Maire-info
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Édition du mardi 10 octobre 2023
Logement social

Attribution de logements sociaux : les sénateurs veulent renforcer le rôle des maires

La chambre haute examine aujourd'hui, en séance, une proposition de loi qui prévoit d'accorder au maire la présidence de la commission d'attribution des logements sociaux et de lui octroyer un droit de véto.

Par A.W.

« Renforcer le rôle des maires »  dans l’attribution des logements sociaux. C’est ce que comptent faire les sénateurs, pour leur rentrée, à travers une proposition de loi – déposée par la sénatrice LR des Yvelines, Sophie Primas – qu’ils examineront aujourd’hui, dans l’hémicycle. 

Un travail parlementaire qui intervient une semaine après que le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a annoncé, lors du Congrès HLM, vouloir aller dans cette direction en « redonn[ant] du pouvoir aux élus locaux dans les attributions de logements », confirmant par là même la volonté d’Emmanuel Macron, évoquée après les émeutes de juin dernier, de vouloir travailler dans ce sens.

Attribuer « la moitié des nouveaux logements » 

Déjà adopté en commission des affaires économiques la semaine dernière, ce texte compte « redonner la main aux maires »  en leur donnant davantage de poids dans les commissions d’attribution des logements sociaux et d’examen de l’occupation des logements (Caleol). Un poids plus « cohérent avec les responsabilités politiques et juridiques qui sont les leurs pour assurer le logement de leur population et le développement de leur commune », selon l’exposé des motifs du texte.

Pour cela, les 80 sénateurs signataires de la proposition de loi proposent de leur accorder désormais la présidence de ces commissions d’attribution. A noter que dans le cadre des Caleol réunie au format intercommunal, ce seront les présidents d'intercommunalités qui présideront. 

Actuellement, si « les maires ont un rôle central dans le développement du logement social au travers des permis de construire et de la garantie des emprunts, […] cette centralité ne leur est pas reconnue dans l'attribution des logements, qui leur échappe largement », a souligné la rapporteure et présidente de la commission des Affaires économiques Dominique Estrosi-Sassone (LR), lors de l’examen de la proposition de loi en commission, avant de rappeler que ces derniers « pèsent peu dans les commissions d'attribution à côté de l'État ou des organismes HLM, étant chacun seul parmi une dizaine de membres ».

En commission, les sénateurs ont d’ailleurs décidé de donner aux maires un droit de veto (plutôt qu'une voix prépondérante en cas de partage) sur les attributions et de leur déléguer « systématiquement »  les droits de réservation de logements de l’État lors de la première attribution d’un programme neuf.

« Naturellement, ce veto devrait être motivé au regard des règles d'attribution, mais il pourrait par exemple s'appuyer sur la qualification du parc social et de son occupation établie par le bailleur et d'ores et déjà prévue par les textes », a détaillé Dominique Estrosi-Sassone, à l’origine de cet amendement.

S’agissant de la généralisation de la délégation au maire des droits de réservation de l'Etat, la sénatrice des Alpes-Maritimes a assuré que « cela redonnerait une vraie capacité au maire pour maîtriser le peuplement d'une résidence en lui donnant la possibilité d'attribuer environ la moitié des nouveaux logements ». En outre, elle a estimé que « cela paraît également de nature à soutenir la construction de nouveaux logements sociaux […] en permettant de répondre à la demande locale, et donc de légitimer ce type de construction par rapport aux critiques récurrentes que nous connaissons ».

Besoin d’un « cadre beaucoup plus large » 

Des mesures qui ont surtout suscité le scepticisme du côté des oppositions, de gauche notamment. S’il y voit « une première étape », le sénateur communiste de la Seine-Saint-Denis, Fabien Gay, a ainsi estimé qu’un « débat très large sur le logement »  sera nécessaire.

Les socialistes ont aussi réclamé, par la voix de Franck Montaugé (Gers), un « cadre beaucoup plus large »  avec un « important débat au Parlement pour embrasser toutes les problématiques ». « La question du peuplement est centrale, mais elle ne peut être traitée à l'échelle d'une commune ou d'une intercommunalité ».

De son côté, le tout nouveau sénateur écologiste de Paris Yannick Jadot a dénoncé ce qu’il a qualifié de « droit d'exclure », se disant opposé à une « forme de discrimination par le nom ou l'origine ».

Alors que Sophie Primas a demandé le « soutien »  du gouvernement sur ce texte, le représentant de la majorité présidentielle au Sénat, Bernard Buis (Drôme, RDPI) a assuré que son groupe n’était « pas contre le principe »  de ce texte, mais était plutôt « sceptique »  sur le veto qui « n'est qu'un refus », ne voyant pas « en quoi il améliorerait les problèmes de construction en France ».

À noter que « ce texte ne modifie pas les règles définissant les publics prioritaires découlant de la mise en œuvre du droit au logement opposable ou encore la future mise en œuvre de la gestion en flux et de la cotation des demandes à partir de la fin de cette année ».

Le gouvernement, de son côté, tablait ces dernières semaines plutôt sur une grande loi de décentralisation de la politique du logement pour « le premier semestre 2024 ». « Je préfère la politique des petits pas », a rétorqué Sophie Primas qui a rappelé qu’il n’y a « pas de date pour cette grande loi, donc il nous faut un acte opérationnel tout de suite ».

Plus globalement, sur la question de la crise du logement, l’AMF a appelé, hier, dans un communiqué, l’exécutif à « changer de stratégie »  en jugeant que la situation actuelle résultait « notamment d’un ensemble de décisions prises »  par ce dernier.

« Face à l’urgence », les maires réclament ainsi que « l’Etat assume vite ses prérogatives, pour renouer de façon pérenne avec un modèle économique de production de logement, et de logement social en particulier, financièrement équilibré »  afin de « réhabiliter l’acte de construire, tout en maintenant des objectifs ambitieux en matière de rénovation du parc ».

« Faute de mesures correctives prises rapidement, la crise va s’installer de manière durable », estime l’association, pour qui « la première cause de cette crise est la pénurie de foncier, résultant de la conjonction des trop nombreux dispositifs d’encadrement de l’usage, dont le dernier en date est le ZAN », ce qui « limite la construction et renchérit les terrains destinés au logement ». Et celle-ci de pointer également, outre le contexte économique, « l’exigence croissante des normes de construction [et] s’appliquant à la location » , mais aussi toute une série de désengagement de l’Etat de la politique du logement (baisse des APL, fin du dispositif Pinel, resserrement du PTZ…) et « la fin de l’aide aux maires bâtisseurs, la non-compensation des exonérations de taxe foncière sur le logement social et la suppression de la taxe d’habitation ».

Consulter la proposition de loi.

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