Maire-info
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Édition du mardi 10 mai 2022
Climat

Sécheresse : 10 départements déjà en alerte, « impact » sur la production céréalière annoncé

Alors que la France connaît un déficit de précipitations de 35 % depuis le début de l'année, 15 départements sont touchés par la sécheresse et des restrictions d'eau. La production de céréales devrait être touchée avec une perte de rendement pouvant aller « jusqu'à 40 % », selon la FNSEA.

Par A.W. avec AFP

Des températures qui dépassent les 30 °C dans certaines régions cette semaine et un déficit de précipitation de 25 % en avril. La situation pluviométrique n’est pas rassurante en France et plusieurs départements sont déjà fortement touchés par la sécheresse. Les températures à venir pourraient ne pas arranger les choses.

Une sécheresse qui va s’accentuer

Ce déficit de précipitations n’est pourtant pas une nouveauté en 2022. « Depuis le début d'année 2022, les pluies ont été déficitaires de près de - 35 % sur la France et le mois d'avril s'est de nouveau achevé avec un déficit pluviométrique de - 25 % à l'échelle du pays », rappelle le site de Météo Paris, dans un point de situation réalisé hier par le météorologiste Guillaume Séchet. 

En conséquence, « les sols se montrent de plus en plus secs à l'approche de la saison chaude avec un indice d'humidité des sols inférieur de 30 à 50 % à la normale du sud-est au centre-ouest et au nord », indique-t-il. 

Dans son dernier point datant de début avril, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) estimait que la situation des nappes phréatiques était déjà « à surveiller ». « En février et mars 2022, la situation s’est rapidement dégradée et les pluies insuffisantes ont fortement impacté l’état des nappes. En avril, les tendances des nappes devraient être orientées à la baisse », prévoyait-il.

Résultat, 15 départements français sont d’ores et déjà touchés par la sécheresse (dix d’entre eux ont même déjà dépassé le seuil d'alerte) avec un usage de l’eau qui a été limité. Comme dans le Vaucluse, par exemple, dès le mois d’avril avec des prélèvements d’eau qui ont été réduits de 20 %, le lavage des véhicules et le remplissage des piscines ont été interdits, ainsi que l’arrosage des potagers et des terrains de sport entre 9 et 19 heures.

« La chaleur de ces prochains jours aura pour effet d'accentuer la sécheresse sur la France, notamment sur le Nord où les précipitations restent absentes », prévient Guillaume Séchet. L’intensité de la sécheresse devrait ainsi devenir « exceptionnelle »  le 15 mai dans des zones comprenant grossièrement les régions Bretagne et Grand-Est, ainsi qu’une partie des Hauts-de-France (voire la carte ici). « Une situation inquiétante avant l'arrivée de l'été », selon le météorologiste.

La sécheresse deviendrait même « préoccupante dans de nombreuses régions », selon La Chaîne météo, qui juge que « les quelques pluies sous orage cette semaine ne seront pas suffisantes pour améliorer la situation ». « On va vers des journées favorisant l'assèchement progressif des sols, qui sont bien plus secs que la normale dans certaines régions, le Sud-Est notamment mais aussi le Nord-Pas-de-Calais. La situation est donc à surveiller », confirme le prévisionniste à Météo France, Patrick Galois, dans un entretien à Franceinfo.

Un « épisode de chaleur remarquable », pas une canicule

Pour ce qui est des températures, ce dernier explique toutefois qu’à la fin du printemps, « c'est un phénomène assez classique d'avoir ces premières poussées estivales [qui] se traduisent par du temps sec et chaud »  et que « ce genre de coup de chaud a déjà été observé par le passé à cette période ». Reste que Météo France le juge « remarquable par sa précocité, sa durabilité et son étendue géographique ».

Pour la saison, on ne peut toutefois parler que d'un « épisode de chaleur remarquable »  et pas de « vague de chaleur »  (notion pourtant utilisée par La Chaîne météo) que l’on évoque « lors d'épisodes qui s'accompagnent d'une canicule pendant la période estivale, à partir du mois de juin », souligne Patrick Galois. « Dans ces cas-là, les températures peuvent approcher les 20 °C la nuit, ce qui n'est pas le cas au mois de mai », où les températures restent fraîches durant la nuit. 

« Aucune conséquence sur la santé n'est donc à redouter », assure-t-il. 

Rendements des céréales affectés

Ce qui n’est pas le cas pour la croissance des céréales, qui devrait être touchée. Le blé, en pleine croissance, manque d'eau alors que la chaleur promet de durer : la sécheresse qui frappe l'ensemble de la France aura donc « un impact sur la production des céréales », a prévenu hier le ministère de l'Agriculture à l’issue d’un point de situation avec les agences de l'eau et les professionnels du monde agricole.

« Les cultures d'hiver, comme le blé ou l'orge, qui sont aujourd'hui en phase de développement, commencent à connaître des situations qui vont affecter les rendements »  même s'il est « encore beaucoup trop tôt pour avoir une évaluation précise », a-t-on indiqué. 

Le syndicat agricole majoritaire, la FNSEA, a également dressé un bilan peu rassurant à l’AFP par la voix de sa présidente, Christiane Lambert. Selon elle, « aucune région n'est épargnée. Chaque jour qui passe, on voit des sols se craqueler. Si cela continue comme ça, ceux qui ont la possibilité d'irriguer vont s'en sortir, les autres auront des baisses de rendement dramatiques ».

Selon Joël Limouzin, chargé des situations d'urgence à la FNSEA, le risque est de connaître « une perte de rendement qui peut aller jusqu'à 40 % [pour le blé notamment] si le temps reste sec pendant plusieurs semaines », celui-ci s’inquiétant notamment pour les grandes plaines céréalières de Beauce et de Bourgogne.

L'absence de pluie, si elle perdure, affectera aussi les cultures de printemps, comme le tournesol, la betterave et le maïs, a souligné le ministère, qui évoque aussi la situation délicate des fourrages alors que les pousses d'herbes, qui étaient jusqu'à présent plutôt meilleures que d'habitude, ralentissent.

Flambée des prix 

Le gouvernement a ainsi annoncé que le guichet ouvert en avril pour aider les agriculteurs à faire face au changement climatique et initialement doté de 20 millions d'euros, allait être abondé « de 20 millions supplémentaires ». 

Fin avril, il avait également autorisé les agences de l'eau à dépenser 100 millions d'euros supplémentaires pour aider les filières agricoles à s'adapter ou créer des retenues d'eau, mais aussi afin de « soutenir les collectivités territoriales dans leurs initiatives visant à économiser l’eau et éviter toute pénurie d’eau potable : lutte contre les fuites dans les réseaux, interconnexions de sécurité »  (lire Maire info du 4 mai).

Une situation qui s’ajoute à la guerre en Ukraine, qui a entraîné une hausse des prix des denrées alimentaires (en plus de celle de l’énergie). De mars 2021 à mars 2022, les prix agricoles à la production ont déjà augmenté de 26,8 %, tandis que le prix des céréales comme le blé tendre ou encore le maïs a flambé de 68,6 %, et celui des oléagineux de 70,8 %, par rapport au même mois de l'année précédente. 

La météo des prochains mois jouera donc un rôle essentiel. Pour l’heure, le scénario le plus probable jusqu’en juillet est un scenario « plus chaud que la normale »  en France concernant les températures et « plus sec que la normale »  sur le sud de la France pour ce qui est des précipitations. Dans ce dernier cas, « aucun scénario ne se dégage sur la moitié nord de la France », indique Météo France
 

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