Incertitudes sur l'amélioration des finances locales, selon l'AMF
Par A.W.
« La situation n’est pas catastrophique, mais on ne peut pas dire que tout va très très bien. On aurait tort de croire que la situation financière des collectivités est florissante. » C’est le message, en substance, qu’a, une nouvelle fois, voulu faire passer l’AMF à l’occasion de la présentation, hier, de son étude (réalisée avec la Banque des Territoires) sur l’impact de la crise sanitaire sur les équilibres financiers des communes et des intercommunalités en 2020.
S’opposant au bilan « optimiste » de la crise sur les finances locales présenté par l’exécutif et la majorité parlementaire, l’AMF a exposé sa propre analyse de la situation et estimé que l’impact a été loin d’être négligeable sur le fonctionnement des collectivités locales.
Pour preuve, le premier vice-président délégué de l’AMF, André Laignel, a rappelé que « le coût global de la crise en 2020 pour l’ensemble des collectivités a été de 5,1 milliards d’euros tandis que la compensation de l’Etat a été de 440 millions d’euros. Ce sont ces chiffres qu’il faut mettre en relation ».
Effet de ciseaux inédit
In fine, l’année 2020 a été « une année inédite car rien n’a ressemblé à une première année de mandat ». Et à année inédite, effet de ciseaux « aux caractéristiques inédites », expliquent les auteurs de l’étude.
L’autofinancement du bloc communal a ainsi reculé de 5,53 %. Un recul plus important encore que celui intervenu en 2008 et qui avait chuté de 4,9 %. De la même manière, l’épargne nette a baissé de 8 % l’an passé, contre 6 % en 2008.
En cause, des recettes de fonctionnement qui ont baissé (de 0,9 %) et des dépenses de fonctionnement qui ont globalement stagné par rapport à 2019. Un phénomène atypique puisque, habituellement, les dépenses de fonctionnement augmentent plus vite que les recettes lors d’une première année de mandat, comme c’était le cas en 2008.
En 2020, les pertes de recettes ont ainsi représenté plus de 1 milliard d’euros pour les communes et les EPCI, et se sont concentrées sur les produits de services (- 3,2 milliards d’euros). La situation est d’autant plus singulière que « sur les quatre derniers mandats, c’est la première fois que les recettes de fonctionnement accusent une diminution nette en première année de mandat » . Une baisse qui a été particulièrement importante pour les communes de plus de 100 000 habitants, et à laquelle seules celles de moins de 500 habitants ont échappé (voir également l'analyse par strate démographique).
« On nous disait il y a quelques mois “vous exagérez”, malheureusement non, nous n'exagerions pas. Les chiffres confirment bien ce que l’on disait », a rappelé André Laignel. « La réalité, c’est que l’Etat a beaucoup fait pour les entreprises, pour la protection sociale, sur tout un ensemble de domaines… mais les seuls qui n’ont pas bénéficié de la sollicitude de l'Etat à un niveau normal, ce sont les collectivités territoriales », a estimé le président du Comité des finances locale (CFL).
« À partir du moment où nous avons un effet de ciseaux, une baisse de moyens de fonctionnement, c’est l’investissement qui est la variable d’ajustement. Nous n’avons plus d’autre choix que de ralentir l’investissement », a expliqué le maire d’Issoudun. Résultat, les dépenses d’investissement des communes et des EPCI ont chuté de 14,5 % (dont près de 18 % pour les communes). Cette baisse de 5,27 milliards d’euros « dépasse largement les niveaux habituellement constatés en première année de mandat », puisqu'elle est « deux fois plus forte que celles de 2008 et 2001 », indiquent les auteurs de l’étude.
Incertitudes
De son côté, André Laignel a rappelé que la crise a frappé davantage les villes et bourgs-centres. « Plus vous avez des niveaux d’équipement, plus vous êtes touché par la crise. Or, ce sont eux qui sont les premiers investisseurs. On peut donc s’interroger sur leur capacité d'investissement ».
La hausse attendue des investissements en 2021 sera-t-elle ainsi suffisante pour combler la baisse de 2020? Rien n’est moins sûr. D’autant que si la reprise se rapproche de son niveau de 2010, il faut la nuancer : « Si l’on intègre l’inflation, on constate qu’on serait finalement deux milliards d’euros en deçà du niveau de 2010, soit à peu près 10 %. Et encore davantage si l’on prend en compte la croissance démographique », a tempéré Luc Alain Vervisch, directeur des études de la Banque postale.
En outre, plusieurs incertitudes pèsent sur les ressources nécessaires à l’investissement. « Les incertitudes économiques, sanitaires, réglementaires induisent de nouvelles modifications dans la répartition des ressources à venir ; elles sont de nature à freiner le développement des investissements », rappellent les auteurs de l’étude.
Des incertitudes sur les recettes qui se multiplient, selon Philippe Laurent, coprésident de sa commission des finances de l’AMF, avec la question de la réforme de la taxe d’habitation qui n’est « pas totalement réglée » (« 6 000 communes n’ayant pas reçu de compensation intégrale » ), les craintes autour d’une éventuelle réforme de la taxe foncière ou encore la diminution du niveau de participation des départements au financement des investissements communaux et intercommunaux. Et le secrétaire général de l’AMF d’évoquer également la revalorisation de la rémunération des agents de catégorie C qui pourrait se faire ressentir sur les dépenses.
A ses yeux, « si l’on veut garder le niveau de service public actuel, créer de nouveaux équipements et rénover les autres, on ne peut pas échapper à une mise à plat de tout le système des finances publiques dans le but d’obtenir un partage des ressources publiques ».
En outre, les communes doivent composer avec une augmentation de l’indice de prix des dépenses communales (de 1,12 % à la fin du premier semestre 2021) « presque trois fois supérieur à l’inflation supportée par les consommateurs ». « Cette situation est à surveiller : il ne faudrait pas qu’elle réduise l’impact de l’effort budgétaire engagé en matière d’investissement ; ou plus spécifiquement, qu’elle vienne amputer l’accompagnement de la relance (en provoquant, couplée à des difficultés d’approvisionnement, des reports voire des arrêts des chantiers) et remettre en cause la qualité des services publics assurés par l’échelon local », met en garde La Banque postale dans la dernière mouture de son panier du maire.
Un point positif toutefois : « Il semble que l’année 2021 soit marquée par une amélioration. Cela reste à confirmer, mais on retrouve les tendances normales du cycle électoral » a nuancé Gisèle Rossat-Mignod, directrice réseau de la Banque des Territoires, qui a souhaité aussi voir « le verre à moitié plein ».
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