Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 10 janvier 2020
Ecole

Compensation aux communes de l'abaissement de l'âge de l'instruction : quel imbroglio !

Un décret et un arrêté sont parus au Journal officiel du 31 décembre 2019 pour l’application des nouvelles dispositions prévues par la loi École de la confiance sur l’abaissement à trois ans de l’âge de l’instruction obligatoire. Ces textes sont particulièrement importants pour les communes puisqu’ils sont censés fixer les règles de l’accompagnement financier versé par l’État aux communes et intercommunalités compétentes. Sauf que ces textes posent finalement presque plus de problèmes qu'ils n’en résolvent.

Traitement « inégalitaire » 
Rappelons le contexte : depuis le début des débats sur ce qui était alors le projet de loi École de la confiance, les communes se posent la question de savoir qui supporterait le surcoût engendré par l’abaissement à trois ans de l’âge de l’instruction obligatoire. Avec un problème particulier concernant les écoles maternelles privées, pour lesquelles le financement était jusqu’alors lié à un accord des communes et intercommunalités concernées. Pour tenter de le résumer : le gouvernement a prévu de compenser aux communes et EPCI les charges supplémentaires engendrées par cette loi – comme la Constitution l’y oblige. Il faudra donc calculer pour l’année scolaire 2019-2020 les coûts supplémentaires par rapport à 2018-2019, et l’État compensera, sur cette base, et « de façon pérenne », avec possibilité d'une réévaluation jusqu'à 2021-2022. Mais on parle bien de coûts supplémentaires – l’article 17 de la loi est on ne peut plus clair : « L'État attribue de manière pérenne à chaque commune les ressources correspondant à l'augmentation des dépenses obligatoires qu'elle a prises en charge (…) dans la limite de la part d’augmentation résultat directement de l’abaissement (…) de l’âge de l’instruction obligatoire ». 
Ce mécanisme laissait initialement supposer que seules les communes qui jusqu’ici ne finançaient pas les écoles maternelles privées, et qui devront désormais le faire du fait de cette nouvelle loi, se verraient bien financièrement accompagnées. Ce traitement « inégalitaire »  entre les communes, selon qu'elles avaient ou non donné un accord au financement, a été dénoncé, depuis le début de l’examen de ce texte, par l’AMF en particulier.

Ce que contient le décret
Les communes concernées espéraient que le décret d’application prévu à l’article 17 allait permettre d’y voir plus clair. Espoir déçu. 
Que dit le décret du 30 décembre ? Il rappelle que les communes sièges et de résidence sont désormais systématiquement tenues de prendre en charge les dépenses de fonctionnement des classes maternelles privées sous contrat d'association, pour les élèves domiciliés sur leur territoire, « dans les mêmes conditions que pour les classes correspondantes de l’enseignement public », et exception faite des salaires des enseignants, payés par l’État, comme cela était déjà prévu pour les classe élémentaires. 
En revanche, la participation, pour les élèves de moins de trois ans, est soumise à accord. Pour la commune siège, la participation doit  s’effectuer dans les mêmes conditions que pour les écoles maternelles publiques. S’agissant des communes de résidence, une participation est également possible dans le cadre d’une convention, dans la limite du coût d’un élève de l’école maternelle publique.

La demande d’attribution de ressources devra être adressée au rectorat « au plus tard le 30 septembre de l’année qui suit l’année scolaire au titre de laquelle (la commune) sollicite cette attribution. »  Les pièces exigées pour cette demande sont listées dans l’arrêté qui a été publié le même jour. 

Multitude de problèmes
Lors de l’examen de ce projet de décret au Conseil national d’évaluation des normes (Cnen), le 28 novembre dernier, les représentants des élus avaient soulevé une multitude des problèmes. D’abord, le fait que le dispositif prévoit donc que les communes feront l’avance des dépenses, et seront remboursées a posteriori. Ensuite, que les seules dépenses compensées, selon les termes du décret, sont les dépenses de fonctionnement et non d’investissement. Ils ont également rappelé le caractère « inéquitable »  du dispositif, évoqué plus haut : le système « pénalise les communes volontaires qui finançaient facultativement les établissements privés ». De surcroît, les représentants des élus au Cnen ont fait valoir qu’il s’avérerait complexe de démontrer, dès la rentrée prochaine, « le lien direct entre l’augmentation des dépenses obligatoires et l’abaissement de l’âge de l’instruction ». 
Un certain nombre de questions très concrètes se posent, auxquelles le décret ne répond pas, puisqu’il ne précise pas les modalités d’attribution de l’accompagnement financier selon le type de rapport entretenu par la commune avec l’école maternelle privée (communes sièges ayant ou non reconnu le contrat d’association et communes de résidence). Quid, par exemple, du cas des communes qui n’avaient pas donné un avis favorable au contrat d’association, mais qui versaient tout de même une contribution aux écoles privées ? Lors de la séance du Cnen, les représentants du ministère ont oralement déclaré que celles-ci pourraient bénéficier du dispositif d’accompagnement financier. Cela sera-t-il le cas ? Si oui, l'accompagnement financier sera-t-il intégral ou partiel ? Pour l’instant, ce n’est écrit nulle part. 
Quant aux communes qui avaient donné un avis favorable à la signature du contrat d’association, elles ne devraient donc pas bénéficier d’un accompagnement, sauf à pouvoir prouver une augmentation de leurs dépenses à la suite de la réforme (hausse du nombre d’élèves, recrutement d’Atsem…). Dans ce cas, le « delta », c’est-à-dire la différence entre les dépenses passées et les nouvelles dépenses, pourrait être pris en charge, selon les dires du ministère. Mais quand cela deviendra-t-il officiel ?
Toutes ces questions – et un certain nombre d’autres – n’ont, à cette heure, pas de réponse du côté du ministère. Ce qui pose un réel problème au moment où les communes préparent leur budget pour 2020. Les élus devraient alors, pour le moins, connaître les implications financières précises d’une réforme votée il y a plus de six mois.

Franck Lemarc

Télécharger le décret et l’arrêté.

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