Maire-info
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Édition du jeudi 24 octobre 2024
Budget de l'état

Budget 2025 : les députés s'attaquent à la crise du logement

Fiscalité revue en faveur des locations de longue durée, mesures anti-spéculatives, encadrement des « ventes à la découpe »â€¦ L'Assemblée nationale a adopté, hier, plusieurs dispositions pour lutter contre la crise du logement, avant de supprimer un avantage fiscal des conseillers régionaux.

Par A.W.

Afin de lutter contre la crise du logement qui frappe le pays, les députés ont adopté, hier, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 en séance, une série de mesures sur ce sujet particulièrement sensible. 

Le Conseil des ministres avait autorisé, quelques heures plus tôt, Michel Barnier à utiliser le « 49.3 »  pour faire adopter ce budget sans vote, tout en conservant ou écartant les dispositions qu’il souhaite. Si le Premier ministre devait déclencher (ce qui est quasiment certain) l’arme constitutionnelle dans les jours qui viennent, les dispositions déjà votées par les députés devront donc être maintenues dans la loi de finances finale pour être appliquées l’an prochain.

Fiscalité revue pour les locations de longue durée 

« Fruits d’un long travail transpartisan », deux amendements identiques des députés Annaïg Le Meur (EPR, Finistère) et Iñaki Echaniz (PS, Pyrénées-Atlantiques) ont, d’abord, été validés par l’Assemblée afin de « rééquilibrer »  le dispositif fiscal en faveur des locations de longue durée.

En ligne de mire, notamment, les locations de meublés touristiques qui « prolifèrent en France aux dépens des locations de longue durée ». Favorisés par une « distorsion »  de fiscalité, ceux-ci sont ainsi passés de 80 000 logements loués en courte durée en 2014, à 1,2 million actuellement.

« Comment expliquer à nos concitoyens que les abattements fiscaux sont plus avantageux pour les locations de courte durée quand on manque de logements loués pour de plus longues périodes ? », a interrogé la députée du Finistère, en rappelant que « les revenus fonciers issus des locations nues bénéficient d’un abattement de 30 % avant calcul de l’impôt, quand on obtient 50 %, voire 71 %, pour les revenus issus de locations de courte durée ».

Face à cette « concurrence déloyale », les députés se sont donc mis d’accord pour faire passer l’abattement forfaitaire sur les revenus issus de locations nues de 30 à 50 %.

« Il s’agit de répondre à ceux qui ont besoin d’avoir un toit au-dessus de la tête, longtemps, pour que leurs enfants puissent aller à l’école, pour travailler »  en faisant « baisser les impôts, notamment ceux des petits propriétaires bailleurs dont l’investissement immobilier est vertueux puisqu’ils cherchent à loger des familles, des étudiants, tous ceux qui n’ont pas accès au logement social et font vivre nos territoires », a défendu Iñaki Echaniz.

Meublés de tourisme : « Redonner des outils aux maires » 

En parallèle, la ministre du Logement, Valérie Létard, a confirmé, hier, soutenir la proposition de loi transpartisane des deux députés. Visant à redonner du pouvoir aux maires et à s'attaquer à la niche fiscale « Airbnb », ce texte est très attendu par les élus locaux, mais - après avoir cheminé longuement et difficilement depuis son dépôt en février 2023 - il attend toujours de passer en commission mixte paritaire (CMP) depuis la dissolution décidée par Emmanuel Macron.

La ministre a donc assuré, ce mercredi, sur Franceinfo, qu’il « va arriver avant la fin de l’année », en rappelant que son ministère a « fortement poussé pour réinscrire très vite ce texte à l’ordre du jour du Parlement ». « Il faut réduire les niches fiscales et donner aux maires des outils pour mieux maitriser les meublés touristiques à courtes durées », a fait valoir l’ancienne vice-présidente du Sénat.

De la même manière, elle souhaite « remettre en route »  la proposition de loi du député MoDem, Romain Daubié, qui vise à encourager la reconversion de bureaux en logements. « On pourrait très bien imaginer de requalifier ces bureaux vacants en logements étudiants. C'est un chantier qui est devant nous et ça pourrait répondre à plusieurs problématiques », selon elle. 

Elle a, par ailleurs, assuré que l’exécutif « prendra des dispositions pour assouplir les règles »  s’agissant du ZAN. « Il y a plein de pistes possibles. Aujourd'hui, elles ne sont pas arrêtées, mais croyez-moi, foncier, logement, on a besoin d'assouplir les règles », a assuré la ministre. 

Lutter contre les « culbutes spéculatives » 

Du côté de l’Assemblée nationale, il a été décidé de prolonger de trois ans, « jusqu’au 31 décembre 2027 », le dispositif Loc’Avantages (qui prévoit une réduction d’impôt au profit des propriétaires qui mettent leur logement en location dans le cadre d’une convention conclue avec l’Anah, sous condition de plafond de loyer), grâce à un amendement porté par Lionel Causse (EPR, Landes) qui étend également son bénéfice aux « propriétaires dont les revenus locatifs sont soumis au régime micro-foncier ainsi qu’aux logements meublés ».

Afin de lutter contre les mécanismes de « culbutes spéculatives », les députés se sont aussi mis d'accord pour « conditionner »  l’exonération de la taxe sur les plus-values immobilières à « une durée de détention d’au moins cinq années comme résidence principale ». 

« Particulièrement développées dans les zones touristiques où la tension locative entraîne depuis 20 ans une importante augmentation du prix des biens », ces « culbutes spéculatives »  permettent d’acheter puis revendre, dans un délai court, un bien immobilier en le déclarant comme une résidence principale pour échapper à la taxe sur les plus-values immobilières, a expliqué le député socialiste des Pyrénées-Atlantiques Peio Dufau, à l’origine de l’amendement.

Les députés ont, par ailleurs, voulu mieux encadrer les opérations de « ventes à la découpe »  d'immeubles, en approuvant une taxation plus stricte des opérations de ce type lorsqu'elles génèrent une plus-value supérieure à 2 %. 

Alimentant « la hausse des prix de l'immobilier »  et rendant « l'accession à la propriété plus difficile pour de nombreux ménages », ces opérations - qui « génèrent souvent des marges significatives »  - se multiplient, « notamment dans les grandes agglomérations », et sont « un frein à la résolution de la crise du logement », souligne, dans son amendement, le député macroniste Jean Laussucq.

Les conseillers régionaux perdraient un avantage fiscal

Sur un tout autre sujet, le député RN de la Somme, Jean-Philippe Tanguy, a réussi à faire supprimer, contre l’avis du gouvernement et de la commission, une « niche fiscale »  perçue depuis 2019 par les conseillers régionaux – et dont il bénéficie lui-même, à titre personnel - , alors que ceux-ci n'étaient pas visés par « l'esprit du texte »  à l'origine de cet avantage, selon lui.

Jean-Philippe Tanguy vise ainsi l’abattement de 17 %, plafonné à 695 euros, dont bénéficient, sur leur indemnité, les conseillers régionaux, les conseillers départementaux et les conseillers municipaux des communes de plus de 3 500 habitants. 

Assurant vouloir faire la chasse aux « mauvaises niches fiscales »  et aux « avantages fiscaux indus », le député de la Somme a expliqué que, à l’origine, « cette niche était censée compenser le fait que les petites communes ne prennent pas en charge les frais de leurs élus, mais elle concerne en réalité tous les élus locaux ». Or, à ses yeux, « dans la mesure où la plupart des frais des conseillers régionaux sont pris en charge, cet avantage fiscal n’a pas lieu d’être pour eux ». 

Estimant qu’il y a un « risque »  d’introduire « une rupture d’égalité »  entre élus locaux, le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, a tenté de prévenir, en vain, que cet amendement, « en l’état », serait contreproductif et « toucherait tout le monde, y compris les élus des petites communes ».

Sur la même ligne, le rapporteur général du budget, Charles de Courson (Liot) a lui répété « qu’il faudrait réfléchir à une réforme d’ensemble et pas se focaliser sur les conseillers régionaux ».

On peut aussi retenir que l'Assemblée a rétabli la demi-part fiscale des veufs et veuves, un avantage supprimé en 2014, sous la présidence de François Hollande. Tous les veufs et veuves ayant élevé au moins un enfant devraient à nouveau en bénéficier, et ainsi payer moins d'impôts.

Enfin, les députés ont approuvé le renforcement de l'« exit tax », impôt créé en 2011 pour freiner l'exil fiscal des contribuables, mais ont rejeté une proposition de la gauche visant à alourdir la « flat tax », la taxation sur les revenus du capital.

Consulter le dossier législatif du PLF pour 2025.
 

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