Écoles supérieures d'art et de design territoriales : un rapport pointe le manque de cohérence de l'État
Par Lucile Bonnin
La ministre de la Culture Rima Abdul Malak avait demandé en mai dernier à Pierre Oudart, directeur général de l'Institut national supérieur d'enseignement artistique Marseille Méditerranée (Inseamm), de « conduire une mission-flash relative aux écoles supérieures d’art et de design territoriales » qui traversent un « contexte de grande tension ».
Pour rappel, on compte actuellement 33 écoles supérieures d’art et de design territoriales. Ces établissements étaient auparavant des régies municipales créées à l’initiative des communes. Elles sont devenues, « pour la quasi-totalité » des établissements publics de coopération culturelle (EPCC) en 2011 et sont « financées très majoritairement par les collectivités ».
Le 29 mars 2023, le cabinet de la ministre de la Culture et la Direction générale de la création artistique (DGCA) avaient réuni les associations d’élus pour échanger sur la situation préoccupante des écoles d’arts territoriales. En effet, voilà plusieurs années que les acteurs locaux dénoncent une situation critique pour ces écoles qui sont endettées, car elles doivent faire face à la baisse drastique des dotations de l’État. La ministre avait alors annoncé un fonds de 2 millions d’euros pour ces établissements… « en attendant qu’une énième mission rende ses conclusions d’ici la fin de l’année », comme le pointait France urbaine dans un communiqué. Six mois plus tard, ces conclusions ont été dévoilées.
Les EPCC en crise
Les EPCC ont rencontré, selon l’auteur du rapport, « dès la rentrée 2022, d’importantes difficultés budgétaires, et ce, pour au moins trois raisons principales : l’augmentation du point d’indice sur lequel est indexé le traitement des agents publics ; l’inflation, notamment sur les fluides qui, à ressources égales, amenuisait leur marge d’action ; dans certains cas, plus rares, la baisse des contributions financières des collectivités ou la hausse continue des loyers des bâtiments, entraînant des conséquences équivalentes » .
Cette crise conjoncturelle a révélé « les défauts de structure » de ces établissements particuliers. En effet, sur les 43 écoles supérieures publiques d'art et de design réparties sur l'ensemble du territoire français et délivrant des diplômes nationaux, 10 sont des écoles nationales sous tutelle du ministère de la Culture et 33 écoles dites « territoriales ». Ces dernières relèvent principalement des collectivités et « bénéficient à ce titre d'un soutien financier du ministère de la Culture qui représente en moyenne environ 11 % de leurs ressources globales » , comme l’explique la ministre de la Culture. Catherine Morin-Dessailly, sénatrice de la Seine-Maritime, a dénoncé en mai dernier, dans une question écrite au gouvernement, l’« écart de traitement entre d'une part ces écoles territoriales et d'autre part les écoles nationales, financées en intégralité par le ministère de la culture » .
Selon Pierre Oudart, d’un point de vue juridique, « les établissements publics de coopération culturelle qui délivrent des diplômes valant grade universitaire sont des établissements culturels financés par les collectivités sur la base de la clause de compétence générale "culture", mais aussi des établissements d’enseignement supérieur ». Ils doivent donc être « accrédités comme tels » et « relèvent à ce titre, aussi, des dispositions législatives et réglementaires relatives à ces établissements » qui dépendent de l’État. « Le fait de ne pas être reconnus de l’une et de l’autre manière à la fois, est l’une des causes, parmi les premières, de leur fragilité actuelle », pointe le rapporteur de la mission qui invite sans détour l’État à « appliquer la loi ».
Préconisations
Afin de « clarifier l’épineux problème du financement », l’auteur du rapport propose de distinguer dans la définition des contributions financières « ce qui relève de la masse salariale, et partant, du fonctionnement courant de l’établissement, qui doit être financé par les collectivités, de tout ce qui relève des enseignements, de la recherche, des diplômes, de la vie étudiante, des bourses et des investissements, qui peut être partenarial avec l’État ou des collectivités non fondatrices de l’EPCC » .
Côté finances, il est aussi préconisé d’engager une concertation interministérielle avec le ministère chargé des Collectivités territoriales sur « un coup de pouce sur la dotation globale de fonctionnement des collectivités et de leurs groupements qui financent » ces établissements et sur la « revalorisation des cadres d’emploi de la filière culturelle de la fonction publique territoriale » . L’auteur propose aussi « d’objectiver l’apport financier de l’État pour le rendre plus équitable » et de « confier aux préfets une mission pour élargir le tour de table des financeurs » . La révision des statuts de ces établissements publics est aussi suggérée ainsi que la signature plus systématique de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens.
Enfin, il apparaît nécessaire de « dépasser le cadre de la présente mission et… d’aller plus loin » . Comme l’indique l’auteur, « si les lois Notre et Maptam ont clairement donné aux collectivités et à leurs groupements des compétences en matière de soutien à l’enseignement supérieur, le Code général des collectivités territoriales (CGCT) pourrait être plus clair en ce qui concerne les enseignements artistiques ». Pierre Oudart suggère de « reprendre les articles relatifs aux enseignements artistiques de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locale, dite loi Raffarin. Ces modifications viseraient, d’une part, à ce que les dispositions qui avaient été prévues alors pour le spectacle vivant soient réellement appliquées, une fois modifiées ; d’autre part à les étendre aux arts plastiques » . Un véritable travail législatif et réglementaire est à engager.
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