Sécheresse : l'état de catastrophe naturelle n'est pas « pertinent » pour faire face aux « lourdes pertes » subies par les communes touristiquesÂ
Par A.W.
La question date de l’automne dernier, mais elle est particulièrement d’actualité alors qu’un record de jours sans pluie frappe le pays et que des restrictions d'eau inédites se profilent dès le mois de mars. Quelle aide apportée aux communes touristiques touchées par la sécheresse ?
Le sénateur du Var Michel Bonnus (LR) avait posé la question au gouvernement, en octobre dernier, et vient d’obtenir, hier, une réponse de la part du ministère de l’Intérieur… au moment même où son département est, de nouveau, confronté aux aléas climatiques et vient de voir 85 de ses communes être déclarées en alerte sécheresse en ce mois de février.
Pas de « lien direct »
Alertant sur les « lourdes pertes » subies par les communes exploitant des infrastructures touristiques - telles que des campings municipaux et des bases nautiques – du fait du grave épisode de sécheresse de 2022, Michel Bonnus en appelait au « soutien de l'État » via la mise en place « d'aides financières et de mécanismes de sortie de crise ». Et rappelait, au passage, que ces infrastructures constituent « souvent de gros employeurs » localement.
« Certaines de nos communes subissent d'ores-et-déjà les effets du dérèglement climatique et des épisodes de sécheresse qui en découlent », ce qui affecte « durement » leur attractivité touristique.
Citant le cas des communes situées sur les rives du lac de Sainte-Croix (dans le territoire du Verdon) - qui ont connu « une chute de leur fréquentation touristique en raison des restrictions liées à la baisse exceptionnelle du niveau d'eau du lac », mais aussi d’« une campagne médiatique négative » et « des arrêtés préfectoraux interdisant les activités nautiques » - , le sénateur regrettait que celles-ci aient dû faire face à « de nombreuses annulations de séjours », tout en étant dans l’impossibilité de « proposer certaines activités nautiques ».
Pour y faire face, il estimait que « la déclaration de l'état de catastrophe naturelle et touristique », pour le territoire du Verdon notamment, serait « un premier pas et une aide considérable qui permettrait à ces communes d'activer leurs assurances ».
Un « premier pas » qui ne viendra pas puisque le ministère de l’Intérieur fait savoir, dans sa réponse, que les conséquences économiques de l'épisode de sécheresse exceptionnelle de l'année dernière « n'entrent pas dans le champ d'application du régime de la garantie "catastrophe naturelle" », celle-ci ne couvrant que « les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel ».
Alors que la loi exige qu'il y ait donc « un lien direct » entre l'événement naturel et les dégradations matérielles constatées pour que les assureurs prennent en charge leur réparation (comme dans le cas d’une inondation d'ampleur ou d’un séisme de forte intensité), l'épisode de sécheresse de 2022 n'est, « en l’espèce », « pas à l'origine de dommages matériels sur les biens des entreprises et des collectivités territoriales affectés à l'activité touristique », selon l'exécutif, qui souligne qu’il en est « de même des pertes d'exploitation des entreprises liées à une baisse de la fréquentation touristique ; seules les pertes causées par des dégâts matériels aux biens pourraient être prises en charge ».
« La reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ne constitue donc pas un dispositif d'aide et d'indemnisation pertinent pour faire face aux conséquences économiques de l'épisode de sécheresse de l'année 2022 », affirme donc le ministère.
Ressources en eau : concertations, conventions, aides…
Le sénateur du Var avait, par ailleurs, enjoint à s’interroger sur « l'avenir à plus long terme de ces communes » qui devraient encore subir régulièrement les conséquences des aléas climatiques et réclamé « des solutions pour assurer un niveau d'eau convenable » dans les lacs de manière générale (et celui de Sainte-Croix, dans ce cas précis) via « des concertations avec les gestionnaires des barrages hydroélectriques », par exemple.
Sur ce point, le ministère rappelle que « des concertations locales, débouchant sur la signature de conventions, peuvent amener à trouver des solutions adaptées à chaque territoire ».
En outre, en dehors de ces conventions et « lorsqu'un aménagement hydraulique autre que ceux concédés ou autorisés permet la régulation du débit d'un cours d'eau ou l'augmentation de son débit en période d'étiage », « tout ou partie du débit artificiel peut être affecté, par déclaration d'utilité publique (…) pour une durée déterminée, à certains usages », explique-t-il, précisant que « cette affectation d'une partie du débit s'applique aussi aux aménagements hydrauliques concédés ou autorisés à condition qu'elle soit compatible avec la destination de l'aménagement, le maintien d'un approvisionnement assurant la sécurité du système électrique et l'équilibre financier du contrat de concession ».
Par ailleurs, le gouvernement liste les diverses aides financières mobilisables par les collectivités pour leurs projets en matière d'eau et d'assainissement, via les agences de l'eau, le dispositif « Aqua Prêt » de la Caisse des dépôts et consignations et la Banque des territoires, ainsi que les dotations de soutien à l'investissement local (DETR, DSIL, DSID, DPV). « Les collectivités qui portent de tels projets bénéficient d'une dérogation à l'obligation de participation minimale du maître d'ouvrage : leur taux de participation peut être abaissé à 10 % (au lieu de 20 %) du montant total des financements apportés par des personnes publiques », indique également le ministère.
La France en « état d’alerte »
Des précisions d’autant plus utiles que l’année 2023 s’annonce, elle aussi, particulièrement difficile du point vue climatique.
Après un nouveau record de plus d’un mois sans pluie significative et un hiver très sec qui mettent en péril le rechargement des nappes phréatiques, déjà épuisées par la sécheresse historique de l’an passé, la France se retrouve en « état d’alerte », selon les mots du ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, sur Francetvinfo, à la veille de la réunion du Comité d'anticipation sur les risques de sécheresse.
« Dès lundi, avec les préfets, on va regarder où nous en sommes. C’est l’hiver le plus sec depuis 1959 », a ainsi expliqué, mercredi, Christophe Béchu. De façon exceptionnelle pour un mois de février, certains cours d’eau sont déjà à sec et un certain nombre de communes ont déjà été placées en alerte sécheresse, voire en alerte sécheresse renforcée.
Les nappes phréatiques ont « deux mois de retard en termes de remplissage », selon le ministre qui a prévenu que des mesures de restrictions « soft » seraient mises en place dès la semaine prochaine « pour éviter des situations catastrophiques » cet été.
Il a ainsi appelé « dès maintenant » à faire des efforts, notamment sur le remplissage des piscines. Si le déficit des nappes phréatiques est « rattrapable », il nécessitera « un mois de mars pluvieux », selon Christophe Béchu qui a rappelé, par ailleurs, qu'un « grand plan » sur l'eau d’une « cinquantaine de mesures » sera présenté « d'ici quelques jours ».
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