste un an et demi à faire", a-t-il expliqué, évoquant le fait que certains élus ne souhaitent plus prolonger leur mandat.

« Ce qui est proposé est insupportable », s’est insurgé Antoine Homé. « L’Etat s’est privé de ses propres recettes, les baisses d’impôts de M. Macron ont été financées par un accroissement pharamineux de la dette de la France. Ce n’est donc pas aux collectivités d’être purgées à la suite à ces lourdes erreurs de gestion », estime-t-il.

« Même avec 1, 2 ou 3 milliards de moins sur le budget envisagé aujourd’hui, ce n’est pas acceptable car c’est un budget qui risque de mettre la France en récession à la fin 2025 », a lancé le maire d’Issoudun qui assure qu’il « ne faut pas sous-estimer l’effet dominos qui sera considérable ». D’autant qu’à chaque fois que l’Etat a été « sur la voie des restrictions des collectivités », il ne « s’est pas désendetté ». « Bien au contraire, l’Etat s’est alourdi de 50 milliards d’euros de dépenses supplémentaires pour compenser les ressources locales qui avaient été supprimées », a rappelé Emmanuel Sallaberry.

Consulter l'ensemble des études sur les finances locales présentées hier.
 

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