Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 13 avril 2022
Biodiversité

Zones de protection forte : le gouvernement a fait un (petit) pas

Le décret « définissant la notion de protection forte et les modalités de la mise en oeuvre de cette protection forte », qui crée une nouvelle forme d'aires protégées, a été publié ce matin au Journal officiel, avec une petite concession du gouvernement sur les délais de consultation des communes.

Par Franck Lemarc

Il y a des jours où les élus doivent se demander à quoi rime la notion d’« extrême urgence ». Le 7 février dernier, le gouvernement exigeait du Conseil national d’évaluation des normes qu’il examine en « extrême urgence », sous 48 heures, le projet de décret relatif aux nouvelles Zones de protection forte (ZPF) prévu par la loi Climat et résilience. Avec l’objectif, visiblement, de publier ce décret lors du sommet One ocean qui s’est tenu à Brest dans la foulée, histoire de montrer que la France était bonne élève en matière de protection de la biodiversité aquatique. 

Mais l’extrême urgence était toute relative, puisqu’il a fallu attendre deux mois pour que le décret soit finalement publié au Journal officiel de ce matin. 

Supprimer les pressions exercées par les activités humaines

De quoi s’agit-il ? L’article 227 de la loi Climat et résilience du 22 août 2021, devenu depuis l’article L110-4 du Code de l’environnement, prévoit que sur les 30 % du territoire français terrestre et maritime qui doivent être couverts par les aires protégées, 10 % soient sous un statut de protection renforcée dite « protection forte ». La loi renvoie à un décret la définition de ce statut. 

C’est ce décret qui, bien qu’ayant été rejeté par les représentants des élus locaux au Cnen, a été publié ce matin. La définition est la suivante : les ZPF sont des « zones géographiques dans lesquelles les pressions engendrées par les activités humaines susceptibles de compromettre la conservation des enjeux écologiques sont absentes, évitées, supprimées ou fortement limitées, et ce de manière pérenne, grâce à la mise en œuvre d'une protection foncière ou d'une réglementation adaptée, associée à un contrôle effectif des activités concernées ». Il s’agit donc d’un nouveau niveau de protection qui vient s’ajouter à bon nombre d’autres (zones Natura 2000, Znieff, réserves naturelles, parcs naturels, réserves biologiques, arrêtés de protection, aires marines protégées, etc.). 

Ce nouveau zonage concernera systématiquement « les cœurs des parcs nationaux, les réserves naturelles, les arrêtés de protection et les réserves biologiques ». Par ailleurs, cas par cas, un certain nombre de sites pourront également être reconnus en ZPF lorsqu’ils présentent « des enjeux écologiques d’importance », notamment dans les zones humides, les sites classés, les réserves nationales de chasse, et d’autres sites listés précisément dans le décret. Pour ces zones, un examen devra être effectué pour vérifier qu’elles répondent à certains critères, eux aussi définis dans le décret. Le classement en ZPF pourra être établi à la demande du propriétaire ou gestionnaire des lieux.

Trois mois de délai pour avis

Dans le cas d’une telle demande, le préfet de région soumettra « pour avis »  la proposition aux communes et aux régions. Celles-ci pourront répondre favorablement ou non, mais si elles ne répondent pas, ce silence sera considéré comme un accord. 

C’est notamment sur ce sujet que les représentants des élus au Cnen se sont opposés au texte : ils ont, d’une part, regretté que ne soient consultés ni les départements, pourtant compétents sur les espaces naturels sensibles, ni les EPCI, qui ont la compétence Gemapi. D’autre part, le gouvernement prévoyait initialement un délai de deux mois seulement pour que communes et régions rendent leur avis. L’AMF avait estimé ce délai bien trop court, notamment pour les communes rurales, et avait demandé qu’il soit porté à quatre mois. C’est sur ce sujet que le gouvernement a un peu reculé, en portant le délai, dans le décret publié ce matin, à trois mois. 

En revanche, sur les autres griefs exprimés par les associations d’élus, rien n’a avancé. Celles-ci avaient notamment fustigé le fait que le décret ne contienne « aucune précision sur les moyens qui seront consacrés à la gestion de ces zones ni sur l’impact de cette nouvelle couche de réglementation sur les projets de développement des collectivités et des acteurs économiques », et pas plus d’indications sur l’impact financier de la réforme.

Dans un communiqué au vitriol publié au lendemain de la séance du Cnen, plusieurs associations d’élus (AMF, Régions de France, l’ADF et l'Association nationale des élus du littoral) avaient critiqué la volonté du gouvernement « d’aller trop vite, mal et seul »  sur ces sujets : « La transition écologique ne se fera pas sur la base de lourdeurs bureaucratiques imposées, mais en bonne concertation avec les collectivités locales et leurs élus. » 

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