Loi spéciale : les députés veulent sécuriser le versement des dotations aux collectivités à partir de janvier
Par A.W.
On avait perdu l’habitude de voir une telle concorde dans les travées de l’Assemblée. Les députés ont adopté, hier, à l'unanimité (seuls les « insoumis » se sont abstenus) le très attendu projet de loi spéciale (PLS), ce texte d’urgence destiné à éviter le « shutdown » et le blocage des administrations du pays dès les premiers jours de l’année 2025.
Pour empêcher la paralysie budgétaire et faire face à l'impasse politique qui a empêché le pays de se doter d'un budget, ils ont donc préféré assurer l’essentiel en autorisant l'exécutif à prélever l'impôt et à emprunter pour financer l'État, les collectivités et la Sécurité sociale à compter du 1er janvier, et choisi de remettre à plus tard leur bras de fer budgétaire.
Les députés LFI ont, toutefois, déploré, que la présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet ait jugé irrecevables des amendements visant à indexer sur l'inflation le barème de l'impôt sur le revenu. Une décision prise sur la base d’un avis du Conseil d'État.
Les élus ont besoin de « ne pas être dans le flou »
Déposé la semaine dernière après la censure du gouvernement de Michel Barnier, ce texte doit encore être examiné demain par les sénateurs, avant d’être certainement promulgué dans la foulée, sauf si la version sénatoriale venait à être différente. Il faudrait alors attendre encore que les parlementaires s’accordent sur un texte de compromis en commission mixte paritaire (CMP).
En séance, les députés ont décidé de régler un point d’incertitude concernant le versement des dotations destinées aux collectivités et la sécurisation de leurs ressources à partir du 1er janvier.
Si les services du gouvernement assurent depuis le début que ce projet de loi spéciale permettra bien le versement des dotations de fonctionnement aux collectivités (pour une « durée temporaire, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de finances de l’année » 2025) sans que celui-ci ne le mentionne explicitement, il semble que « des divergences d’appréciation existent quant à la nécessité de mentionner ces prélèvements au sein [du texte] », a expliqué dans l’hémicycle le président de la délégation aux collectivités territoriales, Stéphane Delautrette (PS).
« Certains disent, comme le secrétariat général du gouvernement, qu’il vaut mieux les inscrire par sécurité juridique, alors que d’autres disent que cela va de soi », a-t-il ainsi rappelé.
Estimant comme beaucoup d’autres que la loi spéciale reste « un objet mal identifié », il a donc fait approuver « par prudence » un amendement – sur les trois adoptés – visant à garantir les prélèvements sur les recettes de l’État au profit des collectivités. Car, « dans le doute, cela va mieux en le disant ».
« Suite aux innombrables interpellations qui nous sont faites par les élus dans cette période de construction budgétaire, les maires, les présidents d’interco, de départements ou encore de régions ont besoin de prévisibilité, d’assurance, d’être rassurés et de ne pas être dans le flou », a souligné le député de la Haute-Vienne.
Toutefois, on peut douter de la validité légale de quelque amendement que ce soit au projet de loi spécial de finances comme l’avait indiqué le Conseil d’Etat, estime ce matin l'AMF.
Dotations basées sur les montants de 2024
Les collectivités devraient donc bien percevoir, dès janvier, les dotations de fonctionnement de l’État par reconduction de 2024. Et ce, « jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de finances initiale pour 2025 ».
Elles percevront ainsi leur DGF sur la base de son montant et des règles d’attribution de l’année 2024, c’est-à-dire un peu plus de 27 milliards d'euros. Celle-ci sera « versée par douzièmes dès le début de l'année », tout du moins pour les enveloppes faisant l’objet d’un versement mensuel, avant que son montant ne soit « régularisé lorsque le projet de loi de finances sera voté », indiquait-on à Bercy la semaine dernière. Reste que les montants ne seront « pas forcément » exactement les mêmes que l’an passé à l’échelon de chaque collectivité puisque certaines variables d’attribution ont pu « bouger » depuis.
Les règles du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) ne changent pas pour l’heure, Bercy ayant assuré que, comme les années passé, les crédits attribués « dépendent des demandes des collectivités auprès de l'État ».
On peut aussi noter qu’alors qu’elle devait être minorée dans le PLF 2025 présenté par Michel Barnier, la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) se maintiendra à près de 240 millions d’euros pour les communes, de 890 millions pour les EPCI, de 1,24 milliard pour les départements et de 467 millions pour les régions.
De la même manière, l’« amortisseur électricité » sera, pour l’instant, lui aussi maintenu à hauteur de 400 millions d’euros. Grâce à lui, l’État va prendre en charge une partie de la facture d’électricité des collectivités territoriales, du moins pour celles qui subissent une hausse importante des prix, souvent parce qu’elles ont dû signer des contrats au plus mauvais moment lors de l’explosion des tarifs.
Subventions suspendues
Rappelons, toutefois, que ce texte présente plusieurs limites - détaillées la semaine passée par le ministre démissionnaire du Budget, Laurent Saint Martin – puisqu’il n’autorise pas le gouvernement à procéder à « de nouveaux investissements ni à des dépenses discrétionnaires, qui concernent notamment les fonds de soutien pour les entreprises, les collectivités et les associations ».
Concrètement, sauf exceptions liées à une situation d’urgence, les subventions seront versées sur les seules dépenses déjà engagées. Si les élus locaux pourront bien bénéficier de la dotation de soutien à l'investissement local (Dsil), la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ou encore du Fonds vert pour leurs dépenses déjà engagées, ils devront attendre l'adoption d’un budget 2025 pour percevoir à nouveau ces dotations sur leurs nouvelles dépenses.
Par ailleurs, la réduction progressive de la part restante de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) n’est finalement plus annulée, sa suppression étant donc toujours prévue en 2027 et non plus en 2030 comme le souhaitait le gouvernement Barnier.
On peut également signaler la parution, ce matin, de deux arrêtés (ici et là) ouvrant des crédits pour l’année 2024 dont près de 40 millions d’euros au titre des « Infrastructures et services de transports » alors que la loi de fin de gestion pour 2024 prévoit de nouveaux crédits pour la Nouvelle-Calédonie, le paiement de loyers par la gendarmerie et l'entretien de la voirie.
En parallèle, un décret a débloqué 655 000 euros pour Mayotte, afin de financer les « besoins urgents » de la sécurité civile sur place à la suite du cyclone tropical Chido (lire articles ci-contre).
Le président de l’AMF, David Lisnard, a écrit à chaque adhérent pour préciser les effets de cette loi spéciale de finances sur les communes et intercommunalités, et les éléments des ministères précisant les conséquences du dispositif de la loi spéciale pour les collectivités locales sont sur le site de l’AMF.
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