Budget 2025 : le fonds de précaution est un dispositif « assez brutal », concède la coalition gouvernementale
Par A.W.
A peine deux jours après son rejet en commission, le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 est revenu, depuis lundi, dans sa version initiale en séance publique.
Après avoir largement revu la copie du gouvernement en commission - avec l’ajout de « 60 milliards d'euros » de nouvelles recettes fiscales votées, selon le président, Eric Coquerel (LFI) - , les députés ont déjà adopté certains amendements sur lesquels ils s’étaient mis d’accord la semaine dernière. Notamment sur les collectivités.
Un « OFNI » difficilement identifié
Les interrogations qui perdurent autour du « fonds de précaution » ont ainsi refait surface au début des débats dans l’hémicycle, l’exécutif souhaitant créer un système « d’auto-assurance » en 2025 en prélevant 3 milliards d’euros sur les recettes des quelque 450 plus importantes collectivités.
Car il y a toujours « un problème » sur « la nature juridique » de ce prélèvement, s’est plaint, hier soir, le rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale, Charles de Courson (Liot), qui avait déjà qualifié, en commission, cet « objet étrange » d’« OFNI » - pour « objet financier non identifié » - alors qu’il constitue le premier étage du plan de 5 milliards d’euros de ponction voulu par le gouvernement sur les recettes des collectivités (complété par un gel de la TVA et l’amputation du FCTVA) dans le but de les faire participer à la réduction du déficit public.
Sans nouvelles de l’exécutif depuis la semaine passée sur ce sujet particulièrement âpre et technique, le député de la Marne a donc fait adopté le même amendement qu’en commission afin d’éclaircir les contours de ce prélèvement, dont le nom même reste encore incertain (il est parfois aussi appelé, dans les documents officiels, « fonds de résilience des finances locales » ou « fonds de réserve au profit des collectivités territoriales » ).
« Il y a un vrai problème car il ne figure pas dans le tableau sur les prélèvements obligatoires », s’est ainsi interrogé Charles de Courson.
« Ce n’est pas une contribution fiscale à proprement parlé, mais bien davantage une ponction qui est prise sur les avances de fiscalité reversées aux collectivités pour participer à ce fonds. C’est pour cela que cela n’apparaît pas dans les contributions obligatoires du texte », s’est justifié le ministre du Budget et des Comptes publics, Laurent Saint-Martin, indiquant que « c’est bien un prélèvement, comme il y en a d’autres sur les collectivités locales : le fonds de péréquation sur les DMTO - qui est un prélèvement sur recettes affectées – ou encore le Fpic ».
« Autoritaire » et « brutal », selon le camp gouvernemental
Un dispositif qui a, d’ailleurs, été jugé « assez brutal » par le député macroniste de la coalition gouvernementale, Eric Woerth, qui estime également que sa mise en œuvre est faite « de manière assez autoritaire ».
Ce mécanisme « laisse assez peu de marge de manœuvre aux collectivités et engage leur fameuse autonomie financière », a ainsi souligné le député de l’Oise. « Je comprends qu’il y a une situation d’urgence pour rétablir rapidement les comptes du pays, mais il faut bien se poser la question si c’est un fusil à un coup. Et je pense que cela doit l’être », a-t-il fait valoir.
« Oui, il faut que ce soit à un coup », a confirmé le ministre, insistant sur le fait qu’il faut « surtout que la gouvernance soit partagée avec les collectivités concernés, et que ce ne soit pas un fonds dont elles ne voient pas la destination des fonds ». Il a, par ailleurs, reconnu « une certaine verticalité, sinon une brutalité » dans l’application de cette mesure, assurant ne pas avoir « la prétention de croire que ce que nous proposons dans ce PLF est pérenne, durable et solutionne la problématique des finances locales ».
Réclamant « un mécanisme beaucoup plus consensuel », Eric Woerth a proposé de créer, comme en commission, un fonds de réserve lorsqu’il y a une dynamique des impositions qui est forte : « On pourrait écrêter cette dynamique dans un fonds à la main des collectivités afin de créer une sorte de coussin amortisseur pour les mauvaises années ».
« C’est exactement ce qu’il se passe avec les DMTO. Les départements ont bénéficié d’une augmentation extrêmement forte ces dernières années et finançaient sans problème leur action sociale. Aujourd’hui, ils ont les plus grandes difficultés pour la financer parce que les DMTO se sont effondrés », a-t-il rappelé.
D’autres départements bientôt exonérés
« Une fois de plus, c’est une prime aux cancres », a pour sa part fustigé le député du Vaucluse, Hervé de Lépinau (RN), regrettant que l’on ne tienne « pas compte de la pauvreté intrinsèque des départements ».
« On va voir que la mauvaise gestion [d’un département] fait qu’il n’a plus de marges de manœuvre fiscale pour pouvoir subir ce prélèvement », a-t-il dénoncé, avant de demander l’application de « critères objectifs » afin que son département « bénéficie de cette exonération ». Le Vaucluse est « le cinquième département le plus pauvre de France, mais comme nous faisons un effort de bonne gestion, comme nous avons eu des DMTO plutôt dynamiques et bien nous serons exclus de la liste des 20 » départements exemptés de ce prélèvement, a-t-il déploré.
En réponse, Laurent Saint-Martin a assuré qu’il allait « travailler à faire en sorte que la fragilité financière des départements soit bien prise en considération, probablement au-delà des 20 départements que nous avons d’abord évoqués ».
Pérennité de la surtaxe sur les hauts revenus
A noter qu’un amendement du gouvernement vise à « toiletter » une série de textes déjà adoptés, portant sur la loi de finances pour 2024, sur celle visant à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et, enfin, sur la loi visant à pérenniser les jardins d’enfants gérés par une collectivité publique ou bénéficiant de financements publics.
Parmi la douzaine d’amendements adoptés cette nuit, on peut également retenir que les députés ont élargi l'assiette de la nouvelle contribution fiscale des foyers à hauts revenus et l'ont rendue pérenne.
Alors que le gouvernement voulait l'instaurer de manière exceptionnelle pour trois ans, l'Assemblée nationale a adopté des amendements déposés par la gauche et le Modem pour supprimer cette limite de temps.
Si 62 500 foyers entraient théoriquement dans le champ de la nouvelle mesure, une étude préalable publiée sur le site du ministère du Budget estimait que 24 300 foyers en seraient effectivement redevables.
A noter que le Conseil des ministres devait discuter, ce mercredi, de l'éventualité d'autoriser le recours au « 49.3 » sur le projet de budget pour 2025, a annoncé la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, sur France 2.
Consulter le dossier législatif.
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