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Édition du lundi 13 janvier 2025
Budget

La Cour des comptes demande d'en finir avec des dispositifs d'aides exceptionnelles jugés dépassés

La Cour des comptes s'est penchée sur les dispositifs d'aides exceptionnelles mises en œuvre par l'État à la suite de la série de crises qui ont touché le pays entre 2019 et 2022, et a identifié des pistes d'économies en la matière.

Par Franck Lemarc

C’est la continuation de la « revue de dépenses »  initiée par Gabriel Attal il y a un an : celui qui était alors Premier ministre avait demandé à la Cour des comptes de passer en revue les dépenses de l’État – et des collectivités – pour tenter de trouver quelques milliards à économiser, au vu du creusement du déficit de l’État. 

Le dernier rapport en la matière de la Cour des comptes porte sur les dispositifs de crise mis en œuvre entre l’épidémie de covid-19 (2019-2020), la crise de l’énergie et la crise inflationniste (2022-2023). Pendant cette période, rappelle la Cour, « l’État a apporté un soutien sans précédent à de nombreux secteurs de la société », sous la forme de « subventions, prêts, investissements en fonds propres, mesures fiscales ». Ainsi, le « plan d’urgence »  post-covid-19, en mars 2002, a représenté 79 milliards d’euros, le plan de relance, six mois plus tard, 70 milliards d’euros, et le plan de soutien face à la crise énergétique, en mars 2022, 86 milliards d’euros. 

Ces dépenses étaient indiscutablement nécessaires, relève la Cour, mais elles se sont partiellement poursuivies « alors que les crises qui les justifiaient sont globalement résorbées ». 

Le soutien à l’apprentissage dans le viseur

C’est ce reflux « incomplet »  des mesures exceptionnelles que pointe la Cour des comptes, qui estime que 1,5 milliard d’euros de dépenses budgétaires et 1,16 milliard d’euros de dépenses fiscales pourraient être économisés sur ces postes, en mettant fin à des dispositifs jugés dépassés ou mal calibrés. Les magistrats financiers appellent le gouvernement à mettre ces économies en œuvre dès le budget 2025. 

Le dispositif le plus critiqué par la Cour des comptes est celui du soutien à l’apprentissage des jeunes : elle demande « d’engager le repli du soutien de l’État », notamment en diminuant le montant de l’aide à l’embauche. La Cour rappelle que le soutien public à l’apprentissage a atteint plus de 16 milliards d’euros en 2023, et a créé des « effets d’aubaine »  dommageables. Les entreprises du secteur privé ont largement profité de ces dispositifs (+ 270 % de contrats d’apprentissage entre 2018 et 2023). Mais ceux-ci sont mal ciblés, explique la Cour des comptes : alors que le nombre de jeunes sans diplômes entrant en apprentissage n’augmente qu’assez peu, celui des jeunes très diplômés (bas + 3 et plus) a explosé, passant de 67 000 en 2018 à 328 000 en 2022. Il convient donc de réorienter les aides vers les jeunes les moins diplômés, estime la Cour, et de revenir sur les aides très importantes accordées à toutes les entreprises (6 000 euros). La Cour propose de réserver les aides aux seules entreprises de moins de 250 salariés, et uniquement pour l’embauche d’apprentis  de niveau CAP à Bac. 

Mesures fiscales

La Cour cible ensuite les aides mobilisées au moment de la crise énergétique et inflationniste. Elle estime que ces aides auraient un impact sur le déficit de 2024 estimé à 5,4 milliards d’euros, alors que la hausse des prix a fortement ralenti et que les prix de l’énergie sont revenus à la normale. La Cour propose donc de supprimer au moins deux mesures de soutien au pouvoir d’achat des ménages : la hausse du barème kilométrique et le relèvement du plafond du crédit d’impôt pour garde d’enfant. 

La première mesure (baisse de 14 % du barème fiscal kilométrique) générerait un gain de 400 millions d’euros d’impôts sur le revenu dès 2025 ; la seconde (ramener de 3 500 à 2 500 euros le plafond de dépenses  éligibles au crédit d’impôt pour frais de garde des enfants âgés de moins de six ans) amènerait une recette de 200 millions d’euros pour les finances de l’État. 

Bonus écologique

Les magistrats pointent la politique forestière de l’État, et particulièrement les crédits dédiés au renouvellement forestier, qui ont été triplés en 2024 (passant de 80 à 250 millions d’euros). Ils jugent irréaliste l’objectif fixé en 2024 d’une plantation d’un milliard d’arbres en 10 ans, et critiquent la hausse des crédits consacrés à la plantation nette de 7 000 km de haies par an. 

De même, les aides dédiées au verdissement de la flotte automobile sont, d’après la Cour, mal calibrées et même contre-productives – les magistrats regrettent que le gouvernement ait « ralenti »  la convergence du prix du gazole non routier et du gazole courant, ce qui « retarde le renouvellement des flottes du secteur du BTP ». Par ailleurs, ils proposent que le bonus à l’achat d’un véhicule électrique soit supprimé pour les véhicules les plus lourds (plus de 1 925 kg). Enfin, ils soulignent que ces aides à l’achat de véhicules électriques profitent essentiellement aux ménages les plus aisés. Ils demandent donc un « nouvel ajustement des barèmes selon les tranches de revenus ». 

Toutes ces mesures, mises bout à bout, ne permettraient qu’environ 3 milliards d’économies ou de recettes supplémentaires en 2025, reconnaît la Cour, ce qui ne représente qu’une « petite partie des efforts »  à réaliser pour revenir à une situation financière plus saine. Pour autant, jugeant que les petites rivières font les grands fleuves, la Cour appelle à les mettre en œuvre « résolument », pour « achever une sortie de crise qui a déjà tardé ». 

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