Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 17 décembre 2024
Cumul

François Bayrou souhaite le retour du cumul des mandats

Comme plusieurs ministres du précédent gouvernement, François Bayrou a décidé de ne pas abandonner son mandat de maire. Il a indiqué qu'il allait demander, dans son discours de politique générale, une révision de la loi de 2014 sur le non-cumul des mandats. 

Par Franck Lemarc

La scène en a surpris plus d’un. En pleine crise politique, alors que le gouvernement n’est pas constitué, et au milieu du drame terrible que vit Mayotte, le Premier ministre fraîchement nommé, François Bayrou, s’est rendu à Pau hier pour présider le conseil municipal. Il a même, pour cela, écourté sa présence à la cellule interministérielle de crise, qu’il n’a suivie qu’en visio-conférence. François Bayrou, lors de ce conseil, a expliqué pourquoi il ne souhaitait pas rendre son écharpe de maire. 

Du jamais vu depuis 27 ans

Des Premiers ministres qui restent maires, cela n’a rien de nouveau : certains prédécesseurs illustres de François Baryou, comme Pierre Mauroy à Lille ou Alain Juppé à Bordeaux, avaient cumulé les deux fonctions, sans parler de Jacques Chirac, à la fois Premier ministre, maire de Paris et président du conseil général de Corrèze. Mais depuis Lionel Jospin en 1997, qui avait imposé à ses ministres de démissionner de leurs mandats locaux, la chose était devenue très rare. Emmanuel Macron lui-même, au début de son mandat de 2017, avaient demandé que ses ministres soient « pleinement consacrés »  à leur tâche. Le premier locataire de Matignon, sous la présidence d’Emmanuel Macron, avait démissionné de la mairie du Havre pour prendre ses fonctions. 

Plus récemment, l’ancien ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, avait fait de même à Angers. 

Les choses ont changé avec le gouvernement de Michel Barnier, en septembre dernier, dans lequel trois maires, devenus ministres, ont immédiatement annoncé qu’ils resteraient premiers édiles de leur commune : Nicolas Daragon à Valence, Gil Avérous à Châteauroux et Fabrice Loher à Lorient. Quant à François Durovray, ministre chargé des Transports, il avait également choisi de conserver ses fonctions de président du conseil départemental de l’Essonne. 

Le pli étant pris, François Bayrou a donc choisi de rester, lui aussi, en fonction – même si de nombreuses voix s’en étonnent, depuis hier, estimant que l’ampleur de la tâche qui l’attend (il a lui-même évoqué « un Himalaya de difficultés » ) devrait justifier qu’il consacre la totalité de son temps à ses fonctions de Premier ministre. Sans même parler des conséquences du cyclone à Mayotte, la constitution d’un gouvernement dans un contexte extrêmement difficile, l’obligation de doter la France d’un budget dès le mois de janvier, le contexte financier et économique défavorable, sont autant d’arguments brandis par l’opposition pour critiquer le choix de François Bayrou. 

La situation à Mayotte n’a pas arrangé les choses : plusieurs voix dans l’opposition se sont étonnées, voire indignées, que le Premier ministre donne la priorité à son conseil municipal plutôt qu’à la gestion d’une crise d’une ampleur inédite. 

« Une erreur » 

François Bayrou a justifié son choix lors du conseil municipal d’hier soir, et est allé plus loin que son cas personnel. Ce conseil municipal était, chose rarissime, retransmis en direct sur BFMTV, le maire de Pau a tenu des propos très politiques, dépassant largement le champ de compétence du conseil municipal. 

« La vie de tous les jours, c’est de nos villes et de nos villages qu’elle part, a expliqué François Bayrou à ses conseillers municipaux. J’ai beaucoup souffert, j’ai été très choqué, tout au long des dernières années, par la rupture entre la base de la société française (…) et les milieux de pouvoir, comme si un mur de verre s’était construit, qui fait que nos concitoyens ont une défiance profonde à l’égard du monde politique. » 

Cette « rupture »  est « très grave », selon le Premier ministre, qui juge que « les relations entre le pouvoir et la base ne peuvent pas être séparées comme elles le sont » : « il faut réenraciner les responsabilités politiques dans la société, dans les villages, dans les quartiers. Je le pense depuis longtemps. Je pense profondément qu’on s’est trompés (…) en faisant que deviennent incompatibles les responsabilités locales et les responsabilités nationales. »  François Bayrou a estimé qu’à l’époque où les Premiers ministres et les ministres étaient aussi maires, « les collectivités territoriales étaient présentes dans le débat national, elles s’exprimaient ». Il estime donc que le pays doit « réfléchir à une nouvelle organisation ». Il a donc annoncé qu'il abordera la question lors de son discours de politique générale – lorsque le gouvernement sera formé. 

Précédents

Ces déclarations sur la loi de 2014 ne tombent pas comme un coup de tonnerre dans un ciel serein. Déjà, lors du récent congrès des maires, l’ancien Premier ministre Michel Barnier avait évoqué la question du non-cumul des mandats dans son discours de clôture : « Parmi les centaines de parlementaires, aujourd’hui, il n’y a plus de maires. Je suis ouvert sur cette question, sans tabou et sans idéologie. » 

Plus récemment encore, des députés LR ont déposé une proposition de loi pour abroger la loi de 2014, mettant en avant, eux aussi, « la déconnexion »  entre les parlementaires et la vie locale (lire Maire info de vendredi). Au printemps dernier, déjà, une autre proposition de loi dans ce sens, issue des députés Horizons, avait échoué de justesse. 

À l’Assemblée nationale, seule la gauche est opposée au retour du cumul des mandats – le « bloc central », les LR et le RN y étant favorables. D’ailleurs, lors de l’examen de la proposition de loi Horizons au printemps dernier, la gauche n’avait réussi à faire échouer ce texte que grâce à une procédure d’obstruction, n’ayant pas de majorité pour s’y opposer « à la loyale ». 

Il est donc probable, si le futur gouvernement décide de présenter un projet de loi dans ce sens, dans les mois à venir, que le texte puisse l’emporter, vu les rapports de force à l’Assemblée nationale et plus encore au Sénat. 

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