Emmanuel Macron accuse les collectivités d'être responsables de la dérive des comptes publics
Par Franck Lemarc
Emmanuel Macron est à la Une de L’Express cette semaine, dans le cadre d’une longue interview intitulée « On garde la cap car notre stratégie est la bonne. » Toute la première partie de cette interview est consacrée à la question du déficit public, qui s’est établi à 5,5 % du PIB l’an dernier, bien au-delà des prévisions déjà pessimistes du gouvernement.
« Pas de dérapage des finances de l’État »
Dans un long plaidoyer pro domo, le chef de l’État balaye les critiques en jugeant que la stratégie du gouvernement, « une politique d’offre destinée à remuscler notre appareil productif », est la bonne. Pour Emmanuel Macron, c’est la crise des Gilets jaunes, puis le covid-19 et le « quoi qu’il en coûte » , la guerre en Ukraine et la crise énergétique, qui ont rebattu les cartes alors que le déficit était « maîtrisé » . « Nous avons accumulé une dette covid, puis une dette de protection face à la guerre en Ukraine et à l’inflation. Cette politique (…) était nécessaire ».
Au chapitre des réussites de son gouvernement, Emmanuel Macron souligne « un bilan inédit » sur le plan fiscal, avec « 60 milliards d’impôts en moins, 30 sur les ménages et 30 sur les entreprises » .
Reste que le trou des finances publiques continue de se creuser (173 milliards d’euros en 2023, soit 21 milliards de plus que l’année précédente). Le chef de l’État a une explication simple : les recettes fiscales ont diminué du fait du ralentissement de l’activité économique. Et il ajoute : « Hormis une dérive des dépenses initialement prévues qui est du fait des collectivités territoriales, il n’y a pas de dérapage de la dépense de l’État » .
Les collectivités locales sont donc, pour le locataire de l’Élysée, seules responsables du dérapage budgétaire de 2023.
Contre-vérité
Ces déclarations du chef de l’État, notamment sur le fait qu’il « n’y a pas de dérapage de la dépense de l’État » , ont dû en faire sursauter plus d’un, tant du côté de la Cour des comptes que de celui de la commission des finances de l’Assemblée nationale, qui chacun ont alerté l’État, bien au contraire, sur la dérive de ses dépenses. On peut rappeler, par exemple, les déclarations sévères de Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, lors d’une audition par le Parlement au mois d’avril. « Quand j’étais venu présenter le rapport sur le budget de l’État, j’avais parlé de 2023 comme d’une année blanche. […] En réalité, c’était une année noire qui s’est révélée pour les finances publiques de l’État. […] Sur les dépenses, il y a un constat clair et décevant : nous n’avons pas profité du reflux des dépenses exceptionnelles de crise et de relance pour diminuer les dépenses de l’État et réduire le déficit. » Pierre Moscovici chiffrait alors, pour 2023, les « nouvelles mesures » à 15 milliards d’euros, auxquelles il fallait ajouter « 14,5 milliards de dépenses ordinaires » et « 6 milliards de masse salariale » , du fait de l’augmentation du point d’indice et de l’embauche par l’État de presque 9 000 équivalents temps plein.
« Déclaration provocatrice »
Les principales associations d’élus n’ont pas tardé non plus à répondre à ces propos : l’AMF, Régions de France et Départements de France ont publié conjointement, vendredi soir, un communiqué au ton particulièrement agacé : « Non, M. le président de la République, les collectivités locales ne sont pas responsables de la dérive des finances publiques ! ».
Les trois associations qualifient les déclarations d’Emmanuel Macron de « déloyales » et tiennent à remettre les points sur les i, en rappelant que la hausse – bien réelle – des dépenses des collectivités ne relève pas d’un choix des élus mais d’un facteur exogène – l’inflation et la hausse des taux d’intérêts – et de choix… de l’État, comme « le transfert de charges de l’État vers les collectivités » ou la décision de celui-ci d’augmenter le point d’indice ou « les allocations sociales versées par les départements et les CCAS ».
Loin d’être responsables du déficit public (il faut rappeler, encore une fois, que les collectivités n’ont pas le droit de voter un budget qui ne soit pas à l’équilibre et que, contrairement à l’État, elles ne peuvent emprunter pour financer leurs dépenses de fonctionnement), les collectivités, affirment les trois associations, « contribuent depuis des années à améliorer les comptes publics, tandis que l’État connaît un dérapage structurel de ses dépenses ». La dette des collectivités, rappellent-elle également, a « légèrement baissé en 30 ans » , passant de 9 % du PIB en 1995 à 8,9 % en 2023, quand dans le même temps, celle de l’État « s’est envolée », passant de 40,1 à 89,7 % du PIB.
Les trois associations concluent leur communiqué avec des mots durs : « Cette déclaration provocatrice porte une nouvelle atteinte à la confiance pourtant nécessaire entre l’exécutif et les élus locaux. Il s’agit manifestement d’une tentative de détournement de l’opinion publique par le président de la République, pour occulter la lourde responsabilité de l’exécutif sur la dégradation des comptes publics du pays. »
Rappelons que les élus sont toujours dans l’attente des mesures annoncées en début d’année par le gouvernement pour faire contribuer les collectivités à « la réduction des dépenses publiques ». Les déclarations du chef de l’État ne laissent rien présager de bon.
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