Le Parlement approuve de justesse des coupes et des crédits supplémentaires pour les collectivités
Par A.W.
Un vote in extremis. Députés et sénateurs ont réussi à boucler le budget de l’année 2024 en adoptant définitivement, hier, quelques minutes avant l’examen et l’adoption de la motion de censure, le seul et unique texte budgétaire de l’ère Barnier qui aura été à son terme.
Après avoir connu une commission mixte paritaire (CMP) conclusive, la veille, le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) permettra de fixer les ultimes ajustements budgétaires pour l’année en cours et d’éviter, par là même, certaines situations problématiques, si ce n’est « dramatiques » pour la Nouvelle-Calédonie notamment.
Afin que le déficit public de la France ne dérape pas au-delà de 6,1 % du PIB cette année (une dérive importante par rapport au déficit de 4,4 % du PIB qui était prévu dans le projet budget initial pour 2024), ce texte prévoit plusieurs milliards d'euros d'annulations de crédits, et en ouvre d'autres pour assurer des dépenses imprévues.
Des crédits pour la Nouvelle-Calédonie et la voirie
Du côté des bonnes nouvelles, des crédits ont été ouverts pour un montant de 4,2 milliards d'euros afin d'assumer le coût des élections législatives anticipées, les primes des agents qui ont assuré la sécurité durant les Jeux olympiques et paralympiques de Paris (pour 1,6 milliard d’euros) ou encore les conséquences des émeutes en Nouvelle-Calédonie.
Au total, ce sont près de 1,1 milliard d’euros de dépenses qui sont ainsi débloqués pour le territoire océanien, « au titre notamment de la mobilisation des forces de sécurité, du soutien aux entreprises et aux salariés via le fonds de solidarité et l’activité partielle, ainsi que des aides apportées aux collectivités et aux hôpitaux » de la Nouvelle-Calédonie.
Sans vote de ce texte, les conséquences auraient été « dramatiques » puisque cela aurait conduit à une « interruption des salaires des agents publics et des médecins, un arrêt des allocations chômage et une crise énergétique majeure », avait prévenu en amont le député néo-calédonien Nicolas Metzdorf, les provinces et les communes n’ayant plus les moyens de fonctionner.
On peut également noter qu’une enveloppe de 70 millions d’euros a été accordée pour l'entretien du réseau routier géré par les collectivités au regard des besoins « toujours criants » en la matière. Celle-ci devra être répartie « en fonction notamment de la longueur de voirie à entretenir », selon les termes fixés par les sénateurs à l’origine de cet ajout.
Le ministre de l’Intérieur démissionnaire, Bruno Retailleau, a par ailleurs indiqué que ce texte permettra de débloquer les crédits nécessaires au paiement par la gendarmerie des loyers dus à des centaines de communes.
Fonds vert : nouvelle amputation confirmée
Après les quelque 10 milliards d’euros de suppression de crédits réalisés en début d’année, ce sont 5,6 milliards d’euros supplémentaires que le gouvernement et les parlementaires ont, dans le même temps, annulé pour l’année 2024. Ce qui représenterait au total 15 milliards d’euros de coupes claires par rapport au budget initial et dont le but est de faire face au dérapage budgétaire en cours.
Pour l’essentiel, ces annulations de crédits proviennent de la « réserve de précaution » mise en place cet été par le précédent gouvernement (de Gabriel Attal) qui avait gelé provisoirement 16,7 milliards d’euros.
Et les collectivités ne seront pas épargnées puisque la mission qui leur est consacrée (« Relations avec les collectivités territoriales » ) se voit réduite, mais moins que ce qui était prévu à l’origine.
L’enveloppe qui leur est dédiée diminuera ainsi d’un peu plus de 58 millions d’euros d'autorisations d'engagement (au lieu de 128 millions d'euros initialement) et de près de 90 millions d’euros en crédits de paiement (contre 159 millions d'euros, à l’origine). La totalité de ces 70 millions d'euros de gains opérés par rapport au projet de loi initial s’est faite au profit des « concours financiers aux collectivités » et correspond à l'enveloppe débloquée pour l'entretien de la voirie.
Autre point particulièrement sensible pour ces dernières, la nouvelle amputation du Fonds vert qui continue de se réduire inexorablement. Après la coupe de 500 millions d’euros engagée en début d’année, l’enveloppe permettant de financer la transition écologique dans les territoires subit un nouveau coup dur en perdant encore 400 millions d’euros d’autorisations d’engagement (les sommes susceptibles d'être engagées pour les années suivantes). En parallèle, ce sont 65 millions d’euros de crédits de paiement (les dépenses maximales pouvant être engagées pendant l'année) en moins, qui s’ajoutent aux annulations de 430 millions déjà décidées en février.
Pour l’heure, cependant, les collectivités échappent au projet du gouvernement Barnier de réduire l’an prochain le Fonds vert de 2,5 milliards à 1 milliard d’euros, dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, la motion de censure ayant suspendu les travaux parlementaires.
Le sort incertain du PLF et du « fonds de précaution »
La situation reste, toutefois, très incertaine à ce stade puisque tous les juristes ne sont pas d’accord sur le sort de ce texte. Certains estiment, en effet, que la chute de l’exécutif a de fait entraîné le rejet du projet de budget, quand d’autres assurent que le prochain gouvernement pourra s’en saisir à nouveau et reprendre le travail parlementaire là où il s’est arrêté.
Et en l’occurrence, il était aux mains des sénateurs qui venaient tout juste de supprimer le très controversé « fonds de précaution » – jugé « trop brutal et inabouti » et qui prévoyait de ponctionner de 3 milliards d’euros les 450 plus importantes collectivités – pour le remplacer par un nouveau dispositif.
Avec ce mécanisme plus favorable aux départements, la commission des finances souhaitait n’opérer « aucun prélèvement de ressources », mais plutôt « lisser dans le temps les recettes des collectivités qui sont en mesure de contribuer au redressement des comptes publics », comme elle l’exprime dans l’amendement qu’elle a fait approuver hier. Et cela via une contribution de « 1 milliard d’euros » au lieu des 3 milliards prévus, tout « en tenant compte du niveau de leurs recettes mais aussi de leurs situations financières relatives ».
Cette version remodelée devait élargir le fonds de précaution à bien plus de communes mais concerner moins de départements, tout en abaissant le prélèvement sur chaque collectivité.
Comme promis par le président de la chambre des territoires, Gérard Larcher, les sénateurs avaient donc finalement bien diminué de 3 milliards d’euros le prélèvement annoncé sur les collectivités. Avant le remodelage du fonds de précaution (dont la contribution a donc été abaissée de 2 milliards d’euros), ils avaient déjà supprimé la mesure gouvernementale amputant le FCTVA et réévalué le montant de la DGF (pour un gain total d’un peu plus d’un milliard d’euros).
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