Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 23 octobre 2024
Catastrophes

Inondations : les communes « ne pourront pas régler seules la facture », alertent des députés

Quelques jours après les crues et inondations qui ont violemment frappé le centre-est et le sud-est de la France, des députés appellent le gouvernement à donner les moyens nécessaires aux communes en termes d'indemnisation et d'adaptation au changement climatique.

Par Lucile Bonnin

« Monsieur le Premier ministre, nous avons eu très peur ! »  C’est le député ardéchois Hervé Saulignac qui a ouvert hier, à l’Assemblée nationale, le bal des questions concernant les inondations de la semaine dernière. Pour mémoire, jeudi soir dernier, une quarantaine de départements a été placée en vigilance orange, voire rouge, pour risque de crues ou pluie-inondations (lire Maire info de vendredi). Le lendemain, les dégâts constatés étaient lourds dans des centaines de communes. 

« L’épisode cévenol qui a touché notre pays en fin de semaine dernière a été très violent, en particulier chez moi, en Ardèche, où les dégâts sont considérables et les populations traumatisées » , continue le député. « Les eaux transformées en torrents de boue ont dépassé par endroits tous les niveaux connus de mémoire d’homme » , a ajouté Emmanuel Mandon, député de la Loire. 

S’il est encore trop tôt pour évaluer précisément les coûts pour les communes, les élus de ces zones sinistrées s’inquiètent des moyens qui seront alloués à ces dernières à la fois pour réparer les dégâts et pour préparer l’avenir, tandis que les catastrophes climatiques sont de plus en plus fréquentes. 

Budget : les communes prises en tenaille 

« Nous venons de subir la colère de la nature. On ne peut pas subir la foudre du gouvernement qui menace de s’abattre sur les budgets de nos collectivités », a résumé le député ardéchois. Le contexte budgétaire n’est en effet pas rassurant de ce côté pour les communes ayant été touchées par cet épisode violent. « En Ardèche, 70 % des communes comptent moins de 1 000 habitants et ne pourront pas régler seules la facture. » 

D’un côté, le projet de loi de finances prévoit en effet une ponction de 5 milliards d'euros sur les recettes des collectivités locales. De l’autre, la dotation de solidarité « aux collectivités victimes d’évènements climatiques ne prévoit que 40 millions d’euros au budget 2025 » . Résultat : les communes devront se tourner vers leur département, leur région ou leur métropole qui auront subi un prélèvement « injuste »  de plusieurs milliards sur leurs recettes. Selon Hervé Saulignac, pour le seul département de l’Ardèche cela représente une ponction de 8 millions d’euros – « somme qui ne couvrira même pas les dégâts de la commune d’Annonay ».

Rappelons que le dispositif principal de ce plan de 5 milliards d’euros de prélèvements vise à la création d’un « fonds de précaution »  - appelé aussi « fonds de résilience des finances locales »  ou « fonds de réserve au profit des collectivités territoriales »  - de 3 milliards d’euros (lire Maire info du 11 octobre). Ce dernier sera alimenté par un prélèvement sur les recettes des collectivités mais prévoit une « exonération pour les collectivités dont les indicateurs de ressources et de charges […] sont les plus dégradés ». Une vingtaine de départements serait exemptée et le député demande donc de placer l’Ardèche dans cette liste.

Selon l’AFP, deux parlementaires de la Loire ont également adressé un courrier au Premier ministre, pour « renoncer à la contribution […] de l’ordre de 16 millions d’euros »  envisagée sur les recettes du département de la Loire. 

Catastrophe naturelle et assurances 

Sans surprise, concernant les finances de collectivités locales, aucune réponse n’a été apportée hier. Catherine Vautrin, ministre du Partenariat avec les territoires, a indiqué hier que pour les dégâts relevant des assurances, « une demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle a été engagée par Agnès Pannier-Runacher dès vendredi dernier et nous devrons obtenir des réponses assurantielles. » 

Pour le reste – « les ponts, les routes, les murs [qui] devront être réparés », « autant de biens qui ne sont pas assurables »  – la réponse apportée par la ministre a été lacunaire : « L’État a des engagements à travers les mesures de soutien à la reconstruction et à la réparation du patrimoine public. Ce budget nécessitera peut-être d’être abondé. » 

Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, de l’Énergie, du Climat et de la Prévention des risques, a aussi indiqué hier que les missions d’inspection pour évaluer les dégâts allaient être lancées, étant donné que « ce processus est nécessaire pour déclencher l’octroi de la dotation de solidarité aux collectivités locales touchées par des épisodes climatiques. »  Dans l’hémicycle, des députés ont rappelé que le temps presse. 

Un plan national d’adaptation à venir 

« Puis il va falloir construire l’après : reconstruire de façon à mieux faire face à des risques dont on constate que l’ampleur augmente » , poursuit le ministre. Sur cette question, beaucoup s’interrogent quant aux moyens que le gouvernement souhaite engager pour réussir ce défi colossal. 

Dans son projet de loi de finances, le gouvernement prévoit une réduction drastique du Fonds vert (qui passera de 2,5 milliards à 1 milliard d’euros), « alors qu’il est censé servir la transition écologique » , déplore Hervé Saulignac. 

Alors que les financements se réduisent, la ministre annonce qu’un nouveau plan national d’adaptation au changement climatique sera annoncé « dans les prochains jours ». « Son objectif sera de promouvoir des actions très concrètes pour prévenir les risques, développer les investissements et la culture du risque, a-t-elle ajouté. Il n’y a pas que les inondations : nous devons également faire face aux canicules ou aux vents violents. L’objectif est de mettre à disposition des collectivités locales une boîte à outils qui leur permette de mieux se protéger. » 

Rappelons que la ministre elle-même juge qu'en l'état, le budget alloué à l'adaptation et à la lutte contre le réchauffement climatique « n'est pas à la hauteur ». Une sortie qui illustre, une fois encore, les dissonances au sein du gouvernement. 

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